Trisomie 21: La restauration d’une hormone clé pourrait améliorer les fonctions cognitives

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Un nouveau traitement hormonal a amélioré de 10 à 30% la fonction cognitive de six hommes atteints du syndrome de Down aussi appelé trisomie 21, ont annoncé des scientifiques suisses et français.

Deux études, l’une sur la souris, l’autre sur l’humain, sont porteuses d’espoir quant à la perspective de traitements qui pourraient améliorer les difficultés d’apprentissage chez les personnes atteintes du syndrome de Down. Le syndrome de Down, ou trisomie 21, touche environ une naissance sur 800 et survient lorsqu’une personne naît avec une copie supplémentaire du chromosome 21, entraînant des caractéristiques physiques distinctives, un risque élevé de nombreux problèmes de santé et des déficiences intellectuelles légères à modérées. Ainsi, en vieillissant, 77% des personnes atteintes de trisomie 21 connaissent des symptômes proches de ceux de la maladie d’Alzheimer. Une perte progressive de l’olfaction, typique des maladies neurodégénératives, est également fréquente à partir de la période prépubère, et les hommes peuvent présenter des déficits de maturation sexuelle. De nombreuses personnes atteintes du syndrome de Down s’épanouissent, en particulier grâce à un bon accès aux soins de santé, aux programmes d’intervention précoce et à une éducation ouverte à tous. Mais les chercheurs ont néanmoins travaillé sur la mise à jour de médicaments qui pourraient atténuer les différences d’apprentissage et de communication et aider davantage de personnes atteintes du syndrome de Down à vivre seules. Bien que de nombreux médicaments se soient révélés prometteurs chez la souris, aucun des candidats n’a amélioré la cognition dans les essais sur l’Homme. Mais dernièrement, un laboratoire de l’Inserm (Lille) et le Service d’endocrinologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) ont collaboré pour tester l’efficacité d’une thérapie hormonale. L’équipe scientifique est en effet partie du constat que de récentes découvertes avaient suggéré que les neurones exprimant l’hormone GnRH (Gonadotropin-Releasing Hormone), connus pour réguler la reproduction via l’hypothalamus, auraient aussi une action dans d’autres régions du cerveau avec un rôle potentiel sur d’autres systèmes, tels que celui de la cognition. Partant de cette idée, elle a étudié le mécanisme de régulation de la GnRH sur des souris génétiquement modifiées pour fabriquer un chromosome supplémentaire similaire à celui du syndrome de Down.

Restaurer la production de GnRH pour améliorer les fonctions cognitives

Les chercheurs ont testé la mémoire et l’odorat des rongeurs au fur et à mesure qu’ils vieillissaient et ont constaté que les deux se détérioraient après la puberté. Les souris présentaient également des anomalies dans leurs neurones sécréteurs de GnRH, causées par une régulation perturbée des gènes situés sur le chromosome 21. Ce chromosome surnuméraire entraîne alors des anomalies dans les neurones secrétant la GnRH. C’est ainsi que l’équipe scientifique a établi que cinq brins de microARN régulant la production de GnRH étaient dysfonctionnels chez ces souris. Elle a ensuite démontré que les déficiences cognitives, ainsi que la perte de l’odorat, symptôme courant du syndrome de Down, étaient liées à un dysfonctionnement de la sécrétion de GnRH chez la souris. L’étape suivante a consisté à démontrer que la remise en fonction du système GnRH permettait de restaurer les fonctions cognitives et olfactives chez la souris trisomique. Et ce, grâce à un médicament à base de GnRH déjà utilisé pour traiter le faible taux de testostérone et le retard de la puberté chez l’Homme. Plus précisément, la capacité des souris trisomiques à se souvenir de différents objets et à distinguer les odeurs correspondait à celles des souris saines après deux semaines de traitement, rapporte l’équipe aujourd’hui dans la revue Science. «À ce moment-là, j’étais très excitée et j’ai pensé qu’il fallait tenter le saut vers l’humain.», y témoigne Nelly Pitteloud, cheffe du Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du CHUV. Les scientifiques ont donc mené un essai clinique pilote sur sept hommes trisomiques âgés de 20 à 50 ans afin d’évaluer les effets de ce traitement appelé Lutrelef. Tous ces participants ont reçu une dose de GnRH toutes les deux heures en sous-cutané pendant 6 mois, à travers une petite aiguille et une pompe collée en haut du bras délivrant une impulsion du médicament toutes les 2 heures à l’instar du schéma de libération naturelle de l’hormone dans le corps. Des tests de la cognition et de l’odorat ainsi que des examens IRM ont été réalisés avant et après le traitement, d’une durée de six mois. Résultat : d’un point de vue clinique, les performances cognitives ont augmenté chez 6 patients.

«La thérapie GnRH pulsatile est prometteuse», jugent les chercheurs

Ces derniers ont ainsi présenté une meilleure représentation tridimensionnelle, une meilleure compréhension des consignes, une amélioration du raisonnement, de l’attention et de la mémoire épisodique. Si le traitement n’a pas eu d’impact sur l’olfaction contrairement aux souris, l’équipe note toutefois que «ces mesures de l’amélioration des fonctions cognitives étaient associées à un changement de la connectivité fonctionnelle observée par imagerie». Concrètement, après 6 mois de traitement, les patients ont montré une amélioration de 10% à 30% sur l’évaluation cognitive de Montréal, mesure standard de la déficience intellectuelle. Le test met à l’épreuve la mémoire spatiale et verbale avec des tâches telles que dessiner un cube 3D ou se souvenir d’une courte chaîne de mots. Les patients ont été invités à dessiner un lit 3D simple à plusieurs étapes de la thérapie : beaucoup ont eu du mal au début, les efforts étaient nettement améliorés à la fin. Ces premières données ont leur importance, puisqu’elles suggèrent que le traitement agit sur le cerveau en renforçant, notamment la communication entre certaines régions du cortex. «Le maintien du système GnRH semble jouer un rôle clé dans la maturation du cerveau et les fonctions cognitives.», estime Vincent Prévot, directeur de recherche Inserm.

«Dans la trisomie 21, la thérapie GnRH pulsatile est prometteuse, d’autant qu’il s’agit d’un traitement existant et sans effet secondaire notable.», ajoute Nelly Pitteloud. Les auteurs reconnaissent néanmoins certaines limites à l’étude, notamment sa taille et le fait que les patients soient uniquement masculins. C’est pourquoi une étude plus vaste impliquant un placebo et 50 à 60 patients, dont un tiers de femmes qui ne devront pas être sous contraception ni vouloir tomber enceinte, devrait débuter dans les mois à venir. Il s’agira non seulement de confirmer l’efficacité de ce traitement pour les personnes atteintes de trisomie 21, mais aussi pour d’autres pathologies neurodégénératives, telles que la maladie d’Alzheimer. «Nous n’allons pas guérir les troubles cognitifs des personnes atteintes du syndrome de Down, mais l’amélioration constatée dans nos résultats semble déjà suffisamment fondamentale pour espérer améliorer leur qualité de vie.», conclut Nelly Pitteloud.