Taux de croissance et taux de chômage sur l’Algérie: Le dernier rapport du FMI d’avril 2022,et les axes du redressement national, politique, économique, social et culturel 2022/2025/2030

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Le dernier rapport du FMI  sur l’économie algérienne  de 2022  étant ambiguë, demande des éclaircissements  car c’est  par un fort taux de croissance sur plusieurs années que l’on résout durablement, loin des replâtrages pour une paix sociale fictive, le lancinant problème du taux de chômage  et par là l’amélioration du pouvoir d’achat devant s’attaquer  à la mauvaise gestion et à la corruption, réorienter  les investissements vers de projets créateur de valeur  ajoutée, s’insérant dans le cadre des valeurs internationales, en fait améliorer la gouvernance et valoriser le savoir.

Par Abderrahmane Mebtoul, Pr des universités, expert international docteur d’ Etat 1974 

C’est par  un diagnostic serein et une vision stratégique  que s’élabore une politique  socioéconomique cohérente. Les différents projets annoncés  par leur contenu, à savoir le lancement d’un nouveau programme économique pour le pays sont-ils diffèrent de ceux prônés, virtuellement, par les gouvernements précédents ? Comment va-t-on aborder la question de la relance de l’investissement, en ces moments de graves tensions géostratégiques avec l’annonce de la récession et l’inflation de l’économie mondiale et la crise alimentaire qui remet en cause la cohésion sociale, alors que perdurent encore le blocage bureaucratique, la non-réforme du système financier dans toutes ses composantes – douane, banques, fiscalité, domaines –, du foncier, du système socioéducatif et de l’information économique qui sont autant d’obstacles empêchant la relance de l’investissement ? Si les investissements algériens ne trouvent pas intérêt à aller vers la production nationale, vers la création de l’emploi, faut-il s’étonner, ou encore moins, s’attendre à ce que les investisseurs étrangers, qu’il y ait la règle du 51/49 ou même l’inverse, fassent preuve de plus d’engagement ? Pourquoi, aussi, n’arrive-t-on pas à mettre en place des politiques économiques viables ? Faut-il, pour autant, revenir au bon ministère de la Planification pour mettre de l’ordre dans ce «désordre» ? Aura-t-on le courage, pour des raisons de sécurité nationale et non d’intérêts personnels, de faire un bilan serein de l’actuelle situation socioéconomique afin d’éviter les erreurs du passé ?

1.- Selon le FMI, dans son  rapport d’avril 2022 qui part des données officielles que lui communique tout gouvernement, corrigé ensuite par  des tests de cohérence,  du fait surtout de l’effet prix  et très  accessoirement de  l’effet volume, les recettes additionnelles prévues si le cours des hydrocarbures – pétrole et gaz-  se maintient au niveau actuel seront pour la Libye de 39 milliards de dollars, un accroissement de 74%, l’Irak de 149 + 73%, les Emiraties 190, +  46%, le Koweït 84, +46%, le Qatar 84, + 40%, le Bahreïn 11, +39%, Oman 39, +34%, Arabie saoudite 327, + 28% et l’Algérie 59 milliards de dollars  avec un accroissement de 28% pour 2021. Avec une baisse en volume  physique d’environ 25/30% par rapport aux années 2006/2007,  les exportations de gaz ont atteint environ  43 milliards de mètres cubes gazeux et pour le pétrole 500 000 barils/j  du fait que la consommation intérieure est presque identique aux exportations amplifiée par la politique des subventions et qui pourrait représenter  cas de non-accroissement  de la production et d’un  nouveau modèle de consommation énergétique ( Mix énergétique dont l’efficacité énergétique et les  énergies renouvelables)  80% des exportations  horizon 2030 (voir nos interviews aux télévisions 18/24  avril 2022, Alg24 et France 2 Paris).  Or, on continue de construire des logements  selon les  anciennes méthodes alors que les  nouvelles techniques permettent d’économiser  plus de 30% d’énergie, et  les énergies renouvelables, malgré des discours et de nombreux séminaires  au  1er janvier 2022 couvre à  peine un pour cent (1 %) de la consommation intérieure  restant  un long parcours pour couvrir les prévisions du ministère de l’Energie  40%  de la consommation intérieure à horizon 2030. Quant aux importations de biens et services (ce dernier environ 6 milliards de dollars  en 2021 contre 10/11 entre 2018/2019 ), elles  sont estimées à  46 milliards de dollars selon le FMI, et se pose cette question : quel sera l’impact de l’inflation mondiale en termes de balance devises. Pour un même niveau d’importation, avec toutes les restrictions, en  pondérant seulement de  50% les prix internationaux, rappelons avant cette hausse uniquement  la rubrique biens alimentaires, la crise alimentaire avec les tensions en Ukraine, qui devrait toucher bon nombre de pays, s’élevait à presque 9 milliards de dollars en 202,  le taux d’intégration en 2021 des entreprises privées et publiques ne dépassant pas 15%, sans compter  les nouveaux investissements nécessitant des devises et la partie dinars, nous aurons presque 70 milliards de dollars d’importation de biens et services  si l’on  veut  relancer  l’économie nationale, existant donc un déficit entre les recettes et les dépenses d’environ 11 milliards de dollars. Cela n’est pas propre à l’Algérie mais concerne tous les pays rentiers  à économie non diversifiée ce qu’ils gagnent, en exportation d’hydrocarbures, ils le perdent en valeur d’importation,  devant toujours dresser la balance devises. Le  FMI prévoit un taux de croissance pour 2022  de 2,4%  pour l’Algérie et avec une baisse du taux de chômage , ayant  revu à la baisse ses projections pour les années 2022 et 2023, tablant sur un taux, de chômage respectivement, de 11,1% et 9,8%, alors qu’elle prédisait dans son rapport d’octobre une hausse de chômage à 14,7% en 2021, l’estimant en 2021 à  13,4% , du fait d’un taux de croissance en 2021 de 4%.

Le solde des transactions courantes de l’Algérie devrait s’établir à 2,9% du PIB  avant de baisser à -0,2% du PIB en 2023,  représentant  -2,8% du PIB en 2021, contre  la prévision précédente d’un taux de -7,6 % du PIB.  Afin  de ne pas  induire en erreur l’opinion publique, car les recettes des hydrocarbures pour l’Algérie représentant avec les dérivées  environ 98% de ses entrées en devises, le FMI doit nous éclairer sur la méthodologie des calculs de projection  car comment avec un taux de croissance démographique entre 2020/2021 entre 1,8  et 2% selon  les données officielles, une demande d’emploi environ 350 000 à 400 000 emplois par  an qui  s‘ajoute au taux de chômage actuel  estimé  en 2021 par le FMI à 13,4% avec un tel taux de croissance, le taux de chômage peut être de 11% en 2022 et inférieur à 10% en 2023. Rappelons qu’un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente : un taux de croissance  élevé par rapport à un taux de croissance  par rapport à la période précédente  faible donne cumulé un taux faible. Pour le calcul du taux de chômage a-t-on ventilé les emplois créateur de valeur ajoutée des emplois rente  qui constitue un transfert  de valeur  et l’emploi  dans la sphère informelle à très faible productivité et a-t-on  tenu compte des destructions d’emplois du fait de la crise, de la hausse des prix inputs et de la faiblesse de la demande publique via les hydrocarbures qui détermine toujours la croissance  et les restrictions, uniquement pour le BTPH en 2021 plus de 500 000 emplois sans compter la léthargie de bon nombre d’autres entreprises qui fonctionnent avec un effectif réduit ? 

Ces données du FMI ne contredisent-elles pas les  règles élémentaires de l’économie où le taux d’emploi est fonction du taux de croissance et des structures des taux de productivité et c’est une loi universelle.  Alors que selon la majorité des experts internationaux, il faut un taux de croissance en termes réels  de 8/9% par an  sur au moins cinq années pour absorber ce flux  et atténuer les tensions sociales.  Attention à la vision purement monétaire où afin de préserver les réserves de change estimées à 44 milliards de dollars  fin 2021, l’on bloque la machine économique, restriction des importations non  ciblée, où  en plus de l’inflation importée, l‘instabilité juridique et surtout monétaire, accélère  le processus inflationniste qui connaît en 2022 un niveau inégalée à deux chiffres, entre 50 et 100%, le prix  presque de la majorité de produits  non subventionnées   ayant doublé,  le citoyen algérien en 2022 n’ étant pas  seulement un  tube digestif avec la lente disparition des couches moyennes  noyau de tout développement, afin de combler artificiellement le déficit budgétaire,  par la dévaluation  accélérée du dinar  réalisant une épargne forcée  et contribuant  à la détérioration du pouvoir d’achat de  la majorité.

2.- Les axes politiques, économiques, sociaux et culturels  du redressement national de l’Algérie 2022/2025/2030 peuvent être résumés en quatre axes directeurs, devant redonner confiance afin que les Algériens s’impliquent.  Premièrement   les  axes d’action dans le domaine politique  où à  la question « comment reconnaissez-vous un bon personnage politique ? », Churchill avait répondu : «Même s’il reste en conversation avec moi durant plus d’une heure, je ne saurai pas s’il a dit Oui ou Non».  La communication politique doit éviter l’essoufflement et la monotonie, et que les déclarations et les gestes de responsables ne soient un objet de caricatures ou de plaisanteries, tant dans la presse que dans les espaces publics.  Les Algériens souhaitent que leurs responsables leur ressemblent ; ces derniers doivent éviter d’essayer que ce soit au peuple de leur ressembler. Dans ce cadre, l’action des  responsables doit s’inscrire dans  le  cadre d’une planification stratégique  avec un suivi des résultats périodiquement,  au sein d’ un registre d’engagements qui toucheraient en premier lieu les situations pénibles vécues. Cela concerne notamment les problématiques relatives à la gouvernance : l’intégration de la sphère informelle qui produit la corruption ; la bureaucratie centrale et locale ; l’urbanisation anarchique faute d’une véritable politique d’aménagement du territoire ; le problème des logements souvent livrés sans VRD ; les infrastructures défectueuses ; les malades dans les hôpitaux avec un système de santé à revoir ; intégrer pour une vie décente les communautés marginalisées dans le pays profond ; solutionner : la pénurie d’eau et les coupures d’électricité, le dérapage du dinar, l’inflation des produits essentiels, les points noirs de circulation ; opérer un renouveau de la gestion des ambassades bureaucratisées, qui doivent donner une autre image positive de l’Algérie ; prendre en charge les doléances du Sud pour l’obtention d’emplois et, bien entendu, de la majorité des autres wilayas touchés par le chômage. Il faut que les responsables politiques à tous les niveaux, se présentent avec la modestie qu’exigent l’imaginaire et le mental algérien sans tomber dans le populisme médiatique qui serait alors contre-productif. Car, la fonction ne doit pas être un privilège pour se servir, mais une lourde mission pour servir la Nation. L’opinion publique nationale se ligue normalement autour de la femme ou de l’homme rassembleur, capable de réaliser un certain accomplissement pour le pays. Le  patriotisme à ne pas confondre avec le nationalisme chauviniste, peut féconder la matrice qui forge la mobilisation populaire, sous réserve toujours de la moralité car en dépit des apparences, les Algériens sont attachés à leur passé et aux défis de leur présent. Deuxièmement, les actions sur le plan économique ne doivent plus faire la distinction entre  secteur d’État et secteur privé, toutes les entreprises devant contribuer au développement national dans un cadre concurrentiel, accélérer  les réformes économiques en faisant le lien direct avec les impératifs de justice sociale et placer l’Algérie comme pays pivot par rapport aux nouvelles mutations mondiales: montrer, par une communication intelligentes loin de toute démagogie, chiffres à l’appui, la masse d’argent colossale dépensée et les impacts économiques et sociaux – de l’indépendance à ce jour ; exposer des dépenses et résultats qui ont présidé à tous les organismes de création d’emplois, avec les bonifications de taux d’intérêt. Quant aux start-ups prestataires de services, elles ont besoin d’un marché et d’un environnement concurrentiel. Leur efficacité serait nulle à terme sans la dynamisation du tissu productif, l’élévation du niveau de qualification, et une efficacité des institutions nous retrouvant dans le même scénario  des projets de l’ex- ANSEJ dont plus de 70% sont en faillite. Or, si les nouveaux projets sont lancés en 2022, il faut prévoir de deux à trois ans pour la rentabilité des PMI/PME, et autour de 2027/2029 pour les projets hautement capitalistiques. Donc il ne faut pas attendre des entrées de devises avant ces dates, et d’autant plus que le monde économique aura alors profondément changé : avec la crise mondiale et l’endettement des États, une baisse substantielle des IDE, notamment vers le Maghreb et l’Afrique ;  mettre en relief les dangers de la dépendance financière de l’économie nationale d’un seul produit à savoir les hydrocarbures, la nécessité d’axer les efforts sur le développement de l’agriculture moderne de grands espaces, afin de réduire la dépendance alimentaire extérieure (chiffres à l’appui) ; comparer  la situation socioéconomique avec des pays à structures et potentiels économiques comparables ;  développer la recherche scientifique dans le développement économique et social et sur la relation université / entreprise. Quant aux axes d’action  sur le plan social, la société algérienne, comme toutes les sociétés humaines, est structurée en fonction de plusieurs paramètres sociologiques : mettre en relief l’évolution par catégories d’âge, profession, sexes, statut social, statuts religieux, statut politique. Il s’agit de  dedéfinir le rôle des collectivités locales à travers une réforme profonde pour pouvoir prendre en charge les besoins sociaux de la population, sans cesse croissants  les centres de loisirs et de détente pour les jeunes et les familles ; insister sur la protection du consommateur par des mesures réglementaires rigoureuses ;  la sécurité des frontières (terrorisme, trafics en tous genres), des biens et des personnes par le recrutement et la formation des agents de sécurité qui doivent s’adapter aux nouvelles technologies ; faire régner le respect de l’État de droit par tous, l’ordre afin d’éviter l’anarchie n’étant pas antinomique avec la cohésion sociale, et la démocratie tenant compte de notre authenticité ; sous-traiter certaines activités qui étaient assurées par les collectivités locales avec des associations de quartiers, le secteur privé  et  développer le civisme et l’amour de la patrie, dont le rôle premier est la moralité, tant des dirigeants que des citoyens, en faisant de l’école un lieu de promotion sociale, le véritable patriotisme étant défini comme la contribution des Algériens à la valeur ajoutée nationale. Et dernier axes, un  pays sans  son histoire, étant comme un corps sans âme,  les axes d’action  sur le plan de la protection de l’environnement et  le volet culturel tant pour le développement que pour les futurs comportements et besoins sociaux, avec la préservation de la biodiversité, les industries de l’avenir, dont Internet, le tourisme dans toute sa diversité, la musique, les jeux vidéo et les feuilletons TV,  développer  la diversité culturelle du pays et faire d’elle une richesse dont doivent profiter tous les Algériens ;  les espaces d’expression artistique et culturelle. et insister sur la nécessité des cultures des civilisations ;  introduire dans les programmes de formation et d’éducation nationale des enseignements de culture, dont l’histoire ancestrale de l’Algérie, des Numides à ce jour.  Faire du sport une activité de masse et professionnelle  et développer les associations culturelles dans tous les domaines. Nationales, régionales et de quartiers. En conclusion, le président de la République a délivré, depuis 2020, des messages de vérité qui ne sont pas appliqués sur le terrain, alors même qu’il est du devoir du gouvernement et de ses partenaires sociaux et économiques de donner l’exemple aux citoyens, par la solidarité, la mobilisation et l’unification des rangs afin que le pays puisse mobiliser les énergies et les investir de manière constructive. C’est l’entreprise libérée des entraves et un Etat régulateur qui peuvent créer une économie productive à forte valeur ajoutée. Le concept de crise que traverse l’Algérie doit se hisser au niveau de la crise du monde et ne pas rester une crise de société bloquée, faute de perspectives pour l’avenir d’une population et surtout d’une jeunesse angoissée et même très angoissée par les assauts de la nature, par la violence humaine et les déchéances sociales et économiques. Cette crise ne concerne pas seulement l’Algérie, mais le monde entier, aujourd’hui traversé par une crise d’identité avec des traumatismes sociaux, comme le montre le désintérêt vis-à-vis des partis et des sociétés civiles traditionnelles lors de différentes élections. 

Cela renvoie au concept de la citoyenneté qui ne doit pas rester aux yeux de la population comme un modèle importé, existant un lien dialectique entre la tradition et la modernité, ne devant jamais renier notre riche patrimoine historique et culturel (voir expérience des pays de l’Asie comme le Japon, la Malaisie, ou la Chine) mais adapter nos politiques économiques, sociales, culturelles, sécuritaires et militaires au mouvement du monde nouveau. L’Algérie, acteur stratégique et la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, sous réserve d’une bonne gouvernance  et de la valorisation du savoir peut atteindre ses objectifs conciliant  l’efficacité économique avec une  profonde justice sociale, la cohésion sociale étant  le nerf de la sécurité nationale.

(ademmebtoul@gmail.com)