Face aux tensions géostratégiques et au terrorisme: L’ANP et les forces de sécurité, garantes de la sécurité nationale

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Les derniers évènements au Niger semblent avoir fait oublier que le principal défi du monde est le développement sur un nouveau modèle du fait du réchauffement climatique qui menace l’humanité, d’un côté pluies diluviennes et de ‘l’autre côté sécheresse avec des incendies’ voir notre intervention revue DGSN Chorfa juillet 2023) et surtout les importants conflits dans le monde : le conflit israélo-palestinien, les scènes dramatiques les conflits en Libye au Soudan, au Yémen au Liban avec des interférences étrangères entrainant une misère dévastatrice, le conflit en Ukraine avec ses incidences sur la crise alimentaire et dans bien d’autres contrées dont la non-résolution du conflit au Sahara occidental.

D’une manière générale nous vivons dans un monde déséquilibré où l’opulence côtoie la misère au niveau mondial et au sein des Nations, le fossé entre les riches et les pauvres se creusant davantage où l’écart des revenus renforce les inégalités dans l’éducation, la santé avec des conséquences pernicieuses du chômage. En ce mois d’août 2023 étant à l’orée d’une période d’incertitude croissante, aux racines ancrées dans la polarisation des sociétés, avec l’ampleur de la récession mondiale et des gouvernances mitigées, nous assistons à des cicatrices profondes, spécialement parmi la jeunesse totalement désorientée surtout en Afrique. Sahara et les dynamiques de la conflictualité saharienne actuelle interpellent l’espace méditerranéen et africain, nécessitant des stratégies nouvelles en direction de leur Sud et sur les relations de toutes natures entre le Maghreb et l’Afrique subsaharienne. C’est que nous assistons à des mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen, car comment ne pas rappeler aussitôt Kadhafi disparu, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par différents groupes qui opèrent au Sahel, puis par d’autres groupes terroristes venus d’autres régions et les conséquences pour la région des tensions au Mali. Les enjeux géostratégiques au niveau de cet espace renvoient à des logiques géopolitiques divergentes tenant compte de l’histoire et des anthropologies culturelles devant éviter la vision européo-centriste car le monde depuis qu’il est monde a connu différentes formes de civilisations et le dialogue des cultures est source d’enrichissement mutuel devant tenir compte de l’importance des échanges économiques (formels et informels), des flux migratoires notamment des migrants subsahariens en direction vers l’Europe. Du point de vue géographique et politique, l’Afrique du Nord comme mis en relief dans deux ouvrages réalisés sur le Maghreb face aux enjeux était et reste toujours une sorte de barrière sur la voie des réfugiés illégaux des pays d’Afrique subsaharienne en Europe. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l’un de ces espaces échappant à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Cet espace est caractérisé par l’ancienneté du système caravanier transsaharien, l’unité culturelle forgée autour de l’Islam et l’existence d’un «complexe de sécurité» dans la bande sahélienne et les dangers de la pénétration de l’islamisme radical à ne pas confondre avec l’Islam religion de tolérance à l’instar du judaïsme ou du christianisme. Il y a lieu d’éviter des déclarations hâtives de verser dans la xénophobie qui alimente le discours des extrêmes, ce qui se passe actuellement ne saurait en aucune manière refléter les idéaux de l’Islam fondés sur la tolérance. Et sans oublier qu’existent des influences religieuses autour de la conception de l’Islam qui influence largement les dirigeants politiques au niveau du Sahel, entre les frères musulmans qui encouragent le maraboutisme (zaouias) dominantes d’ailleurs au Maghreb, et les djihadistes qui y voient une dérive de la religion. Il s’agit donc de lever les contraintes, du fait que la corruptibilité générale des institutions, pèsent lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique du Nord et en Afrique noire. De plus, la porosité des frontières aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières posent de grands problèmes. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. D’une manière générale, l’on devra différencier tactiques à court terme et stratégie à moyen et long terme et les défis collectifs nouveaux sont une autre source de menace : ils ont pour noms terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, cyberattaques et maitrise des technologies, développement des drones sur le plan miliaire, crises régionales et délitement de certains Etats, les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre régional et global.

Face aux tensions géostratégiques, quelles positions pour l’Algérie ?

Privilégiant en premier lieu ses intérêts stratégiques propres, l’Algérie agit en fonction d’une volonté avérée de contribuer à la promotion de la sécurité et de la stabilité dans la région, ayant adopté une position de neutralité dans les conflits, privilégiant le dialogue productif, en s’interrogeant légitimement sur le rôle, la place ou l’intérêt partie prenante du Dialogue méditerranéen de l’Otan, du partenariat euro-méditerranéen, des traités stratégiques qui la lient à la Russie et à la Chine où les nouveaux défis dépassent en importance et en ampleur les défis qu’elle a eu à relever jusqu’à présent. Eric Denécé, ex-directeur du Centre français de recherche sur le renseignement, est clair sur l’origine de la situation présente : «Il faut dire et répéter que le facteur déclenchant de l’instabilité régionale est l’intervention occidentale en Irak et en Libye. Ce qui ne disculpe pas l’ancien régime fondé non pas sur des institutions mais sur des relations personnalisées qui explique l’effondrement actuel de l’Etat libyen et dont bon nombre d’Etat devraient tirer les leçons renvoyant à un Etat de droit et donc au processus démocratique, devant éviter de plaquer des schémas importés. L’ex-directeur du FBI, James Comey, a affirmé le 14 novembre 2013 devant le Congrès «qu’Al Qaida au Maghreb islamique constituait une forte menace dans la région de l’Afrique du Nord et du Sahel» et pour l’ex-directeur du Centre américain du contre-terrorisme. Quant à Matthew Olsen, devant la commission sénatoriale que l’Algérie est un acteur stratégique de la stabilisation de la région. C’est dans le cadre de cette position constante dans ses relations internationales que récemment, (voir nos interviews à la télévision internationale AL24 du 23/01/2023, aux quotidiens gouvernementaux El Moudjahid du 24/01/2023 et El Massa 25/01/2023), qu’elle entretient dans le cadre du respect mutuel, d’excellentes relations avec les USA, la majorité des pays, comme en témoigne la récente visite de la Première ministre de l’Italie, de la Grande-Bretagne en Algérie l’Air Marshal Martin Elliott Sampson, haut conseiller de la Défense pour la région MENA, du ministère de la Défense britannique, la Chine et la Russie pour ne parler que de certains acteurs. Comme l’ont souligné la Première ministre de l’Italie et la secrétaire d’État adjointe américaine en charge des organisations internationales, Michele Sison lors leurs visites à Alger, les présidents russe et chinois lors de la visite du président de la République, l’Algérie est un pays leader dans le règlement des conflits au niveau régional, par son rôle central dans la consécration de la stabilité, particulièrement dans la région du Sahel et étant un acteur déterminant de la sécurité énergétique pour l’Europe. Ce thème des dangers de l’instabilité au Sahel notamment a été développé lors d’une rencontre internationale des experts le  4 décembre 2013 à Paris, en marge du sommet des chefs d’Etat 06/07 décembre 2013 à laquelle j’ai eu l’honneur de participer. La résolution finale a mis l’accent sur l’obligation de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone et de l’urgence d’une coopération tant africaine que mondiale nécessitant une amélioration des bases de données afin de lutter efficacement contre le crime transfrontalier et le terrorisme. C’est dans cet objectif que se sont établis des dialogues stratégiques notamment entre les USA/Algérie et Europe/Algérie, Algérie/Russie et Algérie Chine considérant le dialogue comme «le fondement» pour lutter contre le terrorisme international et favoriser le développement sur la base d’un partenariat gagnant-gagnant.

Conclusion

Consciente des enjeux tant économiques que sécuritaires, l’Algérie, facteur de la stabilité euro-méditerranéenne et africaine qui constitue son espace naturel, grâce aux efforts de l’ANP et de toutes les forces de sécurité par une politique plus clairement affichée se traduisant par des actes, peut faire aboutir le processus des réformes inséparables d’une profonde démocratisation de la société. C’est que les mutations mondiales économiques, culturelles, politiques, sociales et militaires entre 2023/2030 préfigurent un bouleversement mondial, où le monde ne sera plus jamais comme avant. La stratégie diplomatique et militaire de l’Algérie est guidée par des principes fondamentaux hérités de sa longue histoire de libération nationale : la mise en place d’un dispositif de sécurité aux frontières et la restructuration des forces armées et de sécurité; l’amorce de processus bilatéraux de coopération avec les pays voisins; le développement d’un processus multilatéral à travers l’initiative des pays de Champ ; la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats. Pour l’Algérie, l’objectif stratégique est de traduire en termes concrets ses potentialités économiques, pour être en mesure de relever avec succès les défis innombrables qui nous sont lancés par le monde moderne, étant à l’aube de la quatrième révolution économique mondiale fondée sur les nouvelles technologies et les défis de la transition numérique et énergétique. L’Algérie a toujours été au carrefour des échanges en Méditerranée et en Afrique. De Saint-Augustin à l’Émir Abdelkader, les apports de l’Algérie à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle ne peuvent que nous prédisposer à être attentifs aux récentes fractures contemporaines. C’est pourquoi, je tiens à considérer que la stabilité de l’Algérie et la reconquête de notre cohésion nationale passe par la construction d’un front intérieur solide et durable en faveur des réformes. Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, à vaincre la haine et les peurs qui les habitent, et à trouver les raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire ensemble, le destin exceptionnel que de glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux.

Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités