Mohamed Lakhdar Hamina tire sa révérence : une figure monumentale du cinéma algérien s’éteint: Disparition du réalisateur de « Chronique des années de braise », Palme d’or à Cannes en 1975

0
210

Mohamed Lakhdar Hamina, acteur, réalisateur et producteur, s’est éteint vendredi à l’âge de 95 ans. Cinéaste engagé et moudjahid de la première heure, il laisse derrière lui un parcours artistique exceptionnel qui a profondément marqué le paysage cinématographique algérien pendant plus d’un demi-siècle. Son œuvre, foisonnante et engagée, est à la hauteur de l’Histoire de l’Algérie, qu’il n’a eu de cesse de mettre en lumière à travers sa passion pour l’image et le récit.

Natif de M’sila, Mohamed Lakhdar Hamina manifeste très jeune un goût prononcé pour la photographie et l’image. Il effectue ses premiers pas dans l’enseignement général en Algérie, avant de poursuivre ses études en France. En 1958, en pleine guerre de libération nationale, il rejoint Tunis, où il suit une formation cinématographique avant de retrouver ses compagnons de lutte pour tourner ses premiers films dans le maquis. Dès 1959, il est envoyé par le Front de libération nationale (FLN) en Tchécoslovaquie pour poursuivre des études spécialisées en cinéma à Prague, se concentrant sur la prise de vue. Il effectue de fréquents allers-retours à Tunis pour participer à divers tournages, notamment aux côtés de Djamel Chanderli (1920-1990), avec qui il collabore sur les films Yasmina, La Voix du peuple et Les Fusils de la liberté. Après l’indépendance de l’Algérie, il réunit ses anciens collaborateurs de Tunis pour fonder ce qui deviendra l’Office des actualités algériennes (OAA), qu’il dirigera de 1963 à 1974. Cette structure marquera un tournant décisif dans l’histoire du cinéma algérien post-colonial. En 1965, Mohamed Lakhdar Hamina réalise son premier long-métrage, Le vent des Aurès, avec l’actrice Keltoum (Aïcha Adjouri, 1916-2010), bouleversante dans le rôle d’une mère désespérée errant de prison en camp de concentration colonial à la recherche de son fils arrêté lors d’une rafle. Ce film poignant sera récompensé en 1967 au Festival de Cannes par le Prix de la première œuvre, un honneur qui consacrera la naissance d’un cinéma algérien sur la scène internationale. En 1968, il enchaîne avec Hassen Terro, un long-métrage interprété par le regretté Rouiched (Ahmed Ayad, 1921-1999), qui lui ouvrira les portes de la popularité auprès du public algérien. Il récidive en 1972 avec le film Décembre, œuvre dénonçant la cruauté et la barbarie des méthodes de torture utilisées par l’armée coloniale française. Mais c’est en 1974 que Mohamed Lakhdar Hamina atteint le sommet de sa carrière avec Chronique des années de braise, une fresque historique monumentale divisée en six tableaux, relatant les premières résistances populaires jusqu’à l’avènement de la Révolution de Novembre 1954. Véritable épopée visuelle, ce film sera couronné de la Palme d’or au Festival de Cannes en 1975, une première pour un cinéaste du monde arabe et africain, et une consécration pour le cinéma algérien. De 1981 à 1984, il prend la direction de l’Office national du cinéma et de l’industrie cinématographique (ONCIC), période durant laquelle il réalise Vent de sable (1982) et La Dernière Image (1985). Il signe en 2014 son dernier long-métrage, Crépuscule des ombres, ultime témoignage d’un regard lucide et profond sur l’histoire de l’Algérie. Producteur averti, Mohamed Lakhdar Hamina a également collaboré à des films de renommée internationale, tels que Z (1969) de Costa-Gavras et Le Bal (1983) d’Ettore Scola. Certains de ses films sont par ailleurs marqués par ses propres apparitions à l’écran : il incarne le personnage de Miloud, conteur écarté et considéré comme fou, dans Chronique des années de braise, et apparaît également dans La Dernière Image ainsi que dans le film J’accuse de Roman Polanski en 2019. L’amour inaltérable qu’il portait à son pays a toujours été au cœur de son œuvre. Dès sa jeunesse, il mit son art au service de la lutte pour l’indépendance, puis de la mémoire collective et de la valorisation de la pluralité culturelle algérienne. Sa caméra fut une arme, un témoin, un hommage. Mohamed Lakhdar Hamina sera inhumé ce vendredi après-midi au cimetière de Sidi Yahia, à Alger. Son départ laisse un vide immense, mais son œuvre continue de résonner, éternelle, dans la mémoire du cinéma et du peuple algérien.

Rayan B

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici