Seule une croissance forte peut juguler le processus inflationniste en Algérie et assurer la cohésion sociale

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Comprendre le processus inflationniste en Algérie  qui a des incidences sur le pouvoir d’achat et sur la nécessaire cohésion sociale, étant donc  des incidences sécuritaires,  qui a terminé fin 2023 en moyenne entre 9/10% , idem   début janvier 2024   implique, à la fois, de le relier à l’inflation mondiale, aux équilibres macro-économiques et macro- sociaux internes et  à la répartition du revenu par couches sociales. L’inflation accentue les inégalités et les rentes spéculatives, le caractère social dépendant pour sa pérennité d’une croissance forte loin des aléas de la rente des hydrocarbures. Je recense huit   facteurs interdépendants qui expliquent le processus inflationniste.

La première raison est l’inflation importée, puisque 85% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées dont le taux d’intégration ne dépasse pas 15%, proviennent de l’extérieur. La sécurité alimentaire mondiale est posée car outre les effets du réchauffement climatique via la pénurie d’eau douce, les prix des produits agricoles connaissent un prix élevé surtout depuis la crise en Ukraine. La crise en Mer rouge avec l’augmentation des coûts du transport maritime pourrait accroître les prix des produits importés en 2024 selon les experts entre 10/20% du prix final.

La deuxième raison est la faiblesse du taux de croissance où le versement de salaires sans contreparties productives contribue à accélérer le processus inflationniste. La faiblesse de la production et de la productivité et le déséquilibre entre l’offre et la demande entraînent des   pénuries avec des actions spéculatives. La restriction des importations sans ciblage   de matières premières fait que les entreprises fonctionnent en sous capacités avec forcément une hausse des prix. Les assainissements répétés maintenant des entreprises sous perfusion, non compétitives,  contribuent également à accélérer le processus  Selon le premier Ministère, l’assainissement des entreprises publiques ont coûté au Trésor public, environ 250 milliards de dollars, durant les trente dernières années à fin 2020, dont plus de 90% sont revenues à la case de départ et plus de 65 milliards de dollars de réévaluation, les dix dernières années à fin 2020.  Malgré des dépenses en devises importantes entre 2000/2023 plus de 1100  milliards de dollars importations de biens et services  (sans compter les dépenses en dinars), la croissance a été en moyenne annuelle, de 2/3%, avec une exception pour 2023 , un taux de 4% selon le FMI, tirée par la dépense publique, le secteur privé comme l’a mis en relief  le président de la  république récemment ayant de la peine à s’autofinancer, demandant toujours l’aide l’Etat .La troisième raison est l’importance du déficit budgétaire ,une loi économique universelle applicable pour tous les pays sans exception,  entraînant l’inflation en cas de rigidité de l’offre,  intimement lié en Algérie  au cours des hydrocarbures (98% des recettes en devises avec les décriées) . Ce dernier   connaît une forte baisse, le pétrole étant   coté le 05 janvier 2024 à  8h Gmt à  77,60 dollars le Brent et 72,39 dollars le Wit ( l’AIE prévoyant 75 dollars pour le premier trimestre  2004)  et le prix de cession du gaz sur le marché libre ayant atteint  le point haut du 09/01/2023 57,8 euros le MWh  étant coté à   32.858 euros le /MWh pour un cours euro/dollar 1,0951 (voir interview vidéo conférence A.Mebtoul El Watan Web 27/12/2023 sur la transition énergétique ).  Pour son équilibre budgétaire selon le FMI et en référence à la loi de finances 2023, l’Algérie  a besoin d’un baril de pétrole à près de 140 dollars. Pour la loi de finances 2024, le montant est certainement plus important, le prix fiscal de 60 dollars  étant un artifice  comptable.  En effet, le projet de loi des finances (PLF) 2024  publié au journal officiel  prévoit des recettes de 9105,3 milliards de DA en 2024 et des dépenses  de 15 292,74 milliards de DA comme autorisation d’engagement et 15 275,28 milliards de DA comme crédits de paiement avec  un déficit budgétaire de -6170 mds de dinars,(près de 46 milliards de dollars)  soit -17,4% du produit intérieur brut, ( près de 46 milliards de dollars au cours de 137 dinars un dollar) contre  des prévisions  de la loi de finances 2023 ,  des recettes  de 7901,9 mds DA (+4) et des  dépenses de 13786,8 mds de DA soit un déficit budgétaire de 4092,3 mds de DA (-15,9% du PIB), la clôture fin 2023 du  déficit budgétaire  ayant été de  -5526 milliards de dinars (–16,4% du PIB)  soit 40 milliards de dollars.  La hausse du budget peut, en plus d’autres facteurs, être également expliquée par une évolution des transferts divers et notamment des transferts sociaux qui ont dépassé les 5000 milliards de dollars en 2023(près de 37 milliards de dollars) et pour 2024, le budget des transferts devrait atteindre 4078,74 Mrds DA en autorisation d’engagements et 4146,52 Mrds DA en crédits de paiement, représentant une part de 27,5 % du total du budget de l’Etat.  Mais sans la maîtrise de la gestion de la dépense publique, cela peut induire de vives tensions inflationnistes du fait de la faiblesse de l’offre à moins d’accroître les importations de biens en les subventionnant, les transferts sociaux globaux ayant dépassé les 5000 milliards de dinars en 2023. L’équilibre budgétaire dépend avant tout des recettes de Sonatrach qui ont été de 60 milliards de dollars en 2022 pour un cours moyen de 106 dollars le baril et 16 dollars le MBTU pour le gaz, avec une moyenne de 80 dollars pour l’année 2023 et 11/12 dollars le MBTU les recettes devraient se situer entre aux alentours de 50/52 milliards de dollars, pour le profit net devant retirer les coûts et la part des associés. La quatrième raison est la dépréciation du dinar. Le 04 janvier 2024 selon la cotation de la  banque d’Algérie ( cotation officielle) , l’euro s’échangeait à 147,3100  et le  dollar américain  à 134,4144 . Quant à la cotation sur le marché parallèle,    l’euro s’échange  à 235,50 dinars à l’achat   et 237,50 dinars à la vente , soit un écart de plus de 50% La dépréciation officielle du dinar permet d’augmenter artificiellement la fiscalité des hydrocarbures (reconversion des exportations d’hydrocarbures en dinars) et la fiscalité ordinaire (via les importations tant en dollars qu’en euros convertis en dinar dévalué), cette dernière accentuant l’inflation des produits importés (équipements), matières premières et biens d‘équipement  , montant accentué par la taxe douanière s’appliquant à la valeur du dinar, supportée, en fin de parcours, par le consommateur comme un impôt indirect, l’entreprise ne pouvant supporter ces mesures que si elle améliore sa productivité. La cinquième  raison, est l’accroissement de la population algérienne avec des besoins croissants  qui a évoluée ainsi :1960 11,27, – 1970 14,69, -1980 19,47, -1990 26,24, -2010 à 37,06 – et au 01 janvier 2024  est de 46.889.856  millions dont 23,664.639 population masculine (50,50% et 23. 225.217 population féminine (49,50%) avec de nouveaux besoins et devant avoir  un taux de croissance de 8/9% pour absorber le flux additionnel  entre 350.000 à 400.000/an de demande d’emplois  qui qui s ‘ajoute au taux de chômage  évalué en 2023 par le FMI  à environ 14% .La sixième  raison est l’importance du marché informel  qui contrôle plus de 50% de la superficie économique hors hydrocarbures . Les enquêtes sur le terrain montrent que  les prix des produits non subventionnées  s’alignent sur le cours du dinar sur le marché parallèle amplifiant l’inflation et s’étendant en période de crise( voir étude sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul Institut Français des relations Internationales IFRI Paris décembre 2013, l’essence  de la  sphère informelle au Maghreb  et les axes  directeurs de son insertion, réactualisée revue IMPED stratégie Ministère de la défense nationale MDN octobre 2019).   Pour la Banque d‘Algérie en 2020 il y avait plus de 6200 milliards de dinars de la masse monétaire en circulation hors banques soit au cours de 137 dinars de l’époque un dollar 45,25 milliards de dollars. Le Président de la république courant 2021 avait dénoncé l’effritement du système d’information et donné un montant variant entre 6000 et 10.000 milliards de dinars. L’annonce de l’ouverture de bureaux de change qui ne date pas d’aujourd’hui puisque les dispositions du règlement n°95-07 du 23 décembre 1995 modifiant et remplaçant le règlement n°92-04 du 2 mars 1992 relatif au contrôle des changes notamment ses articles 10 à 15, plus de 40 bureaux de change avaient été agréés, aucun n’étant opérationnel, et la promesse du ministre des finances, (source APS) de l’ouverture fin 2023 n’a pas eu lieu. Sa réussite suppose une démarche progressive, la stabilité juridique et monétaire, la refonte du système financier dont les banques publiques accaparent plus de 85% des crédits octroyés et un écart raisonnable entre l’officiel et le marché parallèle , la valeur d’une monnaie étant fonction du niveau de production et de  la productivité , le dinar algérien étant corrélé à plus de 70% aux réserves de change via la rente des hydrocarbures, ne devant jamais oublier que les lois économiques sont insensibles au slogans politiques et que dans la pratique des affaires n’existent pas sentiments.

La septième raison est l’anticipation d’une dévaluation rampante du dinar qui  a un effet négatif sur toutes les sphères économiques et sociales, dont le taux d’intérêt des banques qu’elles devraient relever de plusieurs points, s’ajustant aux taux d’inflation réel et freinant, à terme, le taux d’investissement à valeur ajoutée. Par ailleurs face à la détérioration de leur pouvoir d’achat, nous assistons à la déthésaurisation des ménages qui mettent des montants importants sur le marché et pour se prémunir contre l’inflation placent leur capital-argent dans l’immobilier, des biens durables à forte demande comme les pièces détachées, facilement stockables l’achat d’or ou de devises fortes. La huitième raison, est la fraude fiscale et la corruption à travers les surfacturations qui se répercutent sur le prix final des biens, accroissant le processus inflationniste, la numérisation n’étant qu’un moyen à impacts limités pour le recouvrement sans un véritable système d’information à la base. La directrice générale des Impôts le 04 avril 2023 a fait état de 6000 milliards de dinars d’impôts non recouvrés soit au cours actuel, 44 milliards de dollars. Pour les transferts illicites de capitaux à l’étranger, selon les données du FMI , les entrées en devises entre 2000/2021 sont estimées, approximativement, autour de 1100 milliards de dollars avec une importation de biens et services de plus de 1050 milliards de dollars le solde étant les réserves de change au 31/12/2020 et une surfacturation  entre 10% et 15% donnerait un transfert illicite de devises entre 100 et 150 milliards de dollars entre 2000/2020 placés dans l’achat de biens  ou de tierces personnes ayant la nationalité étrangère et dans des paradis fiscaux où il est difficile de les récupérer, la procédure juridique de récupération des fonds étant très complexe.

En conclusion, évitons toute vision de sinistrose : l’Algérie a terminé  fin 2023  avec des réserves de change  à  73 milliards de dollars, un endettement extérieur  et 83 milliards de dollars si l’on inclut les 173 tonnes d’or, selon le FMI fin 2023 , un endettement extérieur faible ,  1.6% par rapport à son PIB, un endettement public soutenable environ 65,3% du PIB .Il  s’agira de profiter de ce cadre macro-financier favorable pour  réaliser la transition d’une économie de rente ( 98% des recettes en devises provenant des hydrocarbures avec les dérivées inclus dans la rubrique hors hydrocarbures  à plus de 65%, à une économie  diversifiée dans le cadre des valeurs internationales .Acteur stratégique de  la stabilité  de la  région méditerranéenne et africaine, elle en a toutes les potentialités, au sein d’un monde en perpétuel transformation, sous réserve  d’une nouvelle gouvernance au sein d’une planification stratégique.

A.M