Face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales et aux tensions budgétaires: Quelles perspectives pour la loi de finances prévisionnelle 2026 ?

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Une loi des finances n’est qu’un document comptable statique déterminant la nature, le montant et l’affectation des ressources et des charges de l’État, ainsi que l’équilibre budgétaire et financier qui en résulte étant  une loi ordinaire qui retrace les recettes et les dépenses de l’État pour une année civile  qui ne saurait  remplacer la planification stratégique qui fit cruellement défaut en Algérie. Dans ce cadre le conseil des ministres début octobre 2025 vient d’approuver la loi de finances prévisionnelle pour 2026 : en attendant sa discussion au niveau du parlement, cette présente contribution présente les grandes tendances

1. Le projet de loi de finances 2026 fait une rétrospective de la situation de l’économie mondiale marquée par  des incertitudes accentuées par des tensions géostratégiques au niveau mondial . Dans un contexte de demande modérée qui représente plus 92% des recettes  en devises de l’Algérie  et environ 98% avec les  dérivées inclus dans la rubrique hors hydrocarbures   le PLF 2026 a tenu  compte des remarques du   FMI (PEM, juillet 2025) qui anticipe une baisse progressive du prix moyen de pétrole. Cela rejoint les rapports du   FMI  de juin 2025 et celui de la Banque d’Algérie parues fin septembre 2025 , où les exportations globales des hydrocarbures en 2024 ont été caractérisées par une baisse de 5% en volume et 10% en valeur pour se stabiliser à 45,2 milliards de dollars contre 50,4 milliards en 2023 et 6O milliards de dollars en 2022. . Au sein des recettes des hydrocarbures, il faudra tenir compte du montant total des bénéfices transférés par les compagnies étrangères qui selon le rapport de la Banque d’Algérie ont atteint en 2024 , 3,08 milliards de dollars. réparti entre le pétrole brut (2,18 milliards de dollars), le gaz naturel (381 millions de dollars), le GPL (273 millions de dollars) et les condensats (241 millions de dollars Malgré avec une croissance du PIB de 4,5 %, Selon le Fonds monétaire international (FMI), la dette nationale brute/PIB pourrait dépasser les  63,9 % d’ici 2025. C’est pour tenir compte de ces contraintes qu’a été prévu un   cadrage macroéconomique et budgétaire du projet de loi de finances pour 2026 qui   repose sur plusieurs  hypothèses :

-un prix de référence fiscal du baril de pétrole brut fixé à 60 $US  et un  prix de marché du baril de pétrole brut à 70 $US ;

– un repli progressif des volumes d’exportation des hydrocarbures, avec une baisse de – 2 % en 2026, puis de -0,5 % en 2027 ; et de la baisse des prévisions de croissance pour le secteur des hydrocarbures (0,7% en 2025 au lieu de 2,4% prévue dans la LF 2025), principalement en raison de la diminution notable des quantités à exporter d’hydrocarbures, qui devraient atteindre 92 Millions de TEP5 en 2025, contre une prévision dans la LF 2025 de 99 Millions de TEP

– pour  le PIB courant,   la prévision pour 2025 a été révisée à la baisse de 0,1 point de pourcentage, où elle devrait atteindre 4,4% contre 4,5% prévue dans la LF 2025., étant  prévu  un taux de croissance prévu à 4,1 % en 2026, et 4,4 % en 2027 et à 4,5% en 2028.

Cependant ces prévisions pour 2026  d’un  produit intérieur brut (PIB) courant  de 41 878 milliards de dinars soit 324 milliards de dollars  sont en contradiction avec les prévisions  du FMI et la BM  ainsi que certaines données d’institutions officielles,  rendant urgent la révision du système d’information  économique déficient en Algérie,   où je rappelle  qu’en 2023 le gouvernement a réévalué sur d’autres bases  en intégrant pour plus de 33% la sphère  informelle.  Sur la base d’une évolution de la cotation du dinar par rapport au dollar qui a été  en   2022 de  140, 24 dinars le dollar, en  2023: de 137,0471 dinars le dollar en 2024,  de 134.36 dinars le dollar et en 2O25 de  : 129,42 dinars le dollar , le  PIB 2O22  a été de  225 ,64 milliards de dollars, en  2O23 de  247,63  milliards de dollars,  en 2O24  de 269,3 milliards  de dollars  et  les prévisions  pour 2025  sont  de  278,61  milliards de dollars . En se basant sur les prévisions du gouvernement algérien d’un taux de croissance  de   4,5%  pour le FMI  et la banque mondiale le taux du PIB  été de 3,3% pour 2O25  et même si on prend les prévisions des institutions internationales de fin  septembre 2025 du FMI d’un taux  de 3,7% pour 2026 , qui , nous aurons 28O milliards de dollars fin 2026. Le produit intérieur brut –PIB – étant en mathématique  une matrice, par la  triangularisation ( inversion de la matrice) , le résultat est que les  hydrocarbures irrigue à plus de 7O% à travers son financement en devises, le taux d ‘intégration entreprises publiques et privées ne dépassant pas   15%.

2. Pour le FMI,  afin de maintenir l’équilibre budgétaire, l’Algérie a besoin d’un  prix du baril de pétrole d’au moins 140 dollars en 2023 et de plus de 150 dollars en 2024 et 2025 , par rapport aux 110 dollars requis pour 2021-2022 .   En prenant le  cours dollar/dinar au moment de l’élaboration de la loi de finances, le  montant total du budget de l’Algérie pour la loi de finances 2022 était de 9 858,4 milliards de dinars,  soit  7O,45 milliards de dollars , celui de 2023  d’environ 13 787 milliards de dinars  soit 77,29 milliards de dollars, pour 2024  15 725 milliards de dinars  122 milliards de dollars ,  pour 2025    16 794,61 milliards de dinars, soit 13O,18 milliards de dollars et pour    2026  le  budget de fonctionnement  distinguant  l’autorisation de programme AP et les crédits de paiement CP), le total général CP donnant 17636, 66 milliards de dinars  soit 136,71 milliards de dollars au cours de 129 dinars un dollar.    Précisons que  le montant du déficit budgétaire sera plus faible et inversement lorsqu’il y a appréciation du dinar par rapport au dollar , que la  dépréciation du dinar officiel augmente artificiellement les recettes fiscales du dinar des hydrocarbures pouvant voiler la réalité du déficit budgétaire .et du fait du blocage structurel ,  les exportations hors hydrocarbures qui en principe avec la dépréciation  du dinar  devrait croître , paradoxalement pour l’Algérie, baissent   tandis  que  l’inflation sur les produits importés augmente .  Sur la base du calcul des lois de finances en référence à la cotation dollar/ dinar, devant souligner que plus le cours dinar est élevé  par rapport au dollar.

En prenant les taux officiels des années respectives nous avons les montants suivants :

-Pour 2O22, avec un taux de 14O dinars un dollar  le déficit budgétaire de l’Algérie était de 4 092,3 milliards de dinars soit 29,22 milliards de dollars .

-Pour 2023 le taux étant de 137 dinars un dollar le déficit  a été de 5 720,0 milliards de dinars, soit 41,75 milliards de dollars .

– Pour 2024 aux taux de 129 dinars un dollar ,le déficit  est   estimé à 6170 milliards de dinars   soit 61,7O milliards de dollars.

– Pour 2O25  , le déficit a été estimé à 827O milliards de dinars soit au cours de 129 dinars un dollar 64,7O milliards de dollars.

-Pour 2026 ,  le projet de loi de Finances prévoit des recettes globales de plus de 8009 milliards de dinars(  62,08 milliards de dollars) et des dépenses totales de 17.636 milliards de dinars,(136,7O milliards de dollars pour les  crédits de paiement, soit  au cours de 129 dinars un dollar , un solde   budgétaire  négatif de moins -9627,6 milliards de dinars   soit   74,63 milliards de dollars fin 2026 et un solde   du trésor négatif , moins – 5186,6 milliards de dinars  (4O,2O milliards de dollars) .  Certes, le  déficit budgétaire n’est pas un mal en soi s’il est affecté aux secteurs productifs  et  aux personnels créant  de la valeur ajoutée à terme. Au contraire, s’il est affecté  aux dépenses  et aux emplois ne créant pas  de valeur, il est  source de vives tensions inflationniste  et à terme conduit à  une dérive sociale

D’où l’importance de plus de rigueur budgétaire  car  l’ exercice 2026 sera marqué par une conjoncture économique internationale marquée par l’instabilité des cours de pétrole  dont l’impact se fera ressentir sur les moyens financiers de l’Etat.   Les deux institutions financières internationales, le FMI et la BM, ont toutes deux alerté , dans leurs rapports respectifs l’Algérie , sur le fait que la dette interne risque de croître dès 2025/2026 avec l’épuisement du  Fonds des régulations des recettes (FRR).  Le FMI a, dans son dernier rapport, de juin 2025  montre qu’un ajustement budgétaire progressif, mais urgent, est essentiel pour renforcer la résilience budgétaire et reconstituer des marges budgétaires. En ce mois d’octobre 2025 , l’économie algérienne repose essentiellement sur la  rente de hydrocarbures  où le   cours du pétrole – référence Algérie a été clôturé le 08 octobre 2025 à 66,38  dollars le Brent et 57,14 euros  donnant moins de pouvoir d’achat  en euros. Le PLF 2026 note à juste titre que  le   cours moyen du baril passerait ainsi de 79,19 dollars  en 2024 à 68,18 dollars  en 2025, puis à 64,33 dollars  en 2026. . Cela rejoint les prévisions de la Banque mondiale qui table sur  un prix moyen du Brent de 66,0 $US/bl en 2025 et 61,0 $US/bl en 2026, contre 80,7 $US/bl en 2024, ce qui représente des diminutions respectives de 18,2% et 7,6%. Pour le gaz naturel représentant plus d’un tiers des recettes, devant différencier le GN par canalisation environ 2 à 3 dollars moins cher que le GNL qui donne plus de flexibilité mais devant tenir compte du coût du transport selon les prévisions des bourses internationales le prix du gaz sur le marché de gros PEG le mégawatt heure est d’environ 26,14 dollars pour une livraison en octobre 2025 (M+1), mais varie selon les échéances futures et il est prévu environ 24,64 dollars pour le 1er trimestre 2026 (Q+1) et tend à baisser pour les années suivantes, étant estimé à environ 21,58 dollars le mégawattheure pour 2028 ; C’est cette rente qui détermine fondamentalement le  poids de l’Algérie dans les relations internationales, le taux de croissance , les taux d’inflation , de chômage,  qui a permis  un endettement extérieur inférieur à 2% du PIB  et les réserves de change  clôturé à 67 milliards de dollars fin 2024, et qu’en sera t-il pour fin 2025  et fin 20226 et son poids dans les relations internationales. Aussi,   ce niveau du déficit budgétaire  n’est que la    résultante  de la baisse de la rente de hydrocarbures du fait de la marginalisation de la  section hors hydrocarbures  marginales et en baisse selon l’ONS qui  ont atteint 5,81 milliards de dollars en 2022, 4,77 milliards de dollars en 2023., 3,56 milliards en 2024 et durant le premier trimestre 2025, elles ont atteint 885 millions de dollars contre par rapport à la même période de 2023 où le montant était de 982 milliards de dollars, ce qui donnerait un montant en 2025 inférieure à celui de 2024.

3. Ne devant pas confondre lettres d’intention qui n’est pas un contrat définitif,  et les nombreux dépôts de projets annoncés  avec réalisation effective,( entre 2OOO/2024  plus de 7O% des projets annoncés n’ont pas  été réalisés et sur les 30% , la majorité  avec des surcouts exorbitants ) , un projet relevant des PMI/PME après sa mise en exploitation demandant au minimum 3  ans pour atteindre le seuil de rentabilité et 7/8 ans pour les grands projets hautement capitalistiques, comme le fer de Gara Djebilet ,  au vu des données du premier semestre 2025 du déficit de la balance commerciale extrapolé à plus de _8 _ milliards de dollars , auquel  il faudra ajouter environ 6 milliards de dollars d’exportation en devises-montant de 2024-  des services et sous réserve d’une restriction drastique des importations qui paralyserait tout l’appareil de production avec un accroissement de l’inflation importée les réserves de change  devraient terminer fin 2025 sous la barre des 6O milliards de dollars et encore moins pour l’année 2026 si le cours des hydrocarbures serait plus bas qu’en 2025(notre contribution magazine international Londres New African 6 octobre 2025-évolution des réserves de change de l’Algérie 2000/2025  .  Attention à la planche à billets pour couvrir le déficit budgétaire avec l’épuisement du fonds de régulation des recettes, ce qui en cas de baisse des recettes des hydrocarbures  aurait comme impact un accroissement de la dette publique  et un taux d’inflation à deux chiffres, le taux cumulé 2O22/2O25 dépassant 2O%, la détérioration du pouvoir d’achat  étant  atténuée par les transferts sociaux  évalués pour 2026 à 5959 milliards de dinars   soit 46,19 milliards de dollars  accordé à toute la population sans tenir compte  de la répartition du revenu national donc injustes par  définition afin de garantir la cohésion sociale et ce toujours grâce à la rente des hydrocarbures.   Ainsi la  masse salariale pour 2026  devrait s’élever à   5.926 milliards de dinars (45,94 milliards de dollars) représentant 33,6% du total du budget de l’Etat, avec une augmentation de 83 milliards de dinars  1,4%) comparativement à 2025 qui était de  5.843 milliards de dinars . Les dépenses de transferts couvrent principalement : les subventions aux établissements publics et organismes sous tutelle : 2.812 milliards de dinars , dont 1 768 milliards de dinars  au titre des subventions aux EPA ; les  transferts aux personnes : 2.284 milliards de dinars  dont allocation chômage 420 milliards de dinars  pour  2.184.560 bénéficiaires donnant par rapport à la population active estimée à 13,8 millions donnant  environ 15, 83% de taux de chômage incluant les sureffectifs des entreprises publiques,  des administrations et les emplois temporaires )  et ;657 milliards de dinars concernant  les subventions aux produits de large consommation, en l’occurrence les céréales, le lait, l’eau dessalée, l’énergie, le sucre, l’huile et le café ect……

En conclusion, une Nation ne peut distribuer plus que ce qu’elle produit et c’est une loi économique universelle , le développement durable  reposant sur deux fondamentaux, la bonne gouvernance et la valorisation du savoir. par des stratégies d’adaptions face au nouvel ordre économique mondial qui sera fondé sur la transition numérique et énergétique.

Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL

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