L’Algérie a célébré, hier, la Journée du Savoir à la lumière des réformes profondes que connaissent les secteurs de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur, ce qui a permis de consacrer la promotion du rôle de l’enseignant et la préservation de sa dignité parmi les priorités de l’Etat.
Dans ce cadre, le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, avait exprimé, à maintes reprises, sa grande considération à l’égard des enseignants qu’il a qualifiés de « porteurs de la responsabilité de la formation des jeunes à l’esprit nationaliste », recommandant d’être à leur écoute, de rehausser leur statut et d’améliorer la qualité du système éducatif en procédant à de profondes réformes, en tenant compte du fait que « l’enseignant est un éducateur avant d’être un fonctionnaire ». Au cours des cinq dernières années, le président de la République a pris des décisions audacieuses et importantes qui ont concrétisé l’intérêt particulier qu’il porte à la famille de l’éducation, ce qui a contribué grandement à améliorer les conditions socioprofessionnelles des travailleurs du secteur. L’Etat veille également à assurer les conditions de réussite pour les élèves des trois cycles d’enseignement, qui comptent plus de 11 millions d’élèves, en sus de près d’1,7 million d’étudiants universitaires, et ce, afin de réaliser la transition vers l’avenir escompté. En raison de l’importance du secteur de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique dans le cadre de cette transition, des textes législatifs ambitieux et incitatifs ont été élaborés pour la recherche scientifique, l’innovation et la création de startup, outre la création de nouvelles universités et écoles supérieures et de pôles d’excellence dans les sciences exactes et la technologie.
L’attachement de l’Algérie à disposer de tous les outils du savoir et de la connaissance, répond aux objectifs et fondements mêmes du projet civilisationnel de l’érudit Cheikh Ibn Badis, lancé effectivement en 1913 après avoir rencontré Cheikh Mohamed Bachir El Ibrahimi, avec lequel il a décidé de mener un combat intellectuel, en créant l’Association des oulémas musulmans algériens (AOMA) en 1931. Conscient du pouvoir des médias dans la démarche du changement, il crée le journal « El- Mountakid » en 1925, avec d’autres journaux tels que « El-Chihab » et « El-Bassair ». Cette révolution intellectuelle reposait sur un arsenal constitué d’environ 124 écoles, encadrées par 274 enseignants qui comptaient, jusqu’en 1954, quelque 40.000 élèves, outre la création, en 1947 à Constantine, de l’institut Ibn Badis, un établissement d’enseignement secondaire, dédié à la formation des enseignants et des étudiants. Cheikh Ibn Badis a conféré une dimension politique, sociale et culturelle à son projet de réforme, en jetant les bases de l’enseignement de la langue arabe et en encourageant l’émergence de nombreuses associations culturelles et sportives.
A cet égard, l’Association des Oulémas musulmans algériens a accordé une importance extrême à la presse pendant la période coloniale, étant un outil important pour défendre les constantes du peuple algérien et lutter contre l’ignorance et toutes les formes de sous-développement que l’occupant œuvrait à propager. Des enseignants et des chercheurs ont souligné que l’Association a tenu à éditer des journaux en réponse aux plans coloniaux visant à abrutir le peuple algérien et à effacer son identité, œuvrant ainsi à réhabiliter la langue arabe et la culture de la société algérienne musulmane.
Dans ce cadre, le président de l’Association des Oulémas musulmans algériens, Abdelmadjid Birem a indiqué que les slogans des journaux édités à l’époque, sont venus consacrer les objectifs de l’Association, relevant que l’érudit Abdelhamid Ibn Badis avait préparé le terrain pour associer la société au mouvement réformiste, en veillant à publier plusieurs journaux avant même la création de l’Association en 1931, partant de sa vision quant à la nécessité de sensibiliser la société et de diffuser la culture du savoir et de la connaissance. Il a évoqué le rôle de l’Association dans l’éducation et l’enseignement, et dans la diffusion des idées réformistes en reliant la société à son histoire profonde après plus d’un siècle d’occupation, ajoutant que ces efforts avaient permis au célèbre journal « El-Bassair » de se doter d’une large notoriété, non seulement au niveau national, mais également dans les pays voisins. Quant à l’importance de la presse et de l’imprimerie dans la réforme et l’éducation de la société, il a cité un article du cheikh Mohamed El Bachir El Ibrahimi intitulé « L’imprimerie et le canon », publié le 3 septembre 1954, dans lequel il soulignait l’importance de l’imprimerie comme étant « la plus grande arme » et la nécessité pour le journal « El-Bassair » de l’utiliser pour poursuivre sa mission de lutte contre le colonialisme.
De son côté, l’enseignant d’histoire, Mouloud Aouimer a indiqué que l’Association portait une importance extrême à la presse, en publiant 4 journaux, à savoir « El-Sunnah », « El-Sharia » et « El-Sirat » en 1933 ainsi que « El-Bassair » (1935-1939). Compte tenu du rôle de ces journaux, les autorités coloniales empêchaient à chaque fois leur parution, car elles voulaient lutter contre leurs idées réformistes, en procédant à leur saisie sous différents prétextes, mais sans y arriver face à la détermination de l’Association à poursuivre leur publication, en changeant leurs titres et en adoptant la même ligne éditoriale.
En dépit de toutes ces difficultés, a affirmé M. Aouimer, les journaux de l’Association continuaient à paraitre jusqu’au début de la seconde Guerre mondiale, en raison de la position de l’Association qui refusait de soutenir la France.
Les dirigeants de l’Association ont été emprisonnés et le Cheikh Ibn Badis a été placé en résidence surveillée, jusqu’à sa mort le 16 avril 1940. A son tour, l’enseignant universitaire, Ammar Benabrahmane a estimé que l’orientation réformiste de l’Association s’est illustrée à travers la diversité de ses articles, religieux, culturel et politique, notamment après les massacres du 8 mai 1945, en dépit du harcèlement exercé par l’administration coloniale, soulignant que l’Association avait pour objectif de combattre le colonialisme, en défendant le peuple algérien et son identité, sous le slogan « l’islam est notre religion, l’arabe est notre langue et l’Algérie est notre patrie ». Sur un autre registre, la bibliothèque personnelle de Cheikh Abdelhamid Benbadis a été remise à Djamaâ El Djazaïr.
Cette bibliothèque contient environ un millier d’ouvrage touchant diverses domaines du savoir, dont entre autres, la civilisation islamique, les questions jurisprudentielles, le « tafsir », la littérature et la poésie, dont Cheikh Abdelhamid Benbadis se servait lors de son parcours intellectuel et de réforme, a fait savoir M. Abdelaziz Filali qui a mis l’accent sur l’importance de l’initiative visant à préserver un pan de la mémoire de la Nation. La collection de livres appartenant au précurseur de la renaissance intellectuelle et réformiste en Algérie comprend des ouvrages précieux que l’Imam Benbadis avait ramené d’Egypte, de Tunisie, d’El Hidjaz et d’ailleurs, a souligné M. Filali, rappelant l’embargo imposé, à l’époque, par le colonisateur français qui tentait de bannir l’identité nationale.
Ces livres avaient été collectés et déposés à la maison familiale par feu Abdelhak Benbadis, frère du fondateur et premier président de l’Association des Oulémas musulmans algériens, a rappelé le même responsable. La bibliothèque personnelle de Cheikh Benbadis (1889-1940) sera installée dans le musée et la bibliothèque de Djamaâ El Djazaïr dans le cadre de cette initiative visant à consolider le rapport entre les générations montantes et leur patrimoine national et historique.
Une partie de ces livres était rangée à la mosquée Sidi Lakhdar, où le leader du mouvement réformiste donnait des cours, alors qu’une autre partie se trouvait à la mosquée Sidi Kemmouche ou chez sa famille.
En avril 2022, le musée national El Moudjahid avait reçu des effets personnels et des documents du Cheikh Abdelhamid Benbadis dans le cadre de la sauvegarde de la mémoire nationale et en commémoration de la disparition du leader du progrès en Algérie.
T. Benslimane