Guerre en Ukraine: Quels sont les rapports de force dans l’Est et le Sud du pays ?

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Ukrainian soliders ride in the back of a truck to a resting place after fighting on the front line for two months near Kramatorsk, eastern Ukraine on April 30, 2022. - Russia invaded Ukraine on February 24, 2022. (Photo by Yasuyoshi CHIBA / AFP)

Alors que la guerre en Ukraine est entrée dans son sixième mois le 24 juillet dernier, la situation sur le terrain reste disparate entre le Sud du pays où les forces ukrainiennes gagnent du terrain, et l’Est, où l’armée russe poursuit sa lente progression dans la région du Donbass.

Les bombardements se poursuivent en Ukraine. Plusieurs localités ont fait l’objet, samedi 30 juillet, de frappes russes, faisant au moins un mort à Mykolaïv, dans le Sud, et détruisant une école à Kharkiv, dans l’Est, selon les autorités ukrainiennes. Au 157e jour de guerre, les forces russes patinent dans le Donbass, le bassin minier de l’est du pays. Si elles tentent d’avancer près de Siversk et de Bakhmout (villes situées à une cinquantaine de kilomètres de Kramatorsk), «les progrès russes sont très faibles«, commente Joseph Henrotin, chercheur à l’Institut de stratégie comparée (ISC) et rédacteur en chef de la revue spécialisée DSI.

L’armée russe est elle sur une dynamique de conquérante ?

Les déclarations du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, mercredi, sur les nouvelles ambitions russes en Ukraine au-delà du Donbass donnent l’impression que l’armée russe est sur une dynamique conquérante. La réalité sur le terrain est pourtant beaucoup plus nuancée et invite à se demander pourquoi la Russie croit judicieux d’ajouter des objectifs supplémentaires à son offensive. Le Donbass ne suffit apparemment plus. La Russie vise dorénavant d’autres territoires après 149 jours d’une guerre débutée le 24 février. «Ce ne sont plus seulement les républiques populaires de Donetsk et Louhansk (les territoires séparatistes de l’est de l’Ukraine, NDLR), ce sont aussi les régions de Kherson et Zaporijjia (dans le sud) et une série d’autres territoires» que l’armée russe a dans le collimateur, a affirmé Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, mercredi 20 juillet. Une posture conquérante qui peut surprendre. Certes, la Russie a progressé dans le Donbass : elle a affirmé, début juillet, contrôler la totalité de l’oblast de Louhansk (la région frontalière avec la Russie au sud-est de l’Ukraine), ce que confirme l’Institute for the Study of War, un institut indépendant américain d’analyse militaire. Mais ce n’est pas la même histoire dans le Donetsk, l’autre partie du Donbass. Des villes importantes au nord de cette région, comme Kramatorsk ou Sloviansk, échappent encore à la férule russe. «La Russie progresse lentement, et on constate qu’elle subit des pertes importantes, notamment en équipement et matériel», résume Sim Tack, un analyste militaire pour Forces Analysis, une société de surveillance des conflits.

Préparer le terrain des référendums d’autodétermination Une situation sur le terrain qui semble donc peu compatible avec les ambitions affichées par Sergueï Lavrov. Sauf à considérer que le ministre des Affaires étrangères «ne fait en réalité qu’annoncer des objectifs déjà atteints», suggère Sim Tack. Le diplomate russe jouerait sur les ambiguïtés des appellations géographiques. Il évoque, en effet, Kherson – une ville déjà sous contrôle russe – et Zaporijjia. Cette dernière n’est pas encore occupée par les Russes, mais “une partie de l’oblast (région administrative ukrainienne) de Zaporijia – qui comprend notamment la ville portuaire de Marioupol – l’est déjà», rappelle Sim Tack. Dans cette hypothèse, «les déclarations de Sergueï Lavrov serviraient à préparer le terrain pour justifier une tentative d’annexion future de ces régions actuellement contrôlées par la Russie», estime Jeff Hawn, spécialiste des questions militaires russes et consultant extérieur pour le New Lines Institute, un centre américain de recherche en géopolitique.

AGS/Ahsene Saaid