Face aux nouvelles filières mondiales: La problématique de la gestion des projets en Algérie

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3.-Les enjeux géostratégiques et économiques du gazoduc Nigeria-Europe

Comme le démontre une importante étude de l’IRIS , le gazoduc reliant le Nigeria à l’Europe, principal client qui doit se prononcer également sur ce projet, est l’objet d’enjeux géostratégiques importants pour la région :est-il réalisable en terme de rentabilité économique et passera -il par le Maroc ou l’Algérie devant prendre en compte également les considérations géostratégiques.

 Concernant le gazoduc Nigeria Europe via l’Algérie, la longueur du gazoduc transsaharien sera de 4 128 kilomètres e pipeline inter- continental, dont 1037 km traversant le territoire du Nigeria, 841 km parcourant le Niger et le plus long tronçon, soit 2310 km, traversant le territoire algérien jusqu’à la côte méditerranéenne L’idée d’un gazoduc reliant le Nigeria à l’Algérie a germé dans les années 1980. Le 3 juillet 2009, a été signé un protocole d’accord pour la réalisation de ce projet avec l’Algérie. En juillet 2016, à l’occasion du 27e sommet ordinaire de l’Union africaine le Nigeria réaffirme sa volonté d’engager le lancement du gazoduc trans-saharien, prévus d’être détenu à 90 % par Sonatrach et la NNPC, et à 10 % par la Compagnie nationale du pétrole du Niger.. Le 21 septembre 2021, le ministre nigérian de l’Energie a déclaré dans une interview accordée à la chaîne de télévision Cnbc Arabia en marge de la conférence Gastech, que son pays a commencé à mettre en œuvre la construction d’un gazoduc pour transporter du gaz vers l’Algérie. . Le 18 février 2022, une feuille de route est enfin approuvée par les représentants du Niger, de l’Algérie et du Nigeria. Suite à l’approbation des décisions de la précédente réunion tenue à Niamey, au Niger, le 16 février 2022 qui avait défini une feuille de route pour réaliser ce chantier, le 21 juin 2022, une réunion tripartite Algérie-Niger-Nigeria s’est tenue dans la capitale du Nigeria, regroupant les ministres en charge de l’Energie des trois pays s’inscrivant dans le cadre de la reprise des discussions au sujet du projet du gazoduc Transsaharien (TSGP) où les ministres ont examiné l’état d’avancement des décisions prises lors de la précédente réunion. Récemment une rencontre a été consacrée le 11 février 2025 à l’examen du gazoduc continental TSGP, réunissant du côté algérien le ministre d’État, ministre de l’Énergie, des Mines et des Énergies renouvelables, Mohamed Arkab, du ministre du Pétrole de la République du Niger, Sahabi Oumarou, et du ministre d’État chargé des Ressources pétrolières de la République fédérale du Nigéria, Ekperikpe Ekpo.. Les travaux selon des études réalisées en octobre 2O24 (source APS) , devaient porter sur la réalisation de pipeline de 100 km au niveau du Nigeria, 1.000 km au Niger ( les travaux étant au point mort à cette période faute de financement ) et 700 km en Algérie (soit 1800 km au total). Ce projet part de Warri au Nigeria pour aboutir à Hassi R’mel en passant par le Niger Lle coût initial du projet étant estimé à 10 milliards de dollars en 2009, mais ayant augmenté à 13 en 2023, l’IFRI donnant un montant entre 18/2O milliards de dollars. Si i les travaux se terminent en 2O25 pas moins de 5 années le seuil de rentabilité ne sera atteint pas avant l’horizon 2030 et tenant compte des nouvelles tensions Algérie- Niger ne peut se réaliser sans l’accord de ce pays.

.-Concernant le projet gazoduc Maroc-Nigéria mesure environ 5 660 kilomètres de long. longera la côte ouest de l’Afrique depuis le Nigeria, en passant par le Bénin, le Togo, le Ghana, la Côte d’Ivoire, le Liberia, la Sierra Leone, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Gambie, le Sénégal et la Mauritanie jusqu’au Maroc et permettra aussi d’alimenter les États enclavés du Niger, du Burkina Faso et du Mali. Et se pose la question où est le Sahara occidental dont le problème n’a pas été résolu. A long terme, il sera connecté au Gazoduc Maghreb Europe et au réseau gazier européen. La CEDEAO et l’ensemble des pays traversés par le gazoduc se sont engagés à contribuer à la faisabilité, aux études techniques, à la mobilisation des ressources et à sa mise en œuvre. Dans la phase de pré-études réalisée le premier trimestre 2019, il s’agit pour les États traversés et la CEDEAO de signer des accords relatifs à sa construction mais aussi de valider les volumes de gaz disponibles pour l’Europe et d’entamer les discussions avec les opérateurs du champ « Tortue » un important gisement gazier détenu conjointement par le Sénégal et la Mauritanie dont d’ailleurs les exportations devaient débuter le premier trimestre 2O25 selon le Ministre mauritanien de l’Énergie. Du côté marocain, la directrice générale de l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) avait présenté en mars 2O25 , à Washington, les avancées majeures du projet GAA lors d’un événement organisé par le think tank américain Atlantic Council. précisant que l’’investissement nécessaire pour sa construction est de 25 milliards de dollars avec la première phase de réalisation pour 2O29, alors qu’une étude de l‘Institut de stratégie IRIS donne une fourchette entre 25/3O milliards de dollars pour une durée entre 8/1O ans. Dernier rebondissement l’appui américain au projet marocain avec le finandement des Emiraties  si on retient la déclaration du ministre nigérian des Finances, Wale Edun, le 27 avril 2O25 qui a déclaré en marge des réunions de printemps 2025 du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, tenues à Washington, que les États-Unis ont manifesté un intérêt pour investir dans le projet de Gazoduc Afrique-Atlantique (GAA).

En conclusion, en dehors de données géostratégiques qui parfois sont déterminantes, , la rentabilité économique du projet Nigeria-Europe repose sur quatre conditions. Premièrement, la faisabilité implique la détermination du seuil de rentabilité en fonction de la concurrence d’autres producteurs, du coût et de l’évolution du prix du gaz. Ces éléments influencent la prise de décision concernant le lancement d’un tel investissement. C’est pourquoi une étude de marché est nécessaire pour évaluer la demande en gaz avant de trancher sur l’opportunité de s’engager dans ce projet. Deuxièmement, la sécurité constitue un enjeu majeur, le projet traversant plusieurs zones instables, particulièrement pour le tracé passant soit par le Maroc ou par l’Algérie. Ces zones peuvent compromettre la fiabilité du projet en raison de la présence de groupes armés susceptibles de perturber la fourniture et l’approvisionnement en gaz. Il sera donc nécessaire d’impliquer les États traversés dans des négociations pour l’octroi du droit de passage (paiement de royalties) et d’évaluer les risques économiques, politiques, juridiques et sécuritaires. Troisièmement, la mobilisation du savoir-faire et du financement pose problème, notamment en raison de la situation économique des différents pays ce qui implique des financements internationaux Quatrièmement, il sera indispensable d’associer le partenaire européen, principal client du gazoduc et sans son accord, il sera difficile de réaliser ce projet et tout dépendra des discussions avec Bruxelles.

4-Comment améliorer la gestion de Sonatrach face aux nouvelles mutations énergétiques mondiales

La gestion de Sonatrach ne peut être comprise sans l’analyse  des nouvelles mutations énergétiques mondiales  dont les évolutions des prix au niveau mondial  et la cotation du dollar influent sur son résultat brut d’exploitation car les recettes de Sonatrach représentant  98% des recettes en devises avec les dérivées inclus pour 67% dans la rubrique hors hydrocarbures  ont  été de 6O milliards de dollars en 2O22, 5O en 2O23, une estimation provisoire entre 44- 45 milliards de dollars en 2O24  où le cours moyen a été de 75 dollars le Brent , et pour un cours d’environ 6O dollars à prix constant  tenant  compte de la  baisse du dollar du dollar  coté actuellement à 1,13-1, 114  dollar un euro, les recette fluctueraient entre 34-37 milliards de dollars pour 2O25  occasionnant de vives tensions budgétaires  du fait que le déficit budgétaire programmée pour 2O25 dépasse largement els 6O milliards  de dollars étant  donc souhaitable une amélioration de sa gestion interne  afin de réduire ses couts d’exploitation (voir notre intervention au Forum mondial du développement durable Paris 13 mars 2017 sur les axes de la transition énergétique de l’Algérie et notre contribution à HEC Montréal 2012 pour un nouveau management stratégique de Sonatrach).

Dans plusieurs audits sous ma direction entre 1974 et 2016, assisté des cadres dirigeants du ministère de l’Énergie, de Sonatrach et d’experts indépendants, il nous a été difficile de cerner avec exactitude les coûts de production de ses différentes structures, Sonatrach donnant un bilan consolidé, ayant été contraint d’ élaborer des comptes physico-financiers nous ayant permis de quantifier ce qui est imputables à une bonne gestion interne du groupe et ce qui échappe totalement à Sonatrach, les fluctuations de cours des hydrocarbures au niveau international. En ce mois de mai  2025, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach  Face aux mutations énergétiques mondiales et à la forte consommation intérieure presque équivalente aux exportations, je propose 13 actions pour améliorer la gestion de Sonatrach.

 Premièrement

Analyser l’impact de l’environnement national et international sur Sonatrach et l’appréciation des domaines où l’interface Sonatrach/ environnement peut être améliorée afin de rendre plus performante l’entreprise et la hisser au niveau de la concurrence mondiale.

 Deuxièmement

Mettre en place un audit financier interne sérieux avec des experts indépendants qui devrait permettre d’identifier les gisements de productivité et les niches de gains de coûts (comparaison avec des compagnies tests)- volume, rentabilité et analyser la stratégie des principales institutions similaires dans le monde sur les plans : technologie – standards et normes- sous-traitance afin de réduire les coûts et d’avoir une stratégie agressive, afin de prendre des parts du marché. L’objectif est d’optimiser les conditions de mise en œuvre des options stratégiques dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Je propose 19 actions interdépendantes

Troisièmement

Analyser les circuits banques primaire- Banque centrale -Sonatrach pour les conditions de paiement, afin d’accélérer la rapidité des opérations, où actuellement les procédures bureaucratiques nuisent à la prise de décision qui doit se faire en temps réel, ainsi que les structures d’appui techniques et de formation, l’identification de la stratégie des entreprises concurrentes et des institutions internationales et leurs facteurs.

 Quatrièmement

Mettre en œuvre un modèle de simulation qui doit aboutir à plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables, fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers. Ce modèle doit prendre en compte le niveau des réserves d’hydrocarbures, fonction du vecteur prix international, du coût d’exploitation, de la durée de vie du gisement, des découvertes technologiques et des énergies substituables. Cela permettra d’identifier chaque action, de décrire le contenu, d’évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l’action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagnée d’un tableau récapitulatif des moyens.

Cinquièmement

Au niveau de la gestion interne, fixer les objectifs d’amélioration des performances reliés à chaque fonction ou à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme (ratios, contexte), vérifier qu’à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre et évaluer l’ordre de grandeur des impacts attendus (gains, qualité, délais, coût…), selon une démarche ascendante.

 Sixièmement

 Préparer un audit opérationnel du patrimoine existant, en le réactualisant à la valeur du marché, ce qui implique la mise en place d’une comptabilité transparente liée à la nouvelle organisation de Sonatrach pour réduire les coûts et, notamment un audit des immobilisations corporelles et incorporelles. Ces immobilisations sont souvent traitées d’une manière superficielle, alors qu’elles sont déterminantes pour une entreprise comparable à Sonatrach, ce qui renvoie d’ailleurs au nécessaire renouveau du Plan comptable national.

 Septièmement

 Évaluer le degré de compétitivité des outils, équipements et immobilisations utilisés dans le contexte d’évolution technologique international. Cette opération d’audit consistera à rassembler l’information sur les caractéristiques techniques, et les conditions de fonctionnement des équipements et de gestion des immobilisations, évaluer ses équipements et immobilisations corporelles et incorporelles, le niveau des stocks dormants, (objectif stock zéro) supposant de connaître le niveau d’automatisation, le niveau de performance, les besoins de maintenance non satisfaits et enfin la compétence du personnel utilisateur. Cela permettra d’analyser les forces et les faiblesses technologiques des équipements, les alternatives stratégiques sur les programmes d’investissements, le besoin de formations techniques et d’acquisitions de savoir-faire.

Huitièmement

 Concentrer le développement de Sonatrach aussi bien en amont qu’en aval – noyau dur de l’entreprise, évitant la dispersion, en se spécialisant dans ses métiers de base. Pour les autres activités existantes, comme le raffinage, le transport, la transformation et la distribution, seuls les audits pourront tracer les actions concrètes à mener en envisageant soit d’internaliser l’activité, soit de l’externaliser avec une priorité au profit des cadres et travailleurs du secteur de certaines activités ou le partenariat afin d’éviter la dispersion source de gaspillage des ressources et d’inefficience de l’entreprise.

Neuvièmement,

Sur le plan organisationnel, évaluer l’efficacité de la structuration actuelle en fonction des axes stratégiques de Sonatrach, mettre en place des structures organisationnelles plus adaptées à ses missions et évaluer les systèmes d’information en temps réel quant à leur efficacité sur le plan délai, coût et atteinte des objectifs. Et ce, afin de déterminer le test d’efficacité des structures et organigrammes existants, de leur compatibilité avec les contraintes existantes, l’évaluation des circuits et analyser les supports d’information de gestion, afin de raccourcir les délais source de surcoûts et des propositions concrètes pour améliorer l’organisation.

 Dixièmement,

Revoir le système comptable, pour plus de transparence. Sonatrach, bien qu’il existe une direction de l’audit au niveau de la direction générale, établit souvent un bilan consolidé où l’on ne cerne pas correctement les centres de coûts, du fait de ce que les économistes appellent les comptes de transfert, pouvant voiler la mauvaise gestion d’une division. Aussi faute de comptes physico-financiers à prix constants, les ratios de gestion sont d’une signification limitée pour apprécier la performance. D’où l’urgence de mettre en place des comptabilités analytiques, afin de discerner les centres de coûts en temps réel et de mieux adapter les structures organisationnelles à la mission et aux contraintes de Sonatrach.

Onzièmement,

Analyser l’ensemble des règles juridiques influençant le secteur énergétique (environnement légal et institutions publiques), afin de permettre une gestion transparente des coûts et des contrats évitant les nombreux litiges où Sonatrach a été contrainte de verser d’importants montants se chiffrant en centaines de millions de dollars. Cela suppose la mise en place d’une formation pointue et d’ instruments adaptés aux normes internationales, ce qui devrait permettre des économies, de développer le partenariat dans la transparence, de mieux définir les projections économiques et financières et permettre les prévisions par la simulation / modélisation et donc aider à la prise de décision en temps réel, afin d’éviter les nombreux litiges qui se chiffrent en dizaines de millions de dollars.

Douzièmement,

 Pilier de Sonatrach, un audit de la gestion des ressources humaines qui est le fondement de l’efficacité de Sonatrach La gestion des ressources humaines doit reposer sur le dialogue permanent avec le collectif des cadres et travailleurs et le renforcement des liens- centre de recherche -université, Sonatrach. La performance des ressources humaines, repose sur une formation permanente, ce qui implique un audit mettant en relief nettement la typologie du personnel existant, l’adéquation de la formation aux besoins de Sonatrach, la disponibilité des compétences adéquates, les politiques de recrutement, l’évolution de la productivité du travail, les appréciations des mesures d’incitation et enfin, l’évaluation du climat et de la culture d’entreprise de Sonatrach (audit social et audit de la culture), dont la prise en compte d’une gestion plus rationnelle des importantes sommes des œuvres sociales que consacre, annuellement, Sonatrach.

Treizièmement

Sonatrach est soumise à des contraintes majeures, existant des limites à l’accroissement de sa production sans d’importants investissements, devant préserver la bonne santé des gisements par la réinjection du gaz dans les puits entre 20/25% de sa production selon les normes internationales. de revoir la politique des subventions de l’énergie où la consommation intérieure variant entre 40/45% pétrole et gaz entre 2O22/2O23 risque de dépasser horizon 2030 les exportations actuelles.  Mais cela dépasse le cadre strict de la gestion de Sonatrach  relevant de la politique générale  du gouvernement.

Suite et Fin

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