“L’Algérie doit être maîtresse de son destin. La population contribue par ces différentes manifestations à montrer son appartenance et sa fierté algériennes. Il faut donc que le processus qui va se mettre en œuvre, de transition, qui maintenant s’impose, puisse se dérouler dans les meilleures conditions”, Les Algériens sont sortis par millions hier encore pour exprimer leur résolution à ne pas arrêter le rendez-vous revendicatif hebdomadaire tant que le régime est toujours en place.
Or, plus d’un mois après le déclenchement du mouvement populaire, seul le renoncement de Bouteflika au cinquième mandat et la démission du Premier ministre ont été obtenus. L’opinion publique commence à s’interroger sur les velléités du régime dont elle réclame le départ en des termes virulents mais sans jamais basculer dans la violence, en dépit des tentatives de quelques agitateurs qui tentent, à partir de l’étranger, de pousser les manifestants à commettre des actes dans l’hypothétique espoir de faire dévier le mouvement de sa trajectoire, mais dont les manœuvres se fracassent contre la maturité et l’amour des Algériens pour leur patrie qu’ils veulent à tout prix préserver. Le président Bouteflika est toujours en poste, son entourage immédiat continue de diriger le pays en son nom en toute illégalité, les mêmes ministres sont toujours là, enfermés dans leur bureau, «privés de sortie» – le Premier ministre ayant échoué à constituer une nouvel Exécutif –, le Parlement croupion se proclame encore comme le représentant légitime d’un peuple qui, pourtant, le rejette et l’ANP est désormais sans ministre de la Défense dont elle ne reconnaît plus l’autorité puisqu’elle appelle à lui appliquer l’article relatif à l’empêchement. La classe politique dans son ensemble, pouvoir et opposition, est décriée par les millions de citoyens qui battent le pavé depuis le 22 février, mais l’absence de mesures réelles pour répondre aux aspirations des citoyens éloigne la perspective d’une sortie de crise qui ne semble pas être recherchée par tous. L’institution militaire s’est prononcée par la voix de son chef d’état-major en faveur de la destitution du président Bouteflika, répétant depuis le deuxième discours du général de corps d’armée, Ahmed Gaïd-Salah, qu’elle se rangeait du côté du peuple. Les slogans scandés ce vendredi appelant à la fraternité entre le peuple et son armée sont-ils le signe précurseur d’une nouvelle étape dans le processus de déposition du chef de l’Etat, soit par le biais du Conseil constitutionnel, soit par l’annonce de sa démission, soit par l’intervention directe de l’armée.
Grandiose manifestation à Alger pour le départ de Bouteflika
Des centaines de milliers de manifestants se sont rassemblés dans le centre d’Alger pour le sixième vendredi consécutif en réclamant le départ du président Abdelaziz Bouteflika et une refonte totale du système politique. « La pression de la rue se poursuit tant que le système se maintient », a déclaré Mohammed Djemaï, un étudiant de 25 ans, alors que des centaines de policiers surveillaient la manifestation et que le centre-ville était survolé par des hélicoptères. Le mouvement de contestation exige également un rajeunissement de la classe politique qui reste largement dominée par les vétérans de la guerre d’indépendance, qui s’est achevée en 1962. Le rassemblement dans la capitale était très festif, la foule dansant en scandant des slogans sous les acclamations d’une partie de la population. Mardi, le chef d’état-major de l’armée et vice-ministre de la Défense, le général Ahmed Gaïd Salah, a demandé que le président, âgé de 82 ans et considérablement affaibli depuis un AVC en 2013, soit déclaré par le Conseil constitutionnel inapte à exercer le pouvoir en vertu de l’article 102 de la Constitution. Les manifestants craignent toutefois que cet appel ne soit qu’un moyen de maintenir au pouvoir la classe politique actuelle. « Nous n’avons qu’une seule chose à dire aujourd’hui, c’est que toute la clique doit s’en aller ! La partie est finie ! », a commenté Ali, un commerçant, alors que la foule scandait: « Nous voulons la chute du régime ! » .Autre mauvaise nouvelle pour le président Bouteflika, l’un de ses derniers alliés, le puissant homme d’affaires Ali Haddad a présenté sa lettre de démission de la présidence de l’influente organisation patronale FCE (Forum des chefs d’entreprise) qu’il dirigeait depuis 2014. Ali Haddad, qui avait obtenu d’importants chantiers de travaux publics octroyés par l’Etat et a investi dans les médias, a contribué au financement des campagnes électorales de Bouteflika au fil des années. Le Conseil constitutionnel algérien n’a pas encore débattu d’une éventuelle procédure de destitution du président, âgé de 82 ans et considérablement affaibli depuis un AVC en 2013. L’article 102 de la Constitution dispose que le président peut être déclaré en « état d’empêchement » en cas de maladie grave et durable qui le place dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Si Abdelaziz Bouteflika est reconnu inapte par le Conseil constitutionnel à exercer ses fonctions, ce qui doit être ratifié par une majorité des deux tiers dans les deux chambres du Parlement, il sera remplacé pendant une période d’au moins 45 jours par le président du Conseil de la nation, la chambre haute du Parlement algérien, Abdelkader Bensalah.
T.M