Les tensions géostratégiques au Moyen-Orient et les 9 déterminants du cours des hydrocarbures

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Les marchés redoutant une escalade de la situation géopolitique au Moyen-Orient, les deux références mondiales de l’or noir, le baril de Brent de la mer du Nord et le West Texas Intermediate américain ont été cotés le 20 octobre 2023 respectivement à 93,23 dollars ( 88/09 euros ) et 89,25 dollars (84,33 euros) et les prix du gaz ont bondi, après l’annonce de la fermeture d’un champ gazier en Israël, le marché de gros pour l’année 2024, étant coté le 17 octobre 2023 à 53,205 euros le mégawattheure, en hausse de 30% par rapport à la date du 06 juin 2023.

Le pétrole ayant connu le 20 octave 2023 avec un léger repli suite aux annonces de la levée des sanctions des USA contre le Venezuela premier réservoir de pétrole au monde avec 299,95 milliards de barils (un pétrole lourd) rentre dans le cadre d’une stabilisation de prix; mais la hausse de production de ce pays ne peut se faire pas avant deux à trois années ayant connu un désinvestissement important et avec un coût important d’extraction (voir notre interview à TV Ennahar 20/10/2023). La décision du ministre du Pétrole iranien de geler les exportations d’hydrocarbures vers Israël a été rejetée par la majorité des pays de l’OPEP+ avec comme arguments que cette organisation est avant tout une organisation économique. C’est que les gisements très inégalement répartis, 60% étant localisés au Moyen-Orient, représentant l’Arabie saoudite 266,57 milliards de barils, l’Iran 157,53, l’Irak 143,09, le Koweït 101, 50 et les Emirates 97,80 milliards de barils. Selon les données internationales, toute déstabilisation de cette région aurait donc des impacts négatifs, outre sur la nouvelle reconfiguration géostratégique, sur toute l’économie mondiale. Toutes représailles contre l’Iran 3e réservoir mondial, le deuxième réservoir mondial de gaz naturel 35 000 milliards de mètres cubes gazeux après la Russie 45 000 et suivi du Qatar (20 000) ou la fermeture du détroit d’Ormuz ou transitent 17 millions de barils par jour accentueraient la hausse des prix. Quels sont les neuf facteurs interdépendants déterminants le cours du pétrole ?

Premièrement

Les facteurs géostratégiques souvent imprévisibles comme cela est le cas actuellement en octobre 2023 au Moyen- Orient, région qui recèle les premières réserves influant sur les prix montrant qu’aucun expert sérieux ne pouvant donner des prévisions au-delà de deux à trois ans.

Deuxièmement

La croissance de l’économie mondiale.

Les trois piliers qui tirent actuellement la croissance de l’économie mondiale sont la Chine, les USA et l’ Europe qui représentent plus de 60% du PIB mondial. Selon la Banque mondiale, la croissance mondiale devrait tomber à 2,1 % en 2023. Entre 2023/2024, le durcissement des conditions financières mondiales notamment avec le relèvement des taux d’intérêt de la FED et de la BCE pour lutter contre l’inflation et la demande extérieure pèseront sur le niveau du cours du pétrole et du gaz naturel.

La croissance économique des Etats-Unis pour 2023 est prévue à 1,1% tandis que la croissance chinoise devrait atteindre 5,6% Dans la zone euro, la croissance devrait tomber de 3,5 % en 2022 à 0,4 % en 2023, en raison de l’effet du durcissement de la politique monétaire et de l’augmentation des prix de l’énergie.

Troisièmement

La hausse des prix s’explique également par le fait que selon l’Agence internationale de l’énergie, l’OPEP représente 34% de la production mondiale et l’OPEP+ compte pour environ 51% de la production mondiale de pétrole et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) et l’OPEP ont revu à la hausse ses prévisions de croissance de la demande mondiale de pétrole en 2023 qui s’achemine vers 102,2 millions de barils en 2023 contre 99,57 mb/j en 2022. A cela s’ajoute les actions de l’OPEP+ où , la production de pétrole des 13 membres l’Opep a diminué de 836 000 barils sur un mois pour atteindre une moyenne de 27,31 millions de barils par jour et surtout l’annonce des coupes dans les productions et exportations russes et saoudiennes dont les capacités pour chacun de ces deux pays dépassent 10/11 millions de barils par jour. En effet, la Russie et l’Arabie saoudite ont continué de réduire leur production de pétrole jusqu’à la fin de 2023, l’Arabie saoudite de 1 million de barils par jour (bpj) pour la période d’octobre à décembre 2023, la production du royaume pour les mois d’octobre, de novembre et de décembre 2023 sera d’environ neuf millions de bpj selon son ministère de l’Énergie et la Russie a annoncé sa décision de maintenir la réduction de ses exportations de pétrole de 300 000 barils par jour jusqu’à la fin de l’année 2023.

Quatrièmement

Les compagnies américaines qui sont devenues le premier exportateur de GNL en Europe entre 2022/ 2023, ont largement profité de cette hausse des prix, les USA étant un des plus grand producteur mondial grâce au pétrole et gaz de schiste. Ainsi, du côté de l’offre, nous assistons à une hausse plus rapide que prévu de la production de pétrole (non conventionnel) qui a bouleversé toute la carte énergétique mondiale, étant passé de 5 millions de barils/jour de pétrole à plus de 11 millions de barils jour. Les Etats-Unis, importateur par le passé, sont devenus le plus grand producteur de pétrole brut devant l’Arabie saoudite et la Russie. Selon The Telegraph, les Etats-Unis devraient pénétrer fortement le marché mondial avec des quantités sans précédent de (GNL) 30 projets sont en cours de réalisation, pesant ainsi sur le marché mondial du GNL.

Cinquièmement

En plus du conflit actuel au Moyen-Orient, l’on doit tenir compte du conflit en Ukraine qui a bouleversé toute la carte énergétique avec la décision du G7 plus l’Australie de plafonner prix du pétrole par voie maritime à 60 dollars le baril et les dérivées à compter de février 2023, ainsi que la décision de la commission européenne de plafonner le prix du gaz à 180 dollars le mégawattheure. Avant le conflit en Ukraine, à travers le North Stream (abandonné) et le South Stream la capacité était de plus de 125 milliards de mètres cubes gazeux pour approvisionner l’Europe, plus de 45% avant les tensions et depuis ces canalisations fonctionnent en sous capacités avec l’annulation du North Stream 2, la demande européenne a fortement baissé en 2022, plus de 46%, expliquant d’ailleurs les tensions énergétiques en Europe, la Russie se tournent actuellement vers l’Asie dont la Chine et l’Inde à des prix préférentiels avec de nouvelles canalisations dont le projet canalisation Sibérie Chine (notre interview au quotidien El-Khabar 19/10/2023) .

 Sixièmement

Il faut prévoir le retour à terme, sur le marché de la Libye, sous réserve d’une stabilisation politique, des réserves de 42 milliards de barils de pétrole et plus de 1500 milliards de mètres cubes gazeux, pour une population ne dépassant pas 6,5 millions d’habitants, pouvant facilement produire plus de 2 millions de barils/jour; l’Irak, pouvant aller vers plus de 7 millions/jour et l’Iran, s’il y a accord sur le nucléaire ayant des réserves de 160 milliards de barils de pétrole lui permettant d’exporter entre 4/5 millions de barils jour, et possédant le deuxième réservoir de gaz traditionnel mondial, plus de 35 000 milliards de mètres cubes gazeux, derrière la Russie 45 000 et avant le Qatar 20 000.

Septièmement

Les nouvelles découvertes dans le monde en offshore en Méditerranée orientale 20 000 milliards de mètres cubes gazeux expliquant en partie les tensions au niveau de cette région, et en Afrique dont le Mozambique (plus de 4000 milliards de mètres cubes gazeux) qui pourrait être le troisième réservoir d’or noir en Afrique.

Huitièmement

L’évolution des cotations du dollar et l’euro, toute hausse ou baisse du dollar, pouvant entraîner un écart de 10/15% et les stocks américains et les stocks chinois ont un impact sur la volatilité des cours.

Neuvièmement

Facteur déterminant entre 2025/2030/2040, politiques de la transition énergétique seront déterminantes pour un nouveau modèle de consommation énergétique mondial axé sur les énergies renouvelables et l’hydrogène vert. D’ici à 2025/ 2030/2035, les investissements prévus dans le cadre de la transition énergétique USA/ Chine/Europe/Inde dont les énergies renouvelables, l’hydrogène vert, devraient dépasser les 4000 milliards de dollars par an. Bon nombre de compagnies réorientent déjà leurs investissements dans ces segments rentables à terme, les industries moins polluantes. L’humanité sera confrontée à l’avenir au danger dévastateur du réchauffement climatique car si les Chinois, les Indiens et les Africains avaient le même modèle de consommation énergétique que l’Europe/USA, il faudrait cinq fois la planète, d’où l’urgence d’une transition énergétique maîtrisée.

En conclusion, en raison tant d’évènements géostratégiques souvent imprévisibles que des nouvelles mutations énergétiques mondiaux entre 2025/2030/2040, fonction de rapports de force dont le poids des lobbys pétroliers, aucun expert ne peut prédire l’évolution des cours du pétrole à un horizon lointain : pour preuve début octobre 2023, le cours se rapprochait de 100 dollars pour retomber avant les évènements au Moyen-Orient à 87/88 dollars le Brent, l’histoire pétrolière mondiale, en fonction tant des fluctuations de la croissance de l’économie mondiale que des tensions géostratégiques de 1970 à 2023 montrant d’importantes fluctuations avec de pics variant de 25 à 100%.

A. M.