Revirement de la position du gouvernement de Pedro Sanchez: sur le conflit au Sahara occidental La classe politique espagnole dénonce une position «scandaleuse» et contraire au droit international

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La classe politique espagnole s’est indignée du revirement de la position du gouvernement de Pedro Sanchez sur le conflit au Sahara occidental, la qualifiant de «scandaleuse» et de «contraire» à la position historique de l’Espagne et au droit international.

Dans ce sens, la deuxième vice-présidente du gouvernement espagnol, ministre du Travail et de l’Economie sociale, Yolanda Diaz, a déclaré qu’elle se démarquait totalement de la position de son supérieur, soulignant que «la position de l’Espagne vis-à-vis de ce dossier doit émaner d’un dialogue national, tout en tenant compte du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination, garanti par le droit international». De son côté, la dirigeante du groupe «Unidos Podemos» au sein de l’exécutif espagnol a fait part de son rejet de la position du Premier ministre qui va, selon elle, «à l’encontre de la position historique de l’Espagne sur le Sahara occidental», réitérant son «engagement à défendre le peuple sahraoui et les résolutions de l’ONU et du Conseil de sécurité des Nations unies». Pour sa part, la secrétaire générale du parti Podemos et ministre des Droits sociaux, Ione Belarra, a rejeté la décision du gouvernement espagnol, notant que «la résolution du conflit au Sahara occidental doit se faire sur la base d’une solution politique, juste, durable et acceptable par toutes les parties, conformément aux résolutions du Conseil de sécurité qui consacrent le droit d’autodétermination du peuple sahraoui que l’Espagne doit respecter». La secrétaire aux Affaires internationales de Podemos et eurodéputée, Edoia Villanueva, s’est dit aussi contre la décision de Sanchez, affirmant que la «seule solution» pour le conflit au Sahara occidental est «l’application du droit international qui garantit aux Sahraouis la liberté de décider de leur destin». S’exprimant dans le même sens, le porte-parole d’Unidos Podemos au Congrès, Pablo Echenique Robba, a souligné qu’il se démarque de la nouvelle position de Sanchez», relevant que «la présence du Maroc au Sahara occidental est une occupation militaire, en violation flagrante avec les droits humains de la population indigène». Emboitant le pas à Pablo Echenique, le porte-parole du groupe Si Podemos au Parlement des îles Canaries, Manuel Marrero, a qualifié les déclarations du Premier ministre espagnol de «scandaleuses». Il a affirmé que «soutenir la thèse du Maroc sur le Sahara occidental est une violation des résolutions des Nations unies», préconisant «la tenue d’un référendum pour décider de l’avenir de ce territoire», et regrettant «la capitulation de Sanchez devant le chantage marocain». Dénonçant, de son côté, la décision du gouvernement de Sanchez, le Parti populaire en Espagne a demandé la «comparution» du chef du gouvernement devant le Parlement. «Le changement de la position du gouvernement vis-à-vis de la question du conflit au Sahara occidental est inacceptable. Le gouvernement n’a pas le droit de prendre une telle décision sans se concerter avec le principal parti d’opposition dans le pays», a déclaré la coordonnatrice générale du parti, Cuca Gamarra, faisant observer que «ce revirement de position nuit à l’image de l’Espagne à l’international». Allant dans le même sens, le parti de centre-droit Ciudadanos a exigé, lui aussi, la comparution de Sanchez et du ministre des Affaires étrangères devant les députés. «Sanchez et Albares doivent comparaître en toute urgence devant le Parlement pour s’expliquer sur les motifs d’une telle position», affirme Ciudadanos, ajoutant que «la politique étrangère est un enjeu majeur». Le chef du parti de gauche Mas Pais, Inigo Errejon, a également critiqué le changement de position du gouvernement, soulignant que l’Espagne «ne doit en aucun cas être une proie au chantage de la monarchie marocaine». De son côté, un porte-parole du parti EH Bildu basque au Sénat, Gorka Eligabarita, a estimé, après avoir dénoncé la nouvelle décision du gouvernement, que «le moment est venu pour que Madrid reconnaisse le droit du peuple sahraoui à l’autodétermination». Le président de Mas Madrid, Pablo Gomez Perpinya, a considéré, quant à lui, que les déclarations de Sanchez sont en «violation flagrante» du droit international et des résolutions des Nations unies, soulignant que «ces déclarations nuisent gravement à la crédibilité de l’Espagne». Dans le même registre, la conseillère du Président sahraoui, Al-Nana Labat al-Rachid, a affirmé que la cause sahraouie est une cause juste fondée sur la légitimité internationale et que les cajoleries du Premier ministre espagnol Pedro Sanchez et sa position unilatérale dans laquelle il a été soumis au chantage du Makhzen, ne serviront en rien le régime d’occupation marocain. Concernant la position exprimée vendredi par le gouvernement espagnol dans la lettre envoyée par son président Pedro Sanchez au roi du Maroc, appuyant la soi-disant «proposition d’autonomie» au Sahara occidental, Mme Labat al-Rachid a indiqué que le gouvernement espagnol soutient la proposition de Rabat «en raison du chantage marocain et de sa menace constante d’inonder Madrid d’immigrants illégaux». «La reddition de l’Espagne, au régime marocain, intervient dans un contexte international qui ne permet pas de telles concessions, mais il semble que le chantage marocain soit supérieur à la loi en Espagne», a-t-elle relevé. Dans ce contexte, la conseillère du président sahraoui a évoqué «la trahison de l’ancien colonisateur espagnol du Sahara occidental, qu’il a occupé pendant plus de 8 décennies, puis l’a remis à l’occupation marocaine à travers un accord odieux». A cet égard, a-t-elle ajouté, «il n’y a rien de nouveau dans le message envoyé par Sanchez au roi du Maroc, car l’Espagne a trahi le Sahara occidental avec les Accords de Madrid, et a permis à l’occupation marocaine d’envahir le Sahara occidental en échange de son silence sur Ceuta et Melilla, et continue d’avoir sa part d’exploitation des ressources naturelles». «La nouveauté dans ce message, est que l’Espagne a dit cette fois publiquement à son allié le Maroc ce qu’elle disait dans des cercles restreints sur son soutien au projet mort-né», a dit Mme Labat al-Rachid, estimant que ce qui s’est passé est un autre accord dans lequel le régime d’occupation marocain a négocié avec le Royaume d’Espagne le dossier de l’immigration clandestine, Ceuta et Melilla, en échange de sa reconnaissance publique de la soi-disant «proposition d’autonomie». La responsable a ajouté que le message de Sanchez aura le même sort que le tweet obsolète de l’ancien président américain Donald Trump dans lequel il a acheté la normalisation marocaine avec l’entité sioniste. Dans ce contexte, elle a évoqué la division de la scène politique espagnole sur la «position unilatérale» du Premier ministre espagnol, et n’a pas exclu que ce dernier se présente devant le Parlement pour «rendre des comptes». En dernier, elle a souligné que la lettre du Premier ministre espagnol au roi du Maroc ne changera pas le statut juridique du Sahara occidental qui attend sa décolonisation, et que ce message ne portera pas atteinte à la volonté des Sahraouis de construire leur Etat indépendant sur toutes leurs terres occupées.

T. Benslimane