Les incidences de ces tensions sur la nouvelle reconfiguration  géostratégique et de l’économie mondiale: L’émergence des BRICS

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Professeur des universités, docteur d’Etat 1974 – Expert international Abderrahmane Mebtoul

Pour les Etats-Unis et leurs alliés de la région – au premier rang desquels le Japon, la Corée du Sud  et l’Australie, l’Inde rival de la Chine, plus proche des USA,  ayant une position de neutralité  il s’agit d’un enjeu stratégique vital, quel que soit le scénario de conflit. Pour Washington, cet affrontement des volontés n’aurait pas pour seul enjeu celui de la défense d’une jeune démocratie, mais aussi celui du maintien du statut international des Etats-Unis et de leur prééminence stratégique en Indo-Pacifique et dans le monde). Ces tensions peuvent inciter la Corée du Sud et le Japon alliées des USA à se doter de capacités de dissuasion nucléaire dans la mesure où un conflit dans le détroit de Taïwan et l’intervention américaine bouleverserait les grands équilibres stratégiques. Selon l’expert militaire  en géostratégie, Lombard Odier,  dans une importante  contribution  05/08/2022, ( US-China tensions over Taïwan- our current scénarios)  dans tous les cas de figure, au vu des enjeux majeurs pour l’économie et les marchés d’actions mondiaux, l’évolution de la situation à Taïwan devra être surveillée de près ces prochaines années, d’autant que la Chine a toujours considéré l’île comme faisant partie intégrante de son territoire, le scénario 1, le plus probable est celui de manœuvres militaires autour de Taïwan pouvant durer jusqu’à deux ans, avec à la clé des perturbations intermittentes des flux commerciaux qui transitent par le détroit de Formose ainsi que par les eaux et l’espace aérien environnants, sans confrontation militaire directe majeure entre la Chine et Taïwan ou entre la Chine et les Etats-Unis. «Le coût pour l’économie mondiale serait une nouvelle perturbation des chaînes d’approvisionnement, le risque d’une escalade soudaine vers une confrontation plus dangereuse, et un découplage accéléré entre la Chine et les Etats-Unis.

Le scénario 2 serait une action délibérée de la Chine pour imposer à Taïwan une «quarantaine», voire un blocus, laissant à Pékin le loisir de décider de qui pourra pénétrer dans la zone entourant l’île.

«La différence entre une quarantaine et un blocus est que dans le premier cas, la plupart des échanges et des flux commerciaux seraient autorisés, sauf ceux jugés inappropriés par Pékin. Dans un cas comme dans l’autre, Taïwan serait fortement incitée à s’opposer militairement à cette tentative, et les Etats-Unis et leurs alliés réagiraient par des sanctions ou des opérations militaires, même au risque d’une confrontation armée directe avec la Chine. Le scénario 3 le moins probable, mais aussi le plus dangereux, serait une rapide escalade vers une guerre ouverte entre les Etats-Unis et la Chine autour du détroit, Pékin tentant de prendre via les armes le contrôle politique de Taïwan. Ce scénario exposerait l’économie mondiale à des ondes de choc massives, car il entraînerait vraisemblablement une complète restructuration des chaînes d’approvisionnement mondiales. C’est qu’avec  la crise ukrainienne, récemment en Asie avec les tensions  Chine/USA concernant l’avenir de Taïwan, (voir notre interview à la télévision  ALG24 du 04 août 2022),  la crise énergétique et alimentaire, l’impact de l’épidémie du coronavirus et du réchauffement climatique, posent la problématique  d’une nouvelle architecture  des relations internationales et sur le plan politique et sur le plan économique  de  la  nécessaire transition numérique et énergétique qui devrait modifier considérablement tant les politiques sécuritaires, économiques, et et sociales des Nations. Nous assistons à un profond bouleversement de l’ordre économique et géopolitique mondial où  le commerce de l’énergie se modifie, l’inflation est de retour, la crise alimentaire guette bon nombre de pays, les chaînes d’approvisionnement se reconfigurent, les réseaux de paiement se fragmentent et certains pays émergents comme la Chine repensent leurs réserves de devises  estimées au 31/12/2021 à environ 3200 milliards de dollars. C’est ainsi que le monde  devrait connaître un grand bouleversement  travers le BRICS,  composé de cinq pays – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud,  l’acronyme BRICSAM (en anglais, également utilisé pour y adjoindre le Mexique, sans qu’il soit membre de ce groupe, rejoints en tant qu’observateurs par la Thaïlande, l’Egypte, la Guinée  et, le Tadjikistan.  Ensemble, les BRICS pèsent 45 % de la population de la planète, près du quart de sa richesse et les deux tiers de sa croissance et les estimations, les BRICS seraient à l’origine de plus de 50 % de la croissance économique mondiale au cours des dix dernières années. Ce bloc selon le quotidien allemand Die Welt pourrait être l’amorce : d’une alliance anti-occidentale. Selon le  porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères que si la population totale des pays composant le G7 est d’un peu plus que 770 millions de personnes,  que l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les BRICS – représentant à eux seuls de-facto la moitié de la population terrestre et plus d’un quart du PIB mondial  abritent 4 des 10 principales économies mondiales en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat (Chine – 1e, Inde – 3e, Russie – 6e, Brésil – 9e) et quatre puissances nucléaires par la même occasion (Russie, Chine, Inde, Pakistan).  Plusieurs chocs ont frappé une économie mondiale déjà fragilisée par la pandémie : une inflation plus forte que prévu dans le monde entier, en particulier aux États-Unis et dans les pays européens les plus importants économiquement, qui a provoqué un durcissement des conditions de financement; un ralentissement plus prononcé qu’attendu en Chine des suites de flambées de Covid-19 et de confinements; enfin de nouvelles répercussions négatives de la guerre en Ukraine. Toutes ces tensions  auront un  impact négatif sur l’économie mondiale où le  Fonds monétaire international (FMI) a réduit le 12 juillet 2022, ses prévisions de croissance économique pour les Etats-Unis en 2022 et en 2023, pour la deuxième fois en moins d’un mois, avertissant qu’une poussée généralisée de l’inflation présente des «risques systémiques» pour ce pays et l’économie mondiale.  Dans son rapport relatif à l’évaluation annuelle de l’économie américaine, le FMI s’attend désormais à une augmentation de 2,3% du PIB de la première puissance économique mondiale en 2022, ayant  réduit ses prévisions de croissance du PIB réel américain en 2023, les ramenant à 1% contre un taux de 1,7% annoncé le 24 juin 2022. Le FMI a par ailleurs souligné les défis posés par une inflation élevée et les fortes hausses des taux d’intérêt de la Réserve fédérale (FED), nécessaires pour contrôler les prix.  

Les dernières données de l’agence Fitch prévoient une révision à la baisse des prévisions de croissance du PIB de la Chine pour 2022, à 4,3 % contre 4,8 % prévus précédemment. Néanmoins, Fitch a revu légèrement à la hausse ses prévisions de croissance pour 2023, à 5,2 %, soit une amélioration de 0,1 % par rapport à ses précédentes estimations. En Europe, les fortes révisions à la baisse s’expliquent par les retombées de la guerre en Ukraine et le resserrement de la politique monétaire, où ’inflation mondiale a été revue à la hausse du fait de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ainsi que des déséquilibres persistants de l’offre et de la demande. Elle devrait atteindre 6,6 % dans les pays avancés et 9,5 % dans les pays émergents et les pays en développement en 2022, soit une révision à la hausse de 0,9 et 0,8 point de pourcentage, respectivement et toujours selon le FMI, en 2023, la politique monétaire désinflationniste devrait faire sentir ses effets, et la production mondiale augmenter de seulement 2,9 %. (voir Guerre en Ukraine : quels scénarios  Évolution du conflit et trajectoires géopolitiques à l’horizon 2025 Sous la direction de Marie Ségur* *Chargée d’études senior à Futuribles Avec les contributions de François Bourse, directeur d’études à Futuribles, et d’Antoine Le Bec et Coline Louis, chargés d’études à Futuribles  1er juillet 2022) En conclusion, face aux crise récurrentes,  de nouvelles politiques d’adaptation s’imposent collant au  fonctionnement des sociétés qui a été perturbée depuis l’entrée en puissance des nouvelles technologies à travers les drones sophistiqués  et  les cyberattaques qui peuvent déstabiliser tout un pays et  Facebook qui contribuent à refaçonner les relations sociales, les relations entre les citoyens et l’Etat, par la manipulation des foules, pouvant être positif ou négatif lorsqu’elle tend à vouloir faire des sociétés un Tout homogène alors qu’existent des spécificités sociales des Nations à travers leur histoire. Ces nouvelles dictatures peuvent conduire à effacer tout esprit de citoyenneté à travers le virtuel, l’imaginaire et la diffusion d’images avec pour conséquence une méfiance accrue par la manipulation des foules, accélérant le divorce  Etat –citoyens  lorsque des responsables politiques ou experts formatés à l’ancienne culture ne savent pas communiquer. Tenant compte des  expériences historiques, où le monde s’oriente inéluctablement vers la transition énergétique pour faire face au réchauffement climatique, où l’eau fondement de l’alimentation, sera un enjeu majeur de la  la  sécurité nationale, et la transition numérique,  l’objectif stratégique est de repenser l’actuelle architecture des relations internationales dont le  système économique mondial en donnant un rôle accru à la société civile au niveau interne   et aux institutions supra-internationales comme facteur de régulation, devant synchroniser la sphère financière et la sphère réelle , la dynamique économique et la dynamique sociale ( lutte contre les inégalités et la pauvreté locales et mondiales ), et par conséquent imaginer de nouvelles règles des fonctions complémentaires des Etats et des marchés des biens, services et des capitaux. 

  1. M.