La stratégie des BRICS face à la crise bancaire et la domination du dollar

0
303

Cette présente contribution reprend les idées générales de mon intervention suite à l’invitation de la télévision internationale AL 24 News le 1er avril 2023 sur le thème sur les crises bancaires et la stratégie des BRICS face à la dominance du dollar.

1 -Récemment nous avons assisté à la faillite de banques américaines spécialisées dans les cryptomonnaies, la Silicon Valley Bank (SVB), la «banque de la tech» et de Signature Bank, également proche du monde des cryptos. Or, Signature Bank disposait de 110 milliards de dollars d’actifs et de 88 milliards de dollars de dépôts, la SVB, 173 milliards de dollars et ses actifs étaient estimés à 209 milliards de dollars, ce qui en faisait la seizième banque des Etats-Unis. La Fed a prêté environ 2 milliards de dollars au secteur bancaire pour éviter la crise. En Europe, UBS a accepté de racheter le Crédit Suisse, suite à sa faillite pour trois milliards de francs suisses (3,04 milliards d’euros), selon le Financial Times qui compte parmi les 30 plus importantes banques du monde afin d’éviter un impact systémique, la Banque nationale suisse (BNS), ayant accepté de débloquer des liquidités pour 100 milliards de dollars en faveur du Crédit Suisse dans le cadre de l’accord. Mais après les USA et la Suisse, entre le 24 et le 25 mars 2023 la zone euro a été touchée avec les difficultés de la Deutsche Bank qui, le 24 mars 2023, a perdu en clôture -8,5% entraînant dans sa chute à Paris la Société Générale qui a perdu – 6,13% et BNP Paribas – 5,27%. Et fin mars 2023 de nouveaux à un scandale financier touchant cinq établissements bancaires français : la Société Générale, BNP Paribas, Natixis, HSBC et Exane, une filière de la BNP Paribas spécialiste des investissements financiers. Ces banques ont utilisé la technique du CumCum, où la banque peut recevoir en échange une commission sur les dividendes restitués à l’actionnaire étranger pour lui avoir évité une taxation allant de 15,2 % à 30 % selon le pays de résidence du propriétaire des titres favorisant la fraude fiscale dans la mesure où un actionnaire étranger d’une société coté par exemple en France transfère, temporairement, les jours précédents et les suivants les titres qu’il détient à un établissement bancaire dans le but d’éluder le paiement de la retenue à la source appliquée sur le paiement des dividendes. Mais la technique du CumCum peut se décliner dans d’autres versions, où les actionnaires des titres d’entreprises cotées peuvent passer par des sociétés écrans pour transférer leurs actions dans des pays qui bénéficient d’une exonération fiscale. Pour détecter cette fraude, estimée provisoirement à plus de 150 milliards d’euros dont 30 milliards en France, le Parquet national financier (PNF) a mobilisé pas moins de 150 enquêteurs du service d’enquêtes judiciaires des finances (SEJF), 16 magistrats français et 6 procureurs allemands. Malgré ces scandales, les dirigeants américains et européens se veulent rassurants déclarant que les banques américaines et dans la zone euro sont robustes et disposent de positions solides en termes de capital et de liquidités et que nous sommes loin du scénario de la banque Lehman Brothers, où cette dernière disposait de plus de 600 milliards de dollars d’actifs et était surtout l’une des premières banques d’affaires mondiale. A l’époque, presque toutes les banques de la planète étaient clientes de Lehman Brothers, d’où un effet domino quasiment immédiat qui s’en est suivi.

2 -Face aux différentes turbulences de l’économie mondiale avec des inégalités criantes au niveau mondial, accéléré par des mauvaises gouvernances de certains pays du Sud, afin de favoriser le développement qui a créé les BRICS, composés de la Chine, l’Inde, la Russie, du Brésil et de l’Afrique du Sud. Le principe de cette organisation se fonde sur le co-développement, le respect du choix souverain du système politique et économique de chaque nation, tenant compte de son histoire et de son anthropologie culturelle. D’une manière générale, l’action des BRICS a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés dans un esprit dépassé de domination, comme le déséquilibre de l’économie mondiale, qu’il ne peut y avoir de développement global sans le développent et de prospérité de la majorité des pays en voie de développement, proposant de créer un partenariat global fondé sur le dialogue productif par une compréhension mutuelle et une coordination des efforts entre le Nord et le Sud afin de résoudre les nombreux défis de notre monde. Bien que n’ayant pas, contrairement au G7, des affinités économiques, politiques et idéologiques, l’action des BRICS adopte des positions sensiblement communes sur des questions de relations internationales, dont la souveraineté nationale, la non-ingérence dans les affaires internes des pays, des problèmes d’environnement, du désarmement, de la non-prolifération nucléaire, des réformes des institutions internationales, du commerce international et d’autres problèmes économiques comme la sécurité alimentaire et énergétique. Le PIB des BRICS pour 2021 est de 25.498 milliards de dollars, pour 45% de la population mondiale, la Chine représentant 72,54%, étant largement leader au sein de cette organisation. La stratégie de la Chine à travers les Brics+ s’inscrit dans le cadre de la nouvelle route de la soie visant à relier économiquement la Chine à l’Europe et l’Afrique en intégrant les espaces d’Asie Centrale par un vaste réseau de corridors routiers et ferroviaires, concernant plus de 68 pays regroupant 4,4 milliards d’habitants et représentant près de 40 % du produit intérieur brut (PIB). Par ce projet, la stratégie vise à ancrer l’Europe orientale et l’Asie occidentale par un vaste réseau d’ infrastructures, routes, chemin de fer, pipelines, câbles de fibres optiques et terminaux portuaires qui relieront les trois continents par terre et par mer ,où toutes les routes conduiront à Pékin. Ce qui explique la récente contre-offensive américaine et accessoirement de l’Europe en direction de l’Afrique, enjeu économique du XXIe, importantes richesses et un quart de la population mondiale entre 2035 et 2040. Il est prévu de nouvelles adhésions lors de la prochaine réunion des Brics en Afrique du Sud, cette dernière assumant la présidence depuis le 1er janvier 2023, succédant à la Chine, qui accueillera le sommet des Brics dans la province de Gauteng du 22 au 24 août selon la Présidence du pays d’accueil ( source AFP). Nous avons comme candidats, l’Algérie – le Mexique l’Arabie saoudite – l’Argentine – le Nigeria – les Emirats arabes unis – l’Egypte et l’Iran. Avec les nouvelles adhésions, nous aurons un accroissement de population de 674 millions d’habitants qui s’ajoutent à ceux des Brics et un rajout au PIB de 6551 milliards de dollars passant de 25% du PIB mondial en 2022 à environ 30% et de 45% de la population mondiale à environ 50%. Mais pour l’instant entre 2022/2023, les USA, et l’Europe y compris la Grande-Bretagne, pour moins d’un milliard d’habitants accaparent , sur un PIB mondial de 100.000 milliards de dollars en 2022, environ 40% du total (voir contributions Pr A. Mebtoul- American Herald Tribune USA août 2019, en anglais, l’Algérie face aux les nouveaux enjeux géostratégiques mondiaux et mars 2023 Financial –Afrik Paris/ Dakar, l’impact sur les relations internationales des Brics).

3 – C’est pour se prémunir contre la prédominance du dollar que les BRICS ont décidé de créer la nouvelle banque de développement-NBD- en 2015 qui verrait sa dynamisation avec la nomination le 31 mars 2023 de l’ancienne présidente du Brésil Dilma Rousseff à travers la contribution des banques centrales des BRICS, une partie des réserves de devises étrangères et l’émission d’emprunts sur le marché financier international. C’est sous l’impulsion des BRICS que le G20 a transformé le forum de stabilité financière en conseil de stabilité financière, les BRICS ayant soutenu le rapport sur les G-SIFI pour réduire les risques moraux des institutions financières systématiquement et globalement importants, les fonds de couverture, le shadow banking, les produits dérivés financiers des marchés offshore et les agences de notation ayant été ramenés pour la première fois sous la supervision. Les avantages de la Nouvelle Banque de développement seraient : premièrement de mieux utiliser leurs devises étrangères afin de réduire le risque d’inflation et de rétrécissement de leur réserve de devises étrangères, et de mieux servir leurs économies réelles; deuxièmement, les bénéfices que la Banque de développement pourraient tirer de l’investissement dans les économies réelles et dépasseraient largement ceux que les banques centrales pourraient tirer de l’achat de bons du Trésor des pays développés; troisièmement, la Nouvelle Banque de développement ferait la promotion de l’usage des monnaies nationales des pays membres, ce qui pourrait promouvoir le commerce intérieur et l’investissement réciproque de ces pays, réduisant ainsi la dépendance au dollar. Cependant, il faut être réaliste. Tout en n’oubliant pas le montant faramineux de la dette mondiale publique et privée qui a été en 2022 de 300 000 milliards de dollars, représentant 350 % du PIB mondial, contre 226.000 en 2021. Au 17 août 2022 cette dette totale US se monte à 92 097 milliards de dollars soit 370% du PIB des USA, 96% du PIB mondial, le dollar reste la monnaie de référence. Pour 2021, la part de l’euro dans les paiements mondiaux s’élevait à 38 % et le dollar à 40% et la part de l’euro dans les avoirs de réserves de change était d’environ 20 % en juin 2020, tandis que celle du dollar américain se situait aux alentours de 60 %. Pour preuve, en novembre 2022, la Chine détenait des titres du Trésor américain d’un montant de 870 de milliards de dollars, le Japon 1082 , le royaume uni 655 , la Belgique 333, le Brésil 226, la France 204 milliards de dollars et nous avons d’autres pays, même ceux les plus hostiles aux États-Unis. Les fluctuations du dollar ont un impact sur les recettes des hydrocarbures libellées à plus de 80% en dollars et accessoirement en euros et toute appréciation du dollar et dépréciation de l’euro a un impact positif sur les pays pétroliers qui perçoivent leurs revenus en dollars, bénéficiant d’un bonus pour leurs importations libellées en euro. Quel sera l’impact sur la valeur du dollar suite aux sanctions contre la Russie de limiter le prix du pétrole et ses dérivés ainsi que celui du gaz de la décision de Moscou de se faire payer ses exportations en roubles ? La valeur des réserves de change est fonction des différentes fluctuations des monnaies clefs qui ont un impact sur la valeur des réserves à un moment donné. De façon générale, lorsque la valeur du dollar américain par rapport aux principales monnaies est plus faible, sa part dans les réserves mondiales diminue puisque la valeur en dollars des réserves libellées dans d’autres devises augmente (et vice versa lorsque le dollar est plus vigoureux). À leur tour, les taux de change du dollar peuvent être influencés par plusieurs facteurs, tels que des facteurs politiques, des politiques monétaires et budgétaires différentes, et les ventes et achats de devises par les banques centrales. Il faut être réaliste, les USA étant la première puissance économique mondiale, suivi de la Chine, et de l’Europe, bien que déclinante reste la troisième puissance économique mondiale, pour une population relativement faible 340 millions en 2022 et le restera encore pour longtemps.

En conclusion, des scénarios envisagent horizon 2030/2035 deux blocs hégémoniques, l’un dominé par les USA, l’autre par la Chine, où existerait une entente entre ces deux grandes puissances pour le partage des zones d’influence et donc sur le nouveau système monétaire mondial avec deux monnaies dominantes, le dollar américain, le yuan chinois, suivi de l’euro. Avec les impacts du conflit en Ukraine, le rétablissement des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite et les nouvelles adhésions aux BRICS, nous devrions assister à une nouvelle configuration des relations internationales, loin du modèle européen –centriste. En bref, dans la pratique des relations internationales et surtout économiques, n’existent pas de sentiments, mais que des intérêts, l’impact au sein d’une organisation d’un pays étant fonction de sa puissance économique.

  1. M.