Randonnée dans le Djurdjura: À la découverte des pelouses alpines d’Alma N’Ath Argane  

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Les pelouses alpines de la région N’Ath  Argane dévoilent toute la diversité des paysages du Djurdjura entre la  rudesse menaçante de son Karst gris qui défie les nuages et la douceur de  ses pâturages parcourus de cours d’eau chantants.

Vastes étendues d’herbes qui poussent au ras du sol, les prairies d’Alma N’Ath Argane culminent à une altitude située entre 1600 et 1700 mètres en  plein cœur du Djurdjura, défiant le schiste et les pentes vertigineuses de  cette montagne qui ne cesse de surprendre par la diversité et la beauté de  ses paysages. Une diversité que 55 amoureux de la nature et de la marche, dont 37 hommes  et 18 femmes issus des localités de Tirmitine, Maatkas, Boghni et  Tizi-Ouzou, ont pu découvrir dans le cadre d’une randonnée pédestre  encadrée par le guide de montagne Lounes Meziani, épaulé par son collègue  Ahcène Moussouni, guide et moniteur d’escalade au Centre de loisirs  scientifiques (CLS) de Tizi-Ouzou. Le départ du circuit de cette randonnée de niveau II, tracée par M.  Meziani, a été donné à partir du village N’Ath Argane dans la commune  d’Agouni Gueghrane (daïra d’Ouadhias) à une cinquantaine de kilomètres à  l’extrême sud de Tizi-Ouzou. Une petite maison de campagne située à la  sortie de ce village et qui s’avère être un ancien club alpin réalisé par  des Français durant l’époque coloniale, pour la pratique des sports de  montagne, rappelle la vocation touristique de cette région. Sitôt les consignes de sécurité données par Lounes Méziani, pour une  randonnée sans incidents, les randonneurs entament l’ascension de Tabourth  N’Ath Argane, (la porte N’Ath Argane), en empruntant une piste tantôt  rocailleuse et tantôt bordée d’arbres ombrageux. Quelque centaines de  mètres plus haut, le groupe s’arrête pour admirer une vue d’ensemble du  village qu’ils viennent de quitter et qui se dévoile dans un décor de carte  postale. Quelques kilomètres plus loin, Lounes Meziani pointe du doigt un rocher  quasiment dénudé à l’exception de petits arbustes qui poussent, accrochés à  sa façade, suspendus entre ciel et terre. « Un singe magot », lance-t-il aux  randonneurs. Ce qui rend cet amoureux de la nature joyeux de voire cet  animal protégé par la loi car menacé de disparition, est le fait qu’il  évolue à l’état sauvage contrairement à d’autres populations habituées à la  présence de l’homme, à l’exemple de celles qui peuplent la forêt de  Yakouren. La présence de ce singe ici signifie qu’il y a au moins quarante  autres animaux qui y vivent, car le singe magot vit en communauté  constituée d’une quarantaine de sujets, a-t-il expliqué.

Des prairies verdoyantes, bordées de cours d’eau

La piste débouche sur un couloir naturel entre deux façades rocheuses de  quelques dizaines de mètres : c’est Tabourt N’Ath Argane qui s’ouvre sur  une vaste prairie verdoyante de forme presque rectangulaire qui rappelle un  stade, bordée en aval par un cours d’eau. L’eau limpide qui parcourt un lit  de galets et de mousse, dessine une magnifique toile qui charme l’œil et  repose l’esprit. Après une courte pause-photo, le groupe reprend la marche à travers les  prairies en suivant, à contre courant et autant que faire se peut, le cours  d’eau pour découvrir que l’eau jaillit des entrailles de la terre d’une  cavité rocheuse recouverte en partie par des plantes grimpantes, se déverse  dans un petit bassin avant de serpenter le long des pelouses alpines au gré  des dénivelés. Une pairie plus loin, M. Meziani annonce aux randonneurs ce qu’ils  attendaient impatiemment : La pause déjeuner. Aussi insolite que cela  puisse paraitre, l’endroit choisi par ce guide est appelé Azzeka Boughriv  (la tombe de l’étranger). Selon la légende racontée par les habitants de la région N’Ath Argane, il y a très longtemps, un homme qui serait venu de la  wilaya de Bouira pour rejoindre Tizi-Ouzou en passant par les pelouses  N’Ath Argane, aurait été surpris et bloqué par une tempête de neige. Son  corps sans vie aurait été découvert par des bergers de la région. Ces  derniers n’ayant pas pu l’identifier pour en informer sa famille, l’ont  introduit et, depuis, l’endroit porte le nom d’Azzekka Boughriv qui  rappelle aux imprudents le coté dangereux des montagnes avec les tempêtes  de neige en hiver et les risques de chutes en toute saison, rappellent MM  Meziani et Moussouni. Loin de se laisser dissuader par cette appellation funeste, les  randonneurs forment de petits groupes au pied d’arbustes et de rochers pour  s’abriter du soleil. On tire les victuailles des sac-à-dos et on se délecte  au milieu d’une nature apaisante en respirant l’air vivifiant de la  montagne qui donne un appétit d’ogre. Un peu plus d’une demi-heure plus tard, Lounes Meziani qui s’assure  qu’aucun déchet n’a été laissé sur place, donne le signale de départ et la  marche reprend à travers une succession de prairies à la végétation  généreuse où paissent paisiblement des troupeaux de veaux et de moutons  sous l’œil vigilants des bergers.

La transhumance, une tradition encore vivante

A Ath Argane comme dans d’autres régions de la haute Kabylie, des  villageois continuent de pratiquer la transhumance, appelée localement  Aqdar, une tradition ancestrale observée durant la saison chaude (jadis  entre juillet et la mi-août) que quelques villageois continuent de  perpétuer. Les prairies d’Alma sont fréquentées par des bergers de la  région N’Ath Aragne et des villages de la daïra limitrophe, Haizer, dans la  wilaya de Bouira. En amont d’une prairie, Lounes Meziani montre un enclos de berger. Il  s’agit d’un rocher entouré d’une fortification en pierres sèches où les  bergers rassemblent le troupeau. Cet enclos est destiné au cheptel ovin et  peut contenir entre 40 et 60 moutons, explique le guide. Une petite  excavation naturelle dans le rocher sert de couche au berger qui peut ainsi  s’allonger à l’ombre tout en surveillent ses bêtes. Un foyer a été aussi  aménagé à l’abri du vent pour permettre aux bergers de préparer leur repas. Les randonneurs traversent le plateau d’Asfis pour emprunter une route qui  descend au milieu de Genêts et aboutir au village Ath Irane et ces  centaines de cerisiers où une pause est observée à proximité d’un cours  d’eau asséché ce qui a surpris le guide Meziani qui se rappelle qu’il y a  quelques années l’eau y coulait toute l’année. Lounes Meziani, tombé sous le charme du Djurdjura en 1983 depuis sa  première randonnée-bivouac de cinq dans les plus beaux sites de cette  montagne, dont Tamda Ouguelmim, chalet du Kef, Tikjda, le plateau d’Aswel  et le village Timeghras, et qui depuis la parcourus de long en large, se  désole des changements climatiques qu’il constate ces dernières années, à  travers notamment le tarissement de certains cours d’eau et une floraison  précoce, se désole-t-il. La traversée du village Ath Oulhadj annonce la fin de la randonnée sur un  parcours de plus éd 12 Km. Des femmes du village saluent avec des sourires  accueillants les randonneurs pressés de s’engouffrer dans les bus qui les  ont déposés le matin à Ath Argane, pour soulager leurs pieds. A la placette  du village, des vieux, visiblement habitués à voire des visiteurs débarquer  chez eux, discutent avec les marcheurs et les questionnent sur le parcours  qu’ils ont effectués. « Notre pays est beau et le Djurdjura est notre mère nourricière qui nous  fournis l’air pur que nous respirons, l’eau que nous buvons, des fruits et  légumes que nous cultivons et de vastes prairies pour faire paître nos  bettes, alors préservez cette montagne comme nos aïeux nous l’ont laissée »,  lance Da M’hand, un octogénaire en direction des randonneurs, avant que les  bus ne démarrent.