L’impératif d’une nouvelle gouvernance de l’Algérie, acteur stratégique au niveau de la région: Face à la crise mondiale, et la bureaucratie, principal obstacle à la relance économique en 2023

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Evitons tant le dénigrement gratuit, tout ce qui a été fait depuis l’indépendance politique n’est pas négatif, beaucoup de réalisations, mais beaucoup d’insuffisances, mais également l’autosatisfaction avec des promesses sans lendemain, source de névrose collective : la vérité, rien que seulement la vérité afin de corriger nos erreurs, objet de cette présente contribution.

L’année 2023 devrait connaître une récession de l’économie mondiale, et récemment avec le risque d’un défaut de paiement de l’économie américaine. Bien que peu probable, si elle devait avoir lieu, aurait pour conséquence à la fois l’accélération de la crise mondiale du fait que les États-Unis, première puissance économique mondiale, seraient incapables de rembourser les porteurs de bons du Trésor, et pour lever ce risque, il faut que le Congrès – le Sénat tenu par les démocrates et la Chambre à majorité républicaine, ce dernier exigeant, pour donner leur feu vert, une forte réduction des dépenses publiques pour relever le plafond maximal d’endettement public autorisé : autre conséquence, la baisse de la valeur du dollar ayant un impact sur le cours des hydrocarbures libellé en dollars, qui procurent 98% des recettes en devises de l’Algérie. Comme annoncé par le gouvernement, l’année 2023 sera-t-elle la relance effective du développement économique où en économie, le temps ne se rattrape jamais. Face aux entraves, la mentalité bureaucratique est de croire que c’est en faisant des séminaires ou en pondant de nouvelles lois que l’on résout les problèmes alors que l’essentiel est de s’attaquer au fonctionnement de la société. Les indicateurs macro-financiers sont certes positifs grâce au cours élevé des hydrocarbures, mais les dépenses en dinars et en devises malgré les énormes potentialités du pays, ne sont pas proportionnelles aux impacts économiques et sociaux. Aussi, dans un monde incertain, connaissant un bouleversement inégalé, tensions géostratégiques, crise économique et sociale, réchauffement climatique et comme impact crise alimentaire et son soubassement crise de l’eau, il y a lieu d’éviter les erreurs du passé, de continuer à fonctionner sur l’illusion de la rente éternelle et donc de revoir la gouvernance.

1 – Les principaux indicateurs économiques et sociaux 2022/2023

Le PIB en 2022 approche les 193 milliards de dollars et le taux de croissance serait de 2,6% en 2023 alors qu’il faut un taux de croissance de 8/9% par an sur plusieurs années pour absorber le flux additionnel de demandes d’emplois d’environ 350 000/400 000 par an qui s’ajoute au taux de chômage actuel. Selon le ministre du Travail, fin février 2023, 1900 000 ont été inscrits au chômage (le FMI donnant entre 3 et 4 millions) sur une population active d’environ 12,5 millions soit un taux de chômage de plus 15,2%, incluant les emplois improductifs, les emplois rente et les sureffectifs au niveau des administrations et des entreprises publiques, un taux proche de celui du FMI. Le taux d’inflation pour des raisons à la fois internes et externes, dont l’indice n’a pas été réactualisé depuis 2011, le besoin étant historiquement daté selon l’ONS depuis 2022 approche les 10 %, certains produits comme les pièces détachées de voitures ayant atteint les 200/300%, laminant le pouvoir d’achat. La dette extérieure est relativement faible de 2,914 milliards de dollars n’étant pas touchée par le relèvement des taux d’intérêts des banques centrales. Mais s’impose une rationalisation des choix budgétaires, évitant ces assainissements à répétition des entreprises publiques évalués à environ 250 milliards de dollars durant les trente dernières années à fin 2020 selon les données du premier ministère, les banques malades de leurs clients, les entreprises publiques structurellement déficitaires, et plus de 66 milliards de dollars, pour les réévaluations ces dix dernières années (source APS). Par ailleurs, la loi de finances 2023 prévoit un déficit budgétaire de 5720 milliards de dinars soit au cours moyen de 135, dinars un dollar, environ 42 milliards de dollars et parallèlement, la dette publique de l’Algérie est en nette croissance selon le FMI : 60,5% à fin 2022, avec des prévisions de 65,3% en 2023, contre 51,4% en 2020. Selon le rapport du FMI, l’Algérie aura besoin d’un baril de pétrole à 149,2 dollars pour assurer l’équilibre de son budget de 2023 contre 135 dollars pour 2021/2022 et 100/110 dollars pour 2019/2020. Pour 2023, la valeur des importations du fait du déséquilibre offre/demande, avec les dernières décisions de débloquer les importations de matières premières et d’équipements, ces décisions bureaucratiques en 2022 dans la précipitation sans cibles, ayant paralysé tout l’appareil productif et accéléré les pénuries et l’inflation, seront largement supérieures par rapport à 2022, avec des impacts sur la balance des paiements, du fait de la baisse des prix des hydrocarbures. Les exportations de pétrole ont fluctué ces dernières années environ 450 000 /500 000 barils/j et entre 42/50 milliards de mètres cubes gazeux pour le gaz. La consommation intérieure est presque l’équivalent des exportations, pouvant absorber les 70/80% de la production à horizon 2030, devant accélérer la transition énergétique afin d’éviter le drame des effets de la baisse des cours entre 1986/1990. La hausse des prix du pétrole moyenne de 106 dollars le baril en 2022 selon la Banque d’Algérie et 16 dollars le prix du gaz a permis à Sonatrach d’avoir une recette de 60 milliards de dollars et des réserves de change clôturées fin février 2023 à 63 milliards de dollars. Nos calculs donnent une estimation entre 50/55 milliards de dollars si le cours moyen est de 80/85 dollars pour le pétrole et 13/14 dollars le MBTU pour le gaz et entre 45/50 milliards de dollars si le cours moyen du pétrole est de 75 dollars pour le pétrole et 11/12 dollars le MBTU pour le gaz soit entre 10 et 15 milliards de dollars de moins qu’en 2022. Ce sont les recettes devant retirer environ 25% des frais ainsi que la part des associés étrangers pour avoir le profit net restant à Sonatrach.

2 – Mettre fin à la bureaucratie frein à l’épanouissement des énergies créatrices

Les défis futurs de l’Algérie est de dépasser une économie qui repose essentiellement sur la rente qui irrigue tout le corps social, loin des discours stériles, souvent contredits par la réalité. Gouverner c’est prévoir à moyen et long terme au moyen d’une planification stratégique loin des actions conjoncturelles, les militaires différenciant très justement la stratégie des tactiques qui doivent s’insérer au sein de la fonction stratégique, s’impose pour l’Algérie des stratégies d’adaptation, devant tenir compte des coûts additionnels pour protéger l’environnement de grands projets promis au démarrage entre 2022/2023 pour ne citer que quelques exemples, qui accusent des retards intolérables: comme le projet pétrochimique, d’Arzew, abandonné par Total et récemment attribué à Petrofac HQC pour un coût 1,5 milliard de dollars, avec un retard de 5 années, la mise en exploitation étant prévue dans 42 mois soit fin 2027, le projet du gazoduc Nigeria- Algérie toujours en gestation, devant avoir l’accord de l’Europe principal client qui ne s’est pas encore prononcé évalué par l’Union européenne à environ 20 milliards de dollars en 2020 contre10 en 2012 ; le projet Galsi, via la Sardaigne abandonné par l’Italie en 2012 où le coût à cette date pour 8 milliards de mètres cubes gazeux était de plus de 3 milliards de dollars (tracé complexe) dont le coût de réalisation a certainement augmenté, l’exploitation du fer de Gara Djebilet devant ramener le taux d’oxydation de 0,8% à moins de 1% et d’importants infrastructures pour sa commercialisation où le 9 mai 2022, le ministre des Mines (source APS), annonce officiellement que la réalisation du projet de Gara Djebilet, nécessitera la réalisation de plusieurs installations, aurait un coût variant entre 1 et 1,5 milliard de dollars par an sur une période allant de 8 à 10 ans, soit entre 10 et 15 milliards de dollars, les projets de réalisation de 2 usines d’engrais phosphatés à Skikda et Tébessa, pour un investissement de 6 Mds US, toujours en négociation avec la Chine pour le financement,

le projet de zinc, et de plomb d’Amizour , qui vient seulement d’être réactivé en mai 2023, sans préciser le coût de réalisation, d’un potentiel minier exploitable estimé à 34 millions de tonnes pour une production annuelle de 170 000 tonnes de concentré de zinc, devrait entrer en production en 2026, le port de Cherchell d’un coût estimé entre 4 et 5 milliards de dollars et enfin où en sont les impacts de ces dizaines de délivrance et surtout la rentabilité pour la production d’or. Il faut être réaliste : sous réserve de la levée du verrou bureaucratique, de mobiliser le financement et pour certains projets de trouver un bon partenaire étranger, la rentabilité d’un projet mis en exploitation en 2023 nécessitera deux à trois années pour les PMI/PME et 5/7 ans pour les grands projets et chaque année de retard repousse les délais avec des surcoûts, où en économie le temps ne se rattrape jamais. Avant tout lancement d’un projet s’impose une étude de rentabilité précise, afin d’être concurrentiel au niveau international, devant privilégier pour les avantages financiers et fiscaux la balance devises et pour pouvoir exporter, il faut d’abord produire à un coût compétitif et un des continents le plus difficile à pénétrer contrairement à certains slogans du fait de la forte concurrence internationale, Chine, USA, Europe, pays émergent, est l’Afrique. Je constate depuis quelque temps, que faute de visions stratégiques, en panne d’idées, bon nombre de collectivités locales sur le territoire national reviennent aux pratiques du passé, dénoncées par la président de la République, exigeant un langage réaliste et des réalisations effectives sur le terrain, faire et refaire les trottoirs avec des dépenses inutiles et que certaines responsables s’adonnent à des promesses difficilement réalisables. Durant toute l’année 2022 et depuis quelque mois durant l’année 2023, pour la majorité des organisations patronales, confrontées à la réalité du terrain, la bureaucratie continue de sévir, malgré toutes les directives du président de la République et la promulgation du nouveau code d’investissement dont l’opérationnalité renvoie à la levée des contraintes de l’écosystème (voir Mebtoul différentes contributions nationales 2022-2023), bloquant bon nombre de projets et entravant les énergies créatrices. L’Algérie ne peut continuer à dépenser sans compter, où la dépense monétaire avec plus de 1100 milliards de dollars entre 2000/2022 d’importations de biens et services en devises, sans compter les dépenses en dinars avec un taux de croissance dérisoire 2/3% alors qu’il aurait dû être de 8/9%, (mauvaise gestion et corruption).

3 – Liens dialectiques entre sécurité et développement

 Sans sécurité, il ne peut y avoir de développement et sans développement il y a forcément accroissement de l’insécurité. Et c’est pour cela que s’impose une planification stratégique 20323/2025/2030, afin d’éviter des pertes pour le pays qui peuvent se chiffrer en dizaines de milliards de dollars, et ce, tenant compte des nouvelles mutations mondiales des nouvelles filières qui se fondent sur la transition numérique et énergétique. Le XXIe siècle sera dominé par l’émergence de réseaux décentralisés, qui remplaceront les relations personnalisées d’État à État dans le domaine des relations économiques et de l’intelligence artificielle (le primat de la connaissance) qui révolutionne tout le système économique mondial- Les responsables algériens s’adapteront – ils à ce nouveau monde dynamique en perpétuel mouvement, où n’existe pas de modèle statique, ou vivront-ils toujours sur des schémas mécaniques dépassés? La transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, dans le cadre de la nouvelle économie mondialisation, suppose donc un profond réaménagement des structures du pouvoir assis sur la rente à un pouvoir se fondant sur les couches productives et le savoir. Le grand défi pour l’Algérie est la lutte contre le terrorisme bureaucratique, afin de libérer les énergies créatrices, au lieu des relations de clientèles et le régionalisme, de redonner sa place aux compétences réelles et donc au savoir et d’autonomiser la sphère financière, afin qu’elle ne soit plus un acteur passif de la redistribution de la rente des hydrocarbures au profit de clientèles non créatrices de richesses comme en témoignent les nombreux scandales financiers. Car, le bureaucrate au niveau central mais également au niveau local, amène avec lui, le carcan, les lenteurs, le but du bureaucrate étant de donner l’illusion d’un gouvernement même si l’administration fonctionne à vide, en fait de gouverner une population infime en ignorant la société majoritaire. Nous aurons trois impacts négatifs; premièrement, une centralisation pour régenter la vie politique, sociale et économique du pays; deuxièmement l’élimination de tout pouvoir rival au nom du pouvoir bureaucratique; troisième effet : la bureaucratie bâtit au nom de l’État des plans dont l’efficacité, sinon l’imagination se révèle bien faible. Aussi, pour la réussite de la relance économique pour 2023/2025, il est souhaitable afin d’éviter les tensions sociales et sécuritaires de partir d’un bilan objectif, sans complaisance, devant s’attaquer aux fondamentaux du blocage et trouver des réponses réelles et qui répondent en priorité aux aspirations de la population algérienne en redonnant un espoir, ce qui renvoie à la confiance État-citoyens afin qu’ils s’impliquent dans les réalisations présentes et futures. Cela renvoie à la responsabilité citoyenne et à la démocratie participative.

En conclusion

Il faut être réaliste, c’est une loi économise universelle, le versement de salaires sans contreparties productives conduit au suicide collectif par l’accroissement du taux d’inflation et du taux de chômage, pénalisant à terme les couches les plus défavorisées. Le constat en ce mois de mai 2023 est que l’Algérie dépend pour 98% de ses recettes en devises des hydrocarbures, avec les dérivés inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour une valeur dépassant les 60%.

Tenant compte des bouleversements mondiaux et des tensions budgétaires s’imposent pour l’Algérie un langage de vérité afin de mobiliser la population autour d’un large front national, réalisant la symbiose Etat-citoyens. L’Algérie connaît la stabilité grâce aux efforts de l’ANP et des services de sécurité. L’Algérie a toutes les potentialités pour une croissance hors hydrocarbures afin de réaliser la nécessaire cohésion sociale et d’être un pays pivot au sein de l’espace méditerranéen, africain et au niveau des BRICS, le PIB chinois représentant 72% du total, où l’Algérie a déposé sa candidature. La mobilisation citoyenne face aux tensions géostratégiques, le sacrifice devant être partagé, renvoyant à la morale est une question de sécurité nationale. Concilier l’efficacité économique et la justice sociale dans le cadre d’une économie ouverte, par la maîtrise du savoir, constitue le défi principal de l’Algérie. Le passage de l’État de «soutien contre la rente» à l’Etat de droit «basé sur le travail et l’intelligence» est un pari politique majeur car il implique tout simplement un nouveau contrat social entre la Nation et l’Etat.

  1. M.