Aplanir les divergences entre l’Algérie et la Banque mondiale: Les réformes pour relancer l’économie nationale du seul ressort des Algériens

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Chaque pays est souverain dans ses décisions, les hautes autorités du pays sont conscientes des difficultés que traverse le pays. Il s’agit d’éviter des débats stériles qui n’apportent aucune valeur ajoutée et vouloir opposer la Banque mondiale et le FMI traduit une méconnaissance des enjeux des nouvelles relations internationales. Le Premier ministre en date du 31 décembre 2021, note avec justesse, je le cite :«Certains ont exagéré dans l’analyse de la teneur du rapport de la Banque mondiale, en le présentant comme un document uniquement négatif, même si on n’est pas d’accord sur certaines données, ce rapport regorge d’indicateurs positifs devant avant toute critique avoir lecture approfondie afin d’éviter toute sensibilité entre ces institutions et l’Algérie.» Et certains experts, dans un esprit de louange en contrepartie d’une rente, sans lire le rapport, ont ajouté de l’huile sur le feu du par une mauvaise lecture.

1.- Dans le cadre de la défense des intérêts supérieurs de l’Algérie, en tant qu’expert international indépendant, membre de plusieurs organisations internationales, j’ai eu une discussion constructive concernant le dernier rapport de la Banque mondiale avec différents responsables à Washington qui tous, m’ont déclaré que l’Algérie est un pays pivot au niveau de la région méditerranéenne et africaine et que les réformes sont du seul ressort des Algériens eux-mêmes.

La Banque mondiale n’entend pas s’immiscer dans les affaires intérieures de l’Algérie, mais n’émet dans ses rapports que des observations et recommandations parfois justes et parfois sujettes à des imperfections imparfaites. Dans une correspondance qui m’a été adressée le 29 décembre 2021 de Washington, par le responsable qui a dirigé la rédaction du rapport je cite «Washington BM le 30 septembre 2021 , Professeur Abderrahmane Mebtoul, …. Je souhaitais simplement attirer votre attention sur le fait que le titre de notre rapport et certaines de nos données, présentées dans votre article, semblent correspondre à notre rapport du printemps 2021, plutôt que le rapport de l’automne 2021, tout juste publié.

Les estimations pour 2020 et les prévisions pour 2021 ont été notamment mises à jour dans le dernier rapport (à la fin du chapitre 2 sur les perspectives et risques)…..Également, une petite précision qui semble avoir généré une confusion dans la presse : nos projections d’importations de 50 Mds USD pour 2021 sont pour les biens et les services. La projection pour 2021 se base notamment sur 1/ une estimation d’importations de biens d’un peu plus de 40 milliards USD, en cohérence avec les données officielles pour le premier semestre et le rythme de la reprise au deuxième semestre et, 2/ une estimation d’importations de services d’environ 9 milliards USD, soit une reprise marquée par rapport à 2020 mais un niveau inférieur à 2019 et 2018….J’espère que ces précisions seront utiles, et je demeure à votre entière disposition pour échanger au besoin sur le contenu du rapport, au plaisir de vous rencontrer». C’est que l’Algérie a toujours des relations constructives avec toutes les institutions financières internationales, FMI, Banque mondiale, BIRD, organisation de l’Union africaine, organisation des pays arabes et bien d’autres dans le cadre du respect mutuel.. Je rappelle que le rapport de la Banque mondiale est divisé en quatre chapitres. Le chapitre 1 présente les développements macroéconomiques en Algérie au courant de l’année 2021. Le chapitre 2 décrit les perspectives à court et moyen terme de l’économie algérienne. Le chapitre 3 présente l’évolution de la pauvreté non-monétaire en Algérie entre 2013 et 2019. Enfin, le chapitre 4 propose un survol des enjeux liés à la gestion des risques de catastrophe naturelle en Algérie. Selon la Banque mondiale, les répercussions de la crise sanitaire et économique ont engendré en Algérie une contraction du produit intérieur brut (PIB) de l’ordre de 6,5% en 2020, mais la croissance du PIB devrait connaître une hausse de 3,8% en 2021 et de 2,1% en 2022. Selon les estimations de la Banque mondiale, les importations atteindraient 50 milliards de dollars en 2021, 41 milliards de dollars de biens et 9 milliards de dollars de services. Malgré la forte contraction des importations et la dépréciation modérée du taux de change, le déficit du compte des transactions courantes aurait atteint 14,4 % du PIB, tandis que les réserves internationales seraient tombées à 46,9 milliards de dollars à la fin de 2020 (ce qui représente une diminution de 24 % en glissement annuel), soit l’équivalent d’environ 12,8 mois d’importation. Les risques liés aux financements accordés par les banques publiques à des entreprises d’État en difficulté ont considérablement augmenté, les liquidités des banques publiques où sur les six banques publiques, qui détiennent environ 90% du total des dépôts du pays, quatre ont un grand besoin de liquidités. Les importations, qui représentent une part importante dans les dépenses publiques (évaluées à 34,4 milliards de dollars en 2019), la BM note qu’ elles enregistrent une baisse de 18% en 2020 en comparaison avec l’année 2019.

Ainsi, les revenus du pays, qui proviennent essentiellement de l’exportation des hydrocarbures, la hausse récente contribuant à réduire nettement les besoins de financement extérieur, et permettant de stabiliser à court terme les besoins croissants de financement domestique, ont enregistré une baisse de 33% en 2020, évalués à 23,8 milliards de dollars (19,7 milliards d’euros), contre 35,5 milliards de dollars (29,3 milliards d’euros) en 2019. Dans un contexte hautement incertain, du fait de la dépendance du cours des hydrocarbures qui échappent à toute décision interne, l’équilibre des risques affiche une tendance pessimiste, avec d’éventuelles nouvelles vagues d’infections au coronavirus susceptibles de nuire à la reprise économique. La reprise de l’économie se trouve également conditionnée par la maîtrise budgétaire: disponibilité des moyens de financement, stabilité monétaire et préservation du pouvoir d’achat représentent de grands défis pour le gouvernement. Concernant la pauvreté, l’indicateur de la Banque mondiale repose sur la pauvreté multidimensionnelle (ipm), variant de 0 à 100, «où 100, une approche non monétaire permettant de mesurer le niveau de privation en se concentrant sur trois grandes dimensions : la santé, l’éducation et les conditions de vie, le pourcentage de personnes vulnérables à la pauvreté multidimensionnelle. Le taux de pauvreté multidimensionnelle de l’Algérie, est de 1,4 % meilleur que celui de ses voisins régionaux, l’Egypte (5,2 %), l’Irak (8,6 %) et le Maroc (6,1 %). Ainsi, pour l’Algérie, il y a eu une nette baisse du taux de pauvreté entre 2013 et 2019, mais variant considérablement selon les régions de pays, et entre les zones rurales et urbaines

2.-Dans ce contexte, il est intéressant de comparer ces données avec le récent rapport du gouverneur de la Banque d’Algérie de décembre 2021 et les données de la loi de finances 2022 qui prévoient une croissance de 3,3% en 2022 contre 3,4% en 2021. Mais un taux de croissance se calcule par rapport à la période précédente : un taux élevé en T1 par rapport à un taux faible en T0 donne cumulé un taux faible, devant avoir au moins sur plusieurs années un taux de croissance de 7/8% pour absorber le flux additionnel de demande d’emplois entre 350 000/400 000/an qui s’ajoute au taux de chômage actuel, qui, selon le FMI, en 2021 serait de 14,1% et 14,7% en 2022 (plus de 30% pour la catégorie 20/30 ans) incluant les sureffectifs des administrations, entreprises publiques et l’emploi dans la sphère informelle qui contrôle selon le président de la république, entre 6000 et 10.000 milliards de dinars, montrant l’effritement du système d’information. La valeur totale des exportations des hydrocarbures est évaluée à 23,387 milliards à fin septembre 2021, ce qui donnerait avec la même tendance fin 2021, 31,1888 milliards de dollars Au total, les exportations de biens et services ont atteint 28,702 milliards de dollars au cours des neuf premiers mois de 2021, ce qui donnerait en tendance annuelle 38,280 milliards de dollars. Quant aux importations de biens, elles ont légèrement augmenté de 4,6 % entre septembre 2020 et septembre 2021, passant ainsi de 26,744 milliards de dollars à 27,973 milliards de dollars donnant en tendance annuelle 35,659 milliards de dollars, corroborant les données du premier ministre en date du 31/12/2021 où pour les 11 premiers mois de 2021 de l’ordre 33,8 milliards de dollars. Au total en incluant les services souvent oubliées, le total des importations de biens et de services est passé de 32,388 milliards de dollars à fin septembre 2020 à 32,988 milliards de dollars au cours de la période 2021, ce qui donnerait en tendance annuelle 43,992 milliards de dollars de sorties de devises pour fin 2021. Le déficit budgétaire prévu pour 2022 est d’environ 4.175 milliards de dinars au cours de 137 dinars un dollar, au moment de l’élaboration de la loi, soit 30,50 milliards de dollars, 8 milliards de dollars de plus qu’en 2021. Et malgré cela, pour éviter des remous sociaux, la loi de finances 2022 prévoit pour les subventions plus de 14 milliards de dollars au cours de 138 dinars un dollar, représentant 19,7% du budget de l’Etat, l’Algérie entre le budget de fonctionnement et d’équipement, selon le FMI fonctionnant à plus de 137 dollars en 202.

Les réserves de change, ont atteint 44,724 milliards de dollars à fin septembre 2021 et y compris les réserves d’or (173 tonnes), environ 11 milliards de dollars, sont de 55 milliards de dollars au 30/09/2021.

Les réserves de change, dans l’hypothèse du même scénario que les neuf premiers mois de 2021, diminuerait de 6,784 milliards de dollars par rapport à 2020 (48 milliards de dollars) donc fin 2021, nous aurons entre 41/42 milliards de dollars non compris l’or et environ 52/53 milliards de dollars y compris l’or. Le niveau d’inflation est le résultat de la restriction des importations, de la dévaluation du dinar, la faiblesse de l’offre et des émissions monétaires sans contreparties productives, la masse monétaire ayant enregistré une croissance de 12,79% durant les dix premiers mois de l’année en cours 2021. Selon la Banque d’Algérie en moyenne des onze premiers mois de l’année 2021, le dinar algérien s’est déprécié de 6,21 % contre le dollar américain par rapport à la même période de l’année précédente où les cours enregistrés étaient de 134,7387 USD/DZD en 2021 et de 126,3681 USD/DZD en 2020. Le PLF 2022 prévoit 149,3 DA pour un dollar 2022, 156,8 DA/dollar en 2023 et 164,6 DA/dollar en 2024, la cotation officielle avec un écart de plus de 50% sur le marché parallèle, (entre 213/215 dinars un euro cours achat/vente) du dinar étant le 23/12/2021 de 138,8054 dinars un dollar et 157,1277 dinars un euro. Malgré le dérapage du dinar pour ne pas dire dévaluation de 5 dinars vers les années 1970/1973 de 80 dollars entre 2000/2004 et actuellement entre 138/139 dinars un dollar, cela n’a pas permis de dynamiser les exportations hors hydrocarbures montrant que le bocage est d’ordre systémique avec la dominance du terrorisme bureaucratique qui bloque les énergies créatrices. Les exportations de biens hors hydrocarbures ont atteint 3,015 milliards soit en tendance fin 2021, environ 4 milliards de dollars. Cependant, le bilan officiel de Sonatrach 2020 donne 2 milliards de dollars des dérivés d’hydrocarbures avec une perspective de plus de 2,5 pour 2021 où selon les services des douane uniquement pour les engrais il y a eu augmentation de plus de 35% pour les 11 premiers mois, sans compter les autres dérivées d’hydrocarbures, et si l’on ajoute les semi-produits à très faible valeur ajoutée, le montant dépasse les 3 milliards de dollars restants aux produits à valeur ajoutée concurrentiels entre 1,5 et 1 milliard de dollars fin 2021. En réalité, avec les dérivés d‘hydrocarbures les recettes en devises pour 2021 représentent entre 97/98% où en ce mois de décembre 2021, Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. Du fait que plus de 85% des matières premières sont importées, le taux d’intégration faible, tant pour les entreprises publiques et privées, sans compter l’assistance technique étrangère, avec la dévaluation du dinar entre 2022 et 2024, l’inflation sera de longue durée. Comme conséquence de ce processus inflationniste, la détérioration du pouvoir d’achat, la détérioration l’extension des rentes spéculatives avec l’amplification de la sphère informelle contribuant à 50-60% au PIB en hors hydrocarbures, échappant à toute traçabilité, canalisant selon le président de la République entre 6.000 et 10.000 milliards de dinars, soit entre 44 et 73 milliards de dollars.

A cette tendance, l’on devra relever d’au moins deux à trois points le taux directeur des banques afin d’éviter leur faillite, freinant par ricochet l’investisseur productif dont la rentabilité est à moyen et long terme. Pour plus d’objectivité, pour le niveau des réserves de change, si on débloque seulement tous les projets bloqués, blocage dénoncé par le président de la République, sans compter les nouveaux projets, sinon le montant serait plus important, et en prenant en moyenne une sortie de devises pour des projets PMI/PME concurrentiels au niveau du marché mondial, le Premier ministère parle d’un montant d’environ 90 milliards de dollars dont une partie importante en devises avec seulement de 50/70 millions de dollars pour la partie devises, sans compter la partie dinars, et les projets hautement capitalistiques qui fluctuent entre les 2 à 5 milliards de dollars, les sorties de devises varierait entre 20 milliards et 28 milliards de dollars pour 2022. Il s’agit de miser sur des projets concurrentiels afin de ne pas renouveler les erreurs du passé, puisque selon les données du Premier ministère, des coûts d’assainissement durant les trente dernières années ont coûté au Trésor public environ 250 milliards de dollars et durant les 10 dernières années, selon les fluctuations du taux de change, les réévaluations environ 60/65 milliards de dollars. En conclusion, cette modeste contribution a pour seul but, par une lecture objective et scientifique, loin de toute passion, d’aplanir d’éviter de mauvaise interprétations et d’aplanir les divergences dans le cadre du respect mutuel pour le bien-être de l’Algérie car contrairement aux visions de sinistrose, l’Algérie n’est pas au bord de la faillite mais s’impose un sursaut national et une nouvelle gouvernance. Dans ce cadre, comme l’a souligné récemment le chef d’Etat major de l’ANP, pour la préservation de l’unité nationale, face aux tensions à la fois géostratégiques et budgétaires, les médias ont un rôle stratégique. Selon nos calculs reprenant les données du gouverneur de la Banque d’Algérie, le montant des réserves de change non compris l’or avoisinerait fin 2021, 41/42 milliards de dollars (55 milliards de dollars y compris l’or) et les importations de biens et services environ 42/43 milliards de dollars, données selon nos estimations, différentes de celles de la Banque mondiale. Mais du fait de l’ancienne culture, vouloir relancer l’économie à partir de lois, de codes, de commissions est un leurre, alors qu’il s’agit de lever les contraintes bureaucratiques qui paralysent l’épanouissement du savoir et les entreprises créatrices de richesses. Attention à la démarche purement monétaire de la restriction aveugle des importations pour préserver les réserves de change, sans vision stratégique de la relance économique, paralysant l’économie nationale ne peut que conduire à la déflagration sociale avec de graves incidences sécuritaires. L’Algérie, pays à fortes potentialités, acteur stratégique de la stabilité de la région méditerranéenne et africaine, l’année 2022 sera l’année de tous les défis : relance économique au sein d’une économie ouverte, en symbiose avec une profonde justice sociale ou régression sociale et diplomatique. C’est une question de sécurité nationale.

Professeur des universités, expert international

Dr Abderrahmane Mebtoul (ademmebtoul@gmail.com)