L’administration américaine de Joe Biden a décidé de «reconsidérer» la vente de drones et d’autres armes au Maroc en raison de la série interminable de scandales impliquant Rabat dont l’affaire du logiciel espion Pegasus, et des violations croissantes par l’occupant marocain des Droits de l’Homme au Sahara occidental, a révélé le journal espagnol «El Confidencial».
Évoquant des «tensions» dans les relations américano-marocaines, le journal a indiqué dans son édition de lundi que Washington prévoyait de vendre quatre drones MQ-9B Skyguardian et des munitions JDAM au Maroc, mais les récents scandales internationaux impliquant Rabat, ainsi que sa violation croissante des Droits de l’Homme au Sahara occidental occupé, poussent l’administration Biden à repenser la vente, qui pour l’instant a été bloquée dans les commissions clés du Congrès et du Sénat. Le drone MQ-9B Skyguardian, est un avion sans pilote, mis à jour avec des «matériels» et des «logiciels» de dernière génération, conçus pour résister à toutes sortes d’impacts dans les conditions météorologiques les plus défavorables. Il transporte et lance les munitions les plus meurtrières, telles que les bombes de précision JDAM, dont le système GPS leur confère une efficacité maximale, a tenu à préciser El Confidencial. Pour le média, Washington s’inquiète de plus en plus de Rabat, alors que le nouveau président Joe Biden s’est engagé, depuis son investiture, à ramener son pays aux principes du droit international et du soutien aux Droits de l’Homme. Le journal espagnol est ensuite revenu dans son article pour parler des répercussions de la décision de l’ancien président Donald Trump de reconnaître la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, en échange d’une normalisation des liens entre le régime marocain et l’entité sioniste, une décision qui a généré une sorte d’impunité envers le Maroc qui a conduit à une augmentation des violations de Droits de l’Homme dans les territoires sahraouis occupés. «La torture, les viols, les coups et les disparitions n’ont jamais cessé, mais maintenant, ils se sont intensifiés depuis que le Maroc a rompu un cessez-le-feu qui durait depuis 1991 en novembre 2020. Il n’y a pas de liberté de la presse ni de liberté de circulation au Sahara occidental, mais les violations finissent par être connues à Washington», avait déclaré récemment Suzanne Scholte, présidente de US Western Sahara Foundation, citée par El Confidencial. Revenant sur la vente des armes, le journal espagnol cite Patrick Leahy, démocrate et représentant du Vermont depuis 1975. L’homme politique est le père de la «loi Leahy» qui interdit au Département d’Etat et au Département américain de la Défense de fournir une assistance militaire aux armées étrangères qui violent les Droits de l’Homme. La loi Leahy génère un consensus total entre démocrates et républicains et depuis son approbation en 1997, elle a bloqué l’aide militaire à plusieurs pays, rappelle la même source. Le sénateur Leahy préside désormais la Commission des crédits, qui influence le transfert et la vente possibles d’équipements militaires. Sa position initiale pro-sahraouie, commence à être renforcée par les événements récents, a souligné également El Confidencial, ajoutant que «plusieurs dirigeants de commissions clés au Congrès et au Sénat utilisent leur autorité pour bloquer la vente, demandant à l’Exécutif de Biden plus d’informations sur les drones. La vérité est que le MQ-9B Skyguardian et les bombes JDAM surpassent de loin, en termes de létalité effective, les armes conventionnelles que les Etats-Unis vendent habituellement à Rabat. Son potentiel destructeur élevé exige le niveau de responsabilité que les Américains exigent de leurs alliés de l’OTAN, écrit le média. Sauf que le Maroc ne fait pas partie de l’Alliance atlantique et, par ailleurs, la reprise du conflit militaire avec le Front Polisario (depuis la violation du cessez-le-feu en novembre 2020 et l’agression marocaine à El Guerguerat) fait douter que l’occupant marocain utilise cet armement pour faire avancer ses objectifs militaires, a souligné le journal espagnol. Dans ce contexte, poursuit le média, le sous-secrétaire d’Etat aux Affaires politico-militaires doit contrôler si, selon des normes éthiques et juridiques, des drones et des bombes peuvent être vendus au royaume marocain. Probablement, il n’y aura pas de résolution avant 2022. Le débat de fond qui circule désormais dans les couloirs du Capitole pourrait se résumer à la dichotomie suivante : Vaut-il la peine de vendre les armes ? Le «oui» viendrait de son utilité dans la lutte contre le terrorisme, le «non» car ces drones et bombes pourraient être utilisés contre des civils sahraouis, a précisé la même source. Par ailleurs, le journal El Confidencial a évoqué dans son article la crise diplomatique-migratoire générée par Rabat à Ceuta, qui a eu de larges répercussions internationales. Cette crise a contribué à «détériorer l’image du Maroc» vis-à-vis de Washington, de l’avis de Jason Poblete, avocat expert en questions de sécurité nationale et président de la Global Liberty Alliance (GLA), une ONG basée à Alexandrie (Virginie), focalisée sur la défense des droits fondamentaux au niveau international. S’ajoutant à cela les récentes révélations sur l’utilisation par les services de renseignement marocains, du logiciel Pegasus pour espionner des personnalités internationales. «Ceuta, Pegasus et les droits humains des Sahraouis ont un fort impact sur la confiance de Washington. Cela aura des conséquences», avertit le président de la GLA, cité par El Confidencial.
Le gouvernement espagnol appelé à intervenir pour mettre un terme aux violences marocaines au Sahara occidental
Le représentant du Front Polisario en Espagne, Abdullah Arabi a appelé à une intervention urgente du gouvernement espagnol pour exiger du Maroc l’arrêt immédiat de ces violences au Sahara occidental occupé et de garantir la protection de la population sahraouie et le respect du droit international humanitaire. Dans un message adressé au nouveau directeur général pour le Maghreb, l’Afrique, la Méditerranée et le Moyen-Orient, Alberto José Ucelay Urech, le diplomate sahraoui a exprimé son inquiétude «face à la vague de répression brutale exercée contre la population civile sahraouie par les autorités marocaines dans les zones occupées du Sahara occidental». «Le régime marocain profite de la situation de guerre au Sahara occidental et de la fermeture des frontières en raison de la pandémie de Covid-19 pour s’en prendre aux civils sahraouis dans les zones occupées du Sahara occidental, la dernière colonie en Afrique en attente de décolonisation et dont la puissance administrante reste l’Espagne», déplore Abdullah Arabi. Dans ce contexte, le diplomate sahraoui a souligné que «l’Espagne doit s’engager fermement à mettre fin aux souffrances longues et inhumaines du peuple sahraoui et ainsi répondre aux exigences de la société espagnole profondément engagée dans la lutte du peuple sahraoui». L’appel du responsable sahraoui intervient à un moment où le régime marocain ne cesse d’intensifier sa campagne de répression contre les militants sahraouis, les journalistes et les prisonniers politiques au Sahara occidental occupé. Des organisations internationales comme Amnesty International, Human Right Watch et Frontline Defenders avaient exhorté la communauté internationale à intervenir au Sahara occidental et à élargir le mandat de la Mission des Nations unies pour le référendum au Sahara occidental (Minurso) afin qu’elle puisse veiller en Droits de l’Homme dans le territoire en voie de décolonisation. Le représentant du Front Polisario a indiqué au responsable du ministère espagnol des Affaires étrangères que «l’existence en Afrique du Nord d’un Etat sahraoui libre et indépendant, la RASD, serait un gage de stabilité et de coopération économique, agissant comme un rempart contre les phénomènes qui frappent actuellement tant l’Espagne que le reste de l’Europe, en raison de l’absence d’une politique concrète et efficace de bon voisinage et de réciprocité mutuelle».