Syrie : Sommet inédit à Istanbul avec la Turquie, la Russie, la France et l’Allemagne

0
984

Les dirigeants de la Turquie, la Russie, la France et l’Allemagne se sont réunis, ce samedi, à Istanbul, pour un sommet inédit sur la Syrie visant à préserver la trêve fragile à Idleb et avancer vers une transition politique.

Ce sommet entre les présidents turc Recep Tayyip Erdogan, russe Vladimir Poutine, français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel réunira pour la première fois, à partir de 12h00 GMT, selon les présidences turque et française, des acteurs aux initiatives concurrentes. Cette rencontre survient au lendemain de frappes du régime syrien qui ont tué sept civils dans la province rebelle d’Idleb (nord-ouest), le bilan le plus élevé depuis l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu négocié le mois dernier par Ankara et Moscou. Sans attendre le sommet,  Macron et Poutine ont évoqué la situation à Idleb dans un entretien téléphonique, hier matin. Le président français «a rappelé ses objectifs de prolonger le cessez-le-feu à Idleb, de prohiber les armes chimiques, d’assurer l’accès de l’aide humanitaire et de trouver un calendrier de temps pour le processus politique», selon l’Elysée. L’accord entre Moscou, allié du régime, et Ankara, parrain des rebelles, prévoyait, notamment la mise en place d’une «zone démilitarisée» de 15 à 20 km de large pour séparer les territoires insurgés d’Idleb des régions gouvernementales. Erdogan et Poutine avaient conclu cette entente in extremis, alors qu’une offensive de grande ampleur du régime sur cet ultime grand bastion de l’opposition semblait imminente. Lors du sommet, les quatre dirigeants vont également «étudier quelles formules nouvelles peuvent être trouvées afin d’apporter une solution politique» à ce conflit complexe qui a fait plus de 360 000 morts depuis 2011, selon le porte-parole de  Erdogan, Ibrahim Kalin. Sur ce point, la formation sous les auspices de l’ONU d’un Comité constitutionnel censé élaborer une nouvelle loi fondamentale s’annonce comme l’un des principaux défis en raison du blocage du régime. L’émissaire des Nations unies pour la Syrie Staffan de Mistura, qui a déploré, ce vendredi, la paralysie de son plan, sera lui aussi présent au sommet d’Istanbul.

Attentes modestes

Si aucune annonce majeure ne devrait intervenir à l’issue du sommet – l’Elysée dit avoir des «attentes modestes» et le Kremlin appelle à être «réaliste», cette réunion au format inédit donnera l’occasion aux quatre dirigeants de chercher des terrains d’entente. La Turquie et la Russie forment avec l’Iran un trio incontournable sur le terrain où ils ont permis un relatif silence des armes à la faveur du processus dit d’Astana. La France et l’Allemagne font elles partie du «small group» sur la Syrie qui compte cinq autres pays, dont les Etats-Unis. «Il y a des approches différentes. Mais, en gros, tout le monde souhaite naturellement aboutir à un règlement politique en Syrie», a souligné, ce vendredi, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, appelant à «harmoniser les positions». Les quatre pays parleront aussi de la reconstruction de la Syrie  – un thème cher à Moscou -, mais la ministre allemande de la Défense Ursula von der Leyen a prévenu, hier, que celle-ci ne pourrait pas se faire «au profit de la dictature d’Assad». Deux acteurs importants du conflit en Syrie, l’Iran et les Etats-Unis, qui sont à couteaux tirés, ont été absents, hier. Macron s’est toutefois entretenu, jeudi, avec le président américain Donald Trump pour accorder leurs positions.

 Rapport de force

Face à l’influence que Moscou assoit grâce à ses victoires militaires au bénéfice du régime, le ministre américain de la Défense Jim Mattis a affirmé, hier, que la Russie ne pourrait «pas remplacer les Etats-Unis» au Proche-Orient. Jusqu’à présent, les initiatives du groupe Russie-Turquie-Iran, trois pays aux intérêts propres qui ont investi d’importantes ressources militaires en Syrie, ont largement éclipsé les efforts des Occidentaux et des Nations unies sur la transition politique. Hier, Ankara aurait pu néanmoins tenter de profiter de la présence des deux poids lourds européens autour de la table. En s’associant avec la France et l’Allemagne qui partagent ses positions vis-à-vis du régime syrien, «Erdogan renforce son «poids» dans les négociations avec Poutine et modifie le rapport de force en sa faveur», souligne Jana Jabbour, spécialiste de la Turquie. Ce sommet intervient par ailleurs au moment où la région est secouée par le meurtre du journaliste critique saoudien Jamal Khashoggi dans le consulat de son pays à Istanbul. Erdogan abordera cette affaire avec ses invités lors d’entretiens bilatéraux en marge du sommet.