Il y a 57 ans, des Algériens ont été massacrés le 17 octobre 1961 à Paris par la police française au cours d’une manifestation pacifique pour l’indépendance de l’Algérie en pleine guerre de libération.
Ce jour-là, les Algériens de Paris et sa banlieue, hommes, femmes et enfants, avaient décidé de braver le couvre-feu appliqué uniquement aux personnes au faciès maghrébins. Préparée par la Fédération du Front de libération nationale (FLN) de France, la manifestation pacifique a connu une répression des plus sanglantes en plein cœur de Paris au moment où des négociations entre le Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA) et le gouvernement français se déroulaient en Suisse. Des milliers d’Algériens, rappelle-t-on, ont été tués et blessés, et dont un nombre important a été jeté à la Seine par la police française. La commémoration de ce massacre, en pleine capitale des droits de l’homme, se déroule cette année dans un contexte particulier dans le sens où cela intervient à quelques semaines de la reconnaissance officielle, 61 ans après, sur la responsabilité de l’armée française au sujet de la disparition et de l’assassinat de Maurice Audin, mathématicien qui militait pour l’indépendance algérienne. Pour les crimes du 17 octobre 1961, la seule réaction officielle des gouvernements français qui se sont succédé était celle du président François Hollande, en 2012, qui a reconnu « avec lucidité », au nom de la République, la « sanglante répression » au cours de laquelle ont été tués « des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ».
Appels continus pour la reconnaissance de ce crime
En 2017, une lettre adressée au président Emmanuel Macron a été déposée à l’Elysée dans laquelle des personnalités, historiens et membres du mouvement associatif lui ont demandé d’aller dans le sens de sa déclaration d’Alger qualifiant la colonisation de « crimes contre l’humanité ». Ils lui ont demandé à cet effet de reconnaître officiellement la responsabilité de l’Etat français dans le massacre d’Algériens à Paris. Leur requête est restée lettre morte et aucune réponse ne leur a été fournie à ce jours. Dans une pétition lancée samedi dernier, plusieurs associations françaises, syndicats et partis politiques ont réitéré cette demande, souhaitant « une parole claire » des autorités françaises sur ce drame. « Que le président de la République, au nom de la France, confirme, par un geste symbolique, la reconnaissance et la condamnation de ce crime d’Etat. Comme il vient de le faire pour l’assassinat de Maurice Audin par l’armée française et pour l’existence d’un système de torture généralisé », ont-ils écrit, soulignant que « ce n’est qu’à ce prix que pourra disparaître la séquelle la plus grave de la guerre d’Algérie, à savoir le racisme, l’islamophobie dont sont victimes aujourd’hui nombre de citoyennes et citoyens, ressortissants d’origine maghrébine ou des anciennes colonies, y compris sous la forme de violences policières récurrentes, parfois meurtrières ». Des historiens français, des militants d’associations, des droits de l’homme et des partis politiques maintiennent la pression sur les autorités française pour aboutir à cette reconnaissance. Dans une récente interview , l’historien Alain Ruscio a exprimé, au sujet du massacre du 17 octobre 1961, son scepticisme quant à « d’autres avancées », soulignant qu’il faut qu’il y ait « une continuité dans la pression ».
Plusieurs manifestations et rassemblements à Paris et sa banlieue
En ce qui concerne, plusieurs manifestations, rencontres et rassemblements sont prévus aujourd’hui et demain à Paris (Pont Saint-Michel) et sa banlieue. Le « Collectif 17 Octobre 1961 » organise mercredi de nombreux rassemblements intitulés « Les ponts de la mémoire » dans plusieurs villes d’Ile-de-France et de projections de films et de débats à Colombes, Argenteuil et Nanterre. Le cinéaste Daniel Kupferstein proposera, dans ce cadre, trois de ses films intitulés « 17 octobre 1961. Dissimulation d’un massacre », « Les balles du 14 juillet 1953 » et « Mourir à Charonne pourquoi ? ». Pour sa part, le Centre culturel algérien de Paris organise mercredi une rencontre-débat avec l’ancien combattant et écrivain Djoudi Attoumi et l’historien et universitaire Kacim Zidine. Le département de la Seine-Saint-Denis va inaugurer dans la même journée une fresque « 17 ensemble » réalisée par le street artiste Joachim Romain, le long du canal Saint-Denis à Aubervilliers. D’autre part, des commémorations du massacre auront lieu également dans plusieurs villes, comme au Pont de Bezons (Colombes), à Bezons, au Pont d’Argenteuil, au Pont de Clichy (Asnières) et à Clichy la Garenne, Place du 17 octobre à Gennevilliers et Place des droits de l’homme à Nanterre.
A.Saaid