M’sila: Le « Mahres » traditionnel garde jalousement son estampille « Made in Hodna »

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L’activité artisanale consistant à fabriquer le « Mahres » (mortier en bois massif), outil essentiel servant à la préparation de « Slatat el marhres » ou « Z’viti », un mets épicé sentant bon la galette, le piment, la tomate fraiche et la coriandre, auquel on ajoute un soupçon d’ail, reste, à n’en pas douter, l’apanage de la région du Hodna.

Le savoir-faire des artisans spécialisés dans la fabrication du « Mahres », un outil toujours accompagné de son pilon (taillé également dans le bois), s’est de tous temps transmis de génération en génération. L’apparition, au fil des années, de matériaux modernes, souvent électriques (donc plus rapides et moins éprouvants), n’a jamais eu raison du « Mahres » traditionnel, ni de la façon, transmise de père en fils, de le tailler, de le façonner et de le creuser. De forme conique, d’une hauteur moyenne de 60 à 80 cm (cela dépend du nombre de personnes à table) évasé sur le haut et légèrement aplati à sa base, il est ensuite évidé pour recevoir les ingrédients du « Z’viti » dont on se délecte avec des cuillères de bois. Ses parois sont épaisses à dessein pour garder la nourriture au chaud et lui faire conserver ses arômes. C’est aussi l’un des rares ustensiles servant autant à la préparation du mets qu’à sa dégustation. La fabrication du Mahres est encore très répandue dans le Hodna. De nombreux ateliers voués à cette activité sont encore ouverts à M’sila, à Bou Saâda et dans plusieurs autres localités de la région. L’artisan Omar Foudili, un orfèvre en la matière élisant domicile à Bou Saâda, parle du Mahres avec la même passion qu’il met à le fabriquer : « Vous savez, fabriquer un Mahres demande une semaine entière, il faut bien choisir le tronc d’arbre, sa taille, s’assurer qu’il provient d’une essence noble, chêne, pin, eucalyptus ou amandier, avant d’entamer sa mise en forme qui débute par l’enlèvement des appendices et des rameaux pour obtenir un fût de taille respectable, prêt à être creusé ». Omar poursuit : « débarrassé de son écorce et de ses petites bavures, le tronc est ensuite installé dans un endroit spécial où sont entamés le façonnage du Mahres et le creusage de la cavité où seront broyés les composants du plat, en veillant à ce que le diamètre de la partie supérieure du +produit fini+ soit de 20 à 25 cm ». L’artisan enchaîne : « la fabrication du Mahres se fait manuellement, de la manière que m’a enseignée mon p ère, en utilisant des outils simples, marteau, petite pioche, scie, ciseau et gouge à bois et, surtout, précision, dextérité et savoir-faire car le bois, pour éviter qu’il ne se fissure, doit être travaillé avec un grand soin ». Arrivent alors, ajoute Omar, « les finitions, à savoir brûlage, ponçage et teinte, cette dernière étant définie selon le désidérata du client ». De son côté, Ayache Dakhouche, un artisan basé au lieu-dit Khebab, dans la commune de Souamaâ, souligne que le prix d’un Mahres varie en fonction de sa taille et du type de bois utilisé. Cela va de 2.000 jusqu’à 12.000 DA lorsqu’il s’agit de chêne (appelée localement El kerrouche), un bois réputé pour sa résistance et sa durabilité. Mabrouk Douffi, président de l’Association de Bou Saâda pour le développement de l’artisanat, affirme que la fabrication des Mahres « a toujours gardé sa place dans la société, à Bou Saâda, les artisans s’appliquant à transmettre cet héritage aux générations à venir et à le promouvoir lors de différents salons et autres expositions dédiées à ce savoir-faire ancestral ».

Une forte demande pour l’acquisition d’un Mahres

Amar Touama, commerçant, patron d’une boutique située au marché des activités artisanales de Bou Saâda, affirme que le Mahres n’est plus demandé par les habitants de la région, uniquement, mais aussi, et de plus en plus, par des visiteurs de la ville et des touristes de passage. Selon ce commerçant, l’enjeu pour les marchands et les artisans consiste à maintenir cet intérêt pour cet outil traditionnel, même si la marge bénéficiaire, compte tenu du prix du bois noble, « n’est pas du tout en rapport avec l’effort des artisans et leur application à fabriquer un Mahres de qualité irréprochable ». Ahmed, un visiteur d’Alger, rencontré au cours d’une virée au marché de l’artisanat, affirme se trouver à Bou Saâda pour « la découverte de la région mais aussi pour l’achat d’un Mahres ». Il assure qu’étant originaire de Bou Saâda, il « ne peut imaginer son appartement, dans la capitale, sans la présence, bien en évidence dans le salon, d’un Mahres de bonne taille » car, ajoute-t-il encore, « il s’agit, chez un Bou Saâdi, d’un des ustensiles de base dans chaque demeure, surtout pendant l’hiver ». Le directeur du Tourisme et de l’Artisanat de la wilaya de M’sila, Riad Kacimi, rappelle, dans une déclaration à l’APS, que le Mahres « représente une partie importante du patrimoine culturel et historique dans le Hodna, en raison de son appartenance aux anciennes coutumes de la société M’silie ». Il s’agit aujourd’hui, souligne M. Kacimi, de « préserver cet artisanat en organisant d es formations d’artisans spécialisés dans ce domaine, et en initiant des expositions et autres événements promotionnels dédiés aux produits traditionnels, en particulier les ustensiles en bois » qui, selon lui, « pâtissent d’une promotion commerciale insuffisante ». Pour sa part, le responsable de l’information à la Conservation des forêts, Ali Benzahia, rencontré à Bou Saâda, souligne « qu’il s’agit également de préserver l’environnement et le couvert forestier, dès lors que la fabrication du Mahres peut nuire, d’une manière ou d’une autre, à la richesse forestière si les grumes sont coupées de manière aléatoire ». C’est pourquoi, indique-t-il, les services forestiers, tout en reconnaissant aux artisans le droit de disposer du bois nécessaire à leur activité, ont pour mission de garantir le respect des dispositions de la loi relative aux forêts et aux richesses forestières, visant à leur préservation, leur valorisation et leur exploitation rationnelle dans le cadre d’une vision globale et durable ». De ce fait, explique le même responsable, des « autorisations spéciales sont accordées pour exploiter le bois, en tenant compte de la nécessité d’assurer la durabilité de la forêt en relation avec son rôle économique ». Une association des producteurs de bois a été créée dans chaque wilaya en vue d’un e approche participative de la gestion forestière, précise encore M. Benzahia, rappelant que les autorisations sont obtenues par le biais de ventes aux enchères de bois pour les artisans, les commerçants et les menuisiers.