Artisanat: Des héritières de métiers d’antan plaident pour la préservation de la broderie d’Alger

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Des maîtres-artisanes d’Alger transmettent depuis des décennies la broderie traditionnelle algéroise et luttent pour préserver ce patrimoine menacé par le piratage et la montée de la broderie électronique. Installée face à son vieux « Gar’gaf », métier à broder en bois, sur lequel est fixé un joli ouvrage inachevé, Khalida Tahraoui brode minutieusement de jolies fleurs avec des points peu communs, révélant la finesse de son travail. « C’est la broderie algéroise », explique-t-elle, précisant qu’elle reproduit un motif datant du 17e siècle qu’elle a vu depuis quelques temps au musée de Khedaoudj El Amia (dans la basse Casbah d’Alger). « J’utilise les mêmes couleurs de l’époque notamment le rouge et le bleu foncé. Je veux que la pièce soit identique à l’originale », a-t-elle dit. Bien que méconnu par la nouvelle génération à l’échelle nationale, Mme Tahraoui affirme que cet art propre à la région est très répondu à l’international « sous son appellation d’origine ». « Il suffit de jeter un coup d’œil sur Pinterest pour découvrir des articles de la broderie d’Alger », a-t-elle fièrement arg ué, en mentionnant une pièce conservée au musée Harvard. Mme Tahraoui évoque également d’anciens livres et de chaînes YouTube enseignant la broderie dont celle d’Alger, qu’elle avait elle-même apprise à l’Ecole d’art industriel et décoratif de Belouizdad dans les années 1990. « Lorsque j’ai intégré l’école à l’âge de 16 ans, je me suis initiée d’abord aux techniques de bases de la broderie avant de passer aux broderies plus spécifiques comme la peinture à l’aiguille, le Richelieu, le point de croix puis la broderie d’Alger », a-t-elle raconté. A présent enseignante dans l’Ecole où elle a elle-même étudié, désormais transformée en centre d’apprentissage et de couture, cette cinquantenaire passionnée s’efforce d’éveiller l’intérêt des femmes et des jeunes filles pour cet art, en mobilisant son cercle d’amies, tout en espérant accroître le nombre d’élèves inscrites. Son amie et ancienne collègue, Naima Boukabrine, partage la même passion. Retraité depuis 7 ans, cette ancienne élève puis enseignante de broderie et de coupe, conserve encore son vieux cahier de broderie daté de 1973 à 1977, où chaque point est illustré par un motif. Un chapitre tout entier est spécifiquement dédié à la broderie d’Alger. « L’enseignante qui nous a transmis cet art nous a confié qu’elle l’avait elle-même appr is avec une vielle algéroise lorsqu’elle travaillait comme monitrice de broderie dans un orphelinat pour jeunes filles à Bouzaréah, dans les années cinquante », raconte Mme Boukabrine. Parmi les principaux points de la broderie d’Alger, elle énumère le Zelileudj, qui s’accompagne souvent avec le point quadrillé (lamrabâa), le M’enzel, le Métrah (matlassé) ainsi que la Maâlka (qu’on appelle aussi Taâdjer). Naïma cite également le point de trait, le natté, le point de plume, appelés points secondaires qui accompagnent généralement les points principaux. « Actuellement, nous sommes une poignée de brodeuses qui pratiquent cet art que nous voulons protéger en le transmettant aux nouvelles générations », a affirmé Mme Boukabrine, espérant davantage de soutien financier public pour l’enseignement de la broderie d’Alger. Outre l’urgence de trouver des solutions pour préserver ce patrimoine local « en déclin », ces maîtres-artisanes alertent sur le piratage de ces techniques par un pays voisin. « Des motifs et des points autrefois exclusifs à l’Algérie sont copiés et appropriés par un pays voisin puis présentés par leurs médias comme étant les leurs », s’indigne Mme Tahraoui en espérant voir un jour la broderie d’Alger et bien d’autres arts de l’Algérie profonde, inscrits au patrimoine de l’Unesco.

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