Tayeb Belaïz, qui a démissionné, ce mardi, de la présidence du Conseil constitutionnel, avait été désigné à ce poste le 10 février dernier en remplacement du défunt Mourad Medelci. Il avait prêté serment le 21 février 2019 conformément aux dispositions de l’article 183 de la Constitution.
Bélaïz a occupé ce poste auparavant avant d’être nommé ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales (2013-2015). Né le 21 août 1948 à Maghnia (Tlemcen), Bélaïz a passé le plus gros de sa carrière professionnelle dans le secteur de la Justice, en occupant d’abord le poste de magistrat, puis président des cours de Saïda, de Sidi Bel-Abbès et d’Oran, ainsi que celui du premier président à la Cour suprême. En 2002, Bélaïz est nommé ministre de l’Emploi et de la Solidarité nationale, et en 2003, ministre de la Justice. Avant sa nomination à la tête du Conseil constitutionnel, il a occupé le poste de ministre d’Etat, conseiller spécial du président de la République. Après la démission de Belaïz, le Conseil constitutionnel doit se réunir sous la présidence du vice-président du Conseil pour acter cette démission conformément aux dispositions de l’article 81 du règlement intérieur de cette institution. Cet article stipule qu’«en cas de décès ou de démission du président du Conseil constitutionnel, le Conseil se réunit sous la présidence du vice-président et en prend acte». L’article énonce également que «le président de la République en est immédiatement informé». Le Conseil constitutionnel est une institution indépendante chargée de veiller au respect de la Constitution. L’article 182 de la nouvelle Constitution, adoptée en février 2016, précise les principales missions du Conseil qui «veille, en outre, à la régularité des opérations de référendum, d’élection du président de la République et d’élections législatives». Ce Conseil, doté de l’autonomie administrative et financière, est composé de 12 membres. Quatre de ses membres sont désignés par le président de la République dont le président et le vice-président du Conseil, deux élus par l’Assemblée populaire nationale, deux élus par le Conseil de la nation, deux élus par la Cour suprême et deux élus par le Conseil d’Etat. Le président et le vice-président du Conseil constitutionnel sont désignés pour un mandat unique de 8 ans. Les autres membres du Conseil constitutionnel remplissent un mandat unique de 8 ans et sont renouvelés par moitié tous les 4 ans. Aussitôt élus ou désignés, les membres du Conseil doivent cesser tout autre mandat, fonction, charge, mission ainsi que toute autre activité ou profession libérale, conformément aux dispositions de l’article 183 de la Constitution qui définit, dans son article 184, les critères d’éligibilité pour siéger au Conseil constitutionnel. Cet article précise, à ce propos, que les membres du Conseil constitutionnel élus ou désignés doivent être âgés de 40 ans, jouir d’une expérience professionnelle de 15 ans au moins dans l’enseignement supérieur dans les sciences juridiques, dans la magistrature, dans la profession d’avocat près la Cour suprême ou près le Conseil d’Etat, ou dans une haute fonction de l’Etat.
La Constitution de 2016 élargit le champ de saisine du Conseil constitutionnel
La Constitution adoptée en 2016 a introduit, d’ailleurs, «l’immunité juridictionnelle en matière pénale» pour le président, le vice-président et les membres du Conseil constitutionnel qui, durant leur mandat, «ne peuvent faire l’objet de poursuites, d’arrestations pour crime ou délit, que sur renonciation expresse de l’intéressé à son immunité ou sur autorisation du Conseil constitutionnel». Outre les autres attributions qui lui sont expressément conférées par d’autres dispositions de la Constitution, le Conseil constitutionnel se prononce par un avis sur la constitutionnalité des traités, des lois et des règlements. L’article 185 de la Constitution stipule que «le Conseil constitutionnel, saisi par le président de la République, émet un avis obligatoire sur la constitutionnalité des lois organiques après leur adoption par le Parlement». Le Conseil est saisi par le président de la République, le président du Conseil de la nation, le président de l’Assemblée populaire nationale ou le Premier ministre. Il peut être saisi également par 50 députés ou 30 membres du Conseil de la nation.La Constitution 2016 a élargi, par ailleurs, le champ de saisine du Conseil constitutionnel.L’article 188 prévoit, à ce titre, la saisie du Conseil constitutionnel d’une exception d’inconstitutionnalité sur renvoi de la Cour suprême ou du Conseil d’Etat, lorsque l’une des parties au procès soutient devant une juridiction que la disposition législative dont dépend l’issue du litige porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution.
Qui va le remplacer ?
La démission fortement attendue par le peuple, hier, du président du Conseil constitutionnel, Tayeb Belaïz, ouvre la voie à un dénouement juridique et pacifique de la grave crise politique dans laquelle le pays s’est retrouvé dans le sillage du départ de l’ex-Président Bouteflika. La démission de Tayeb Belaïz permet en effet aux décideurs de sortir le pays de l’imbroglio juridique sans pour autant porter atteinte aux dispositions de la Constitution. Deux choix s’offrent à l’Algérie pour le remplacement de Tayeb Belaïz. L’article 184 de la Constitution qui énonce les conditions et critères d’éligibilité des membres du Conseil constitutionnel stipule que le concerné (le membre y compris le président) doit ainsi jouir d’une «expérience professionnelle de 15 ans au moins dans l’enseignement supérieur dans les sciences juridiques, dans la magistrature, dans la profession d’avocat près la Cour suprême ou près du Conseil d’Etat, ou d’une haute fonction de l’Etat». En clair, cet article offre un large spectre pour le choix du remplaçant de Tayeb Belaïz qui pourrait être puisé dans le corps des avocats, des magistrats, mais également des cadres de l’Etat (ancien chefs du gouvernement, anciens ministres, diplomates, officiers de l’armée…) qui cumulent quinze années d’expérience. soit pour un homme de droit connu et reconnu pour ses «états de services» en faveur de la démocratie et les Droits de l’Homme, ou alors pour un ancien responsable (cadre de l’Etat) qui soit connu pour sa probité mais surtout qui est plus consensuel d’un point de vue politique. Il faut savoir en effet, que le remplaçant de Tayeb Belaïz à toutes les chances de remplacer très bientôt Abdelkader Bensalah dans la fonction de chef de l’Etat pour mener la transition démocratique. En l’occurrence, c’est d’un homme d’Etat dont le pays a besoin à la tête du Conseil constitutionnel pour être nommé après, sans doute la démission attendue de Bensalah, à la tête de l’Etat. C’est-à-dire à ce que le choix de la personne est loin d’être une sinécure pour les nouveaux décideurs en ce sens que «l’heureux élu» est censé avoir les faveurs du peuple sans lequel ces changements n’auraient jamais lieu avec son immense mobilisation qui dure depuis neuf semaines. On retrouve dans le panel des «présidentiables» pour le Conseil constitutionnel et partant la présidence de l’Etat, de nombreuses personnalités et cadres de la nation qui peuvent faire consensus et rassurer le peuple quant à l’irréversibilité de la transition démocratique de l’Algérie. De Mouloud Hamrouche à Mostefa Bouchachi en passant par Ahmed Benbitour, Liamine Zeroual, Taleb Ibrahimi, les décideurs disposent de plusieurs variantes pour confirmer leur bonne volonté. Mais il se pourrait aussi que l’on aille vers l’option d’une présidence collégiale (3 ou 5 membres d’une haute instance présidentielle) qui offre l’avantage de brasser le plus large possible en choisissant des profils variés entre des compétences dans le droit et les sciences juridiques et des hommes ou femmes politiques qui soient plus acceptables au sein de l’opinion. Le président du Conseil constitutionnel serait désigné à la tête de cette instance pour respecter l’esprit et la lettre de la Constitution. Quoi qu’il en soit, après que le verrou Belaïz ait sauté, l’Algérie semble cheminer vers la concrétisation de l’espérance démocratique portée par un formidable sursaut citoyen.
T.M. /Ag.
Kamel Feniche désigné président du Conseil constitutionnel
Kamel Feniche a été désigné, ce mardi, président du Conseil constitutionnel en remplacement de Tayeb Belaïz, qui a présenté sa démission, le même jour, au chef de l’Etat, Abdelkader Bensalah, indique un communiqué de la Présidence de la République. «Tayeb Belaïz, président du Conseil constitutionnel, a présenté sa démission, ce jour, mardi 16 avril 2019, à Abdelkader Bensalah, Chef de l’Etat», précise le communiqué. «le Chef de l’Etat a accepté la démission de Tayeb Belaïz et désigné Kamel Feniche à la fonction de président du Conseil constitutionnel», ajoute la même source.