Financement du terrorisme: Le Parlement européen inscrit la Tunisie sur la liste noire

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Youssef Chahed, chef du gouvernement de la Tunisie depuis le 27 août 2016.

La décision officielle a été prise le mercredi 7 février à Strasbourg. Les parlementaires européens ont suivi les recommandations du GAFI (Groupe d’action financière), un organisme international de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Suivant la directive européenne en matière de blanchiment d’argent de 2015, la Commission européenne établit une liste annuelle des pays (non-membres de l’UE) à risques.

Le Parlement européen se charge ensuite de la valider. Il avait lancé l’alerte en novembre 2017. La Tunisie a été donc classée comme pays à haut risque et non-coopératif. Sur cette liste, figurent également d’autres pays comme l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie ou le Yémen. En substance, le GAFI reproche le manque de transparence qui touche les finances publiques tunisiennes. L’économie du pays étant, selon cet organisme informel à 50%, et près d’un quart des marchés publics sont jugés hors la loi. C’est un coup dur pour le pays, alors que Tunis veut lancer un emprunt auprès des investisseurs étrangers pour boucler son budget. Pour l’Europe, cette décision est justifiée par le manque de transparence des finances publiques du pays. Depuis le 5 juillet 2016, l’UE tente de lutter contre l’utilisation des systèmes financiers locaux à des fins criminelles ou terroristes. Du côté tunisien cette décision a été qualifiée de «dure et injuste», «l’ampleur des répercussions politiques et économiques est encore difficile à prévoir» a déclaré Khemaies Jhinaoui, le ministre des Affaires étrangères tunisien. Selon un article du Marsad, un observatoire du secteur de la sécurité en Tunisie, «le Gafi a évalué en 2015 la situation du pays. A cette époque, des milliers de djihadistes tunisiens présents dans les zones de conflits, leur embrigadement via des associations caritatives, des flux d’argent douteux et le conflit libyen avaient, depuis la chute du régime de Ben Ali, jeté des suspicions sur la Tunisie». Selon cet article, le système financier local ne remplissait alors que 11 des 40 critères établis par le Gafi. La Tunisie a continué à collaborer avec le Gafi, et, selon ce dernier, le pays remplit désormais 27 critères sur les 40. Le problème, poursuit l’article, est que l’Union européenne n’a pas pris en compte cette évolution de catégorie et des critères préalables remplis lors de ce second audit. L’UE se serait donc basée sur la première évaluation, et donc des données anciennes. La Commission européenne n’ayant pas d’organisme de contrôle propre pour effectuer ces contrôles, s’en remet aux recommandations du Gafi. En novembre dernier, la Tunisie avait déjà connu, en raison de son régime offshore, les affres d’une autre liste noire européenne, celle des paradis fiscaux aux côtés du Panama. Après deux mois d’un intense lobbying, français, notamment, le pays est sorti fin janvier, de cette liste des paradis fiscaux. Elle en intègre une autre, quelques jours plus tard. Après cette décision, le chef du gouvernement tunisien, Youssef Chahed, a demandé la révocation du directeur de la Banque centrale du pays. La vulnérabilité du système financier tunisien permet finalement l’introduction de quantités nouvelles, personnes morales et personnes physiques, pour créer de faux comptes. Autre répercussion immé- diate à craindre, concernant le prêt de la Banque mondiale à la Tunisie. La 3e partie de ce prêt, 300 millions d’euros environ, devait tomber très prochainement et la Banque mondiale aurait d’ores et déjà retardé le versement au mois de juin prochain. L’inquiétude de la répercussion d’une telle décision sur l’image de la Tunisie, au niveau politique et sécuritaire, en plus de l’économie, est générale. Face à cette situation, le gouvernement fait des promesses et s’engage à sortir de la liste noire à fin avril 2018.