Ayant vécu de l’intérieur de 1974 à 2015, tant au niveau des structures du ministère de l’Industrie/Energie, qu’ au sein de l’importante société internationale Sonatrach avec ses différentes filiales, je tiens à rendre un vibrant hommage à tous les cadres, techniciens, ouvriers et personnel de l’administration pour avoir permis à cette société, d’être une firme d’envergure internationale.
Contrairement à certaines discours démagogiques, en attendant la dynamisation des sections hors rente fonction de profondes réformes structurelles, en cette date du 31/01/2023, deux institutions assurent la stabilité du pays, l’ANP et les forces de sécurité sur le plan de la protection du territoire et sur le plan économique, Sonatrach, c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach.
Elle procure avec les dérivées inclus dans la rubrique hors hydrocarbures, pour plus de 60% en 2022, environ 98% des recettes totales en devises du pays, étant donc une question de sécurité nationale. Malgré certains scandales relayés par la presse nationale, il faut souligner que la majorité des cadres sont honnêtes et vivent de leur travail ce qui explique que cette société qui fait la fierte de «l’Algérie est encore debout.» Il appartient aux actuels dirigeants de faire appel aux compétences en retraites qui ont acquis une longue expérience technologique et managériale, à travers des contrats de performance, afin de réduire le coût des services de la société, et mettre fin aux nombreux exilés renvoyant à l’inquiétude exode de cerveaux qui constitue une véritable hémorragie pour le pays. Afin de s’adapter aux nouvelles mutations énergétiques Sonatrach propriété de l’Etat, a besoin d’un nouveau management stratégique, basé sur la libération des énergies créatrices, la définition d’une entreprise étant de prendre des décisions en temps réel, en ce monde en perpétuel mouvement, avec une concurrence internationale acerbe. Cette présente contribution doit beaucoup à mon ami feu Nazim Zouiouèche, ancien PDG de Sontrach qui m’ assisté ainsi que de nombreux cadres dirigeants de Sonatrach lors d’une étude sous ma direction «sur l’amélioration de l’efficacité» de la gestion de Sonatrach.
1 – Sonatrach combine à la fois l’organisation hiérarchique et l’organisation divisionnelle, ce qui ne lui acquiert pas la souplesse de ses concurrents au niveau international, sans compter la rigidité du système bancaire. Rendre plus efficiente Sonatrach suppose plusieurs actions stratégiques : la replacer dans le contexte international et national ; un système d’organisation au temps réel se fondant sur des réseaux et non plus sur l’actuelle organisation marquée essentiellement sur une vision hiérarchique, des centres de coûts transparents incluant la gestion du partenariat ; une gestion rationnelle des ressources humaines et élément essentiel du management stratégique, impliquer les cadres et être à l’écoute du collectif des travailleurs par un dialogue constructif permanent. Sur le plan des résultats financiers, faute d’une clarté dans la gouvernance de Sonatrach, on ne discerne pas nettement ce qui est imputable à une bonne gestion interne et ce qui est imputable aux aléas internationaux qui sont déterminants. La croissance ou pas de l’économie mondiale joue comme un vecteur essentiel dans l’accroissement ou la diminution des recettes de Sonatrach. D’où l’importance de discerner le résultat d’exploitation imputable aux facteurs externes et celui imputable à la gestion interne. Lors d’un audit sous ma direction sur les carburants, entre 2007/2008 assisté des cadres de Sonatrach et du bureau d’études américain Ernst & Young, il nous a été difficile de calculer le coût de la tonne de pétrole et du mètre cube gazeux gaz acheminé de Hassi Messaoud et Hassi R’Mel aux ports côtiers, faute de comptabilités analytiques individualisés. Les prix de transferts, selon le langage comptable et les comptes consolidés de Sonatrach voilent la rentabilité entre la division amont, de la division transport et la division aval. Ainsi s’impose la mise en place de comptabilités transparentes sections par sections. Le modèle doit prendre en compte le niveau des réserves d’hydrocarbures, fonction du vecteur prix international, du coût d’exploitation, de la durée de vie du gisement, des découvertes technologiques et des énergies substituables. Accroître l’efficacité implique d’envisager des structures organisationnelles plus adaptées aux différentes missions et d’évaluer les systèmes d’information quant à leur efficacité sur le plan délai, coût et atteinte des objectifs.
2 – Le nouveau management stratégique doit avant tout diagnostiquer l’impact de l’environnement national et international sur Sonatrach et l’appréciation des domaines où l’interface Sonatrach-Environnement peut être amélioré afin de rendre plus performante l’entreprise. La description des opérations devrait permettre d’identifier les gisements de productivité et les niches de gains de coûts (comparaison avec des compagnies tests)- volume, rentabilité et analyser la stratégie des principales institutions similaires dans le monde sur les plans : technologie-standards et normes- sous-traitance et enfin le conventionnement et ce, afin de réduire les coûts et d’avoir une stratégie agressive afin de prendre des parts du marché tenant compte de la concurrence. Il s’agira donc d’élaborer un modèle de simulation donnant plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables -fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers, gérer étant prévoir surtout pour cette entreprise stratégique pour le pays. La démarche doit être de type itératif. Elle consistera à itérer les séquences en plusieurs étapes : fixer les objectifs d’amélioration des performances reliés à chaque fonction où à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme (ratios, contexte). Il s’agit de vérifier qu’à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre. Cela permettra de mettre en place deux ou trois scénarios d’amélioration des performances de Sonatrach tenant compte de l’évolution erratique tant du cours du dollar, de l’euro que du cours du pétrole et du gaz, permettant d’identifier chaque action, décrire le contenu, évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l’action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagnée d’un tableau récapitulatif des moyens, coûts et gains attendus et enfin établir un tableau récapitulatif des indicateurs de performance à prévoir.. -L’analyse de l’ensemble des règles juridiques influençant le secteur énergétique (environnement légal et institutions publiques), les circuits banques primaires- banque centrale -Sonatrach pour les conditions de paiement permettra d’accélérer la rapidité des opérations, d’évaluer les structures d’appui professionnelles existantes, les structures d’appui techniques et de formation, l’identification de la stratégie des entreprises concurrentes et des institutions internationales et leurs facteurs- clés de succès pour une comparaison nécessaire de la stratégie internationale des grands groupes pétroliers et gaziers. Car l’évaluation du degré de compétitivité des outils, équipements et des immobilisations utilisés dans le contexte d’évolution technologique international. est primordiale Cette opération d’audit consistera à rassembler l’information sur les caractéristiques techniques, et les conditions de fonctionnement des équipements et de gestion des immobilisations, évaluer ses équipements et immobilisations corporelles et non corporelles, le niveau des stocks dormants, (objectif stock zéro) ces derniers donnant une comptabilité déconnectée de la réalité économique supposant de connaître le niveau d’automatisation, le niveau de performance, les besoins de maintenance non satisfaits, la pertinence des investissements réalisés et enfin la compétence du personnel utilisateur. Cela passe fondamentalement par l’analyse des tests d’efficacité des structures et organigrammes existants, de leur compatibilité avec les contraintes existantes, l’évaluation des circuits et analyser les supports d’information de gestion afin de raccourcir les délais source de surcoûts et des propositions concrètes pour améliorer l’organisation et la mise en place des comptabilités analytiques afin de mieux adapter les structures organisationnelles à la mission et aux contraintes de Sonatrach et de définir la structure des responsabilités.
3 – Sur le plan comptable, Sonatrach, bien qu’existe une direction l’audit au niveau de la direction générale, établit souvent un bilan consolidé où l’on ne cerne pas correctement les centres de coûts du fait de ce que les économistes appellent les comptes de transfert, pouvant voiler la mauvaise gestion d’une division. Par ailleurs, au niveau des unités de production , la comptabilité établit une valeur globale pour des ventes similaires de certains produits, résultante de la consolidation de produits exportés au prix international et de produits écoulés sur le marché interne à un prix largement plus bas. Aussi faute de comptes physico-financiers à prix constants, les ratios de gestion sont d’une signification limitée pour apprécier la performance et dans ce cadre évaluer le bilan des contrats toujours en termes de standards internationaux, du partenariat et l’impact de la généralisation des avis d’appel d’offres et des contrats gré à gré prévus par la loi, l’évaluation de la position financière de Sonatrach, ses perspectives et sa structure des coûts d’exploitation, tenant compte des comparaisons internationales. Afin de rendre plus performantes les ressources humaines, par une formation permanente cela implique un audit mettant en relief nettement la typologie du personnel existant, l’adéquation de la formation aux besoins de Sonatrach, la disponibilité des compétences adéquates, les politiques de recrutement, l’évolution de la productivité du travail, les appréciations des mesures d’incitation et enfin l’évaluation du climat et de la culture d’entreprise de Sonatrach (audit social et audit de la culture liés au renouveau du système d’information) dont la prise en compte -au profit des travailleurs- d’une gestion plus rationnelle des importantes sommes des œuvres sociales que consacre annuellement Sonatrach. Aussi, il s’agit de revoir les méthodes de promotion actuelles qui n’ont pas eu les effets positifs sur le terrain, avec la mise en retraite anticipé des cadres ayant atteint l’âge de 60 ans, ce qui est une aberration et a fait fuir de nombreuses compétences hors Sonatrach sans que n’était préparée la relève. Car bien manager les ressources humaines suppose que le planning des actions à mener, doit être synchronisé par un dialogue permanent avec l’ensemble du collectif.
4 – Il s’agit de replacer la stratégie de Sonatrach au sein du nouveau défi de la transition énergétique mondiale dont le défi écologique, devant revoir le modèle de consommation énergétique qui se dessine entre 2023/2025/2030 avec le développement des énergies renouvelables, de l’hydrogène vert et s’orienter vers l’efficacité énergétique (voir audit sous la direction du Pr A. Mebtoul 8 volumes 980 pages pétrole/gaz de schiste opportunités et risques, pour une transition énergétique premier ministère Alger – 2015). Sonatrach, société par actions et propriété exclusive de l’Etat, devra évoluer dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Il s’agira impérativement donc d’évaluer l’impact de l’environnement socio-économique et institutionnel. L’on ne peut incomber toute la responsabilité de la gestion aux managers au niveau micro économique de la macro-gouvernance qui sont inextricablement liées, le Conseil national de l’Energie étant l’organe suprême de toute stratégie énergétique. Sonatrach pour pouvoir doubler sa production et cela est possible à l’horizon 2025/2027, plus de 50% du territoire n’étant pas encore exploité, a besoin d’un financement de 70 milliards de dollars pour les cinq prochaines années, sans compter les besoins de financement de Sonelgaz, qui, selon la direction a besoin de près de 200 à 300 milliards de dinars par an pour financer ses projets d’investissement et satisfaire la demande croissante en énergie, Sonelgaz, comme Sonatrach ayant un vivier important en ressources humaines, pouvant être un pilier pour le développement futur du pays. Il s’agit de revoir la politique des subventions surtout dans le domaine énergétique, non ciblées source d’injustice sociale, celui qui perçoit 20.000 DA bénéficiant des mêmes subventions que celui dont le revenu dépasse les 200.000 DA, la consommation intérieure étant presque au même niveau que les exportations, ( 50 milliards de mètres cubes de gaz en 2025, selon le PDG de Sonelgaz).
En conclusion, il ne faut pas vendre des rêves: Sonatrach constituera encore pour des années la principale source de devises pour l’Algérie. Les recettes de Sonatrach ont permis des réserves de change estimées, selon le gouverneur de la Banque d’Algérie de la Banque d’Algérie fin 2022 à 60 milliards de dollars, pouvant être assimilée à une banque devant favoriser les segments hors hydrocarbures dans le cadre des valeurs internationales. Mais il s’agit d’éviter de se limiter à l’Économique et combattre le cancer du blocage, le terrorisme bureaucratique qui enfante la sphère informelle et la corruption. Le développement durable étant porté forcément par des forces sociales réformistes, qui trouveront des résistances des forces sociales tenants de la rente, est tributaire d’une volonté politique de changement par une nouvelle gouvernance et la valorisation du savoir, richesse bien plus importante que toutes les ressources de matières premières et ce, au profit exclusif de l’Algérie, acteur stratégique au niveau du bassin méditerranéen et du continent Afrique.
A. M.