Visite du Président Abdelmadjid Tebboune du 14 au 16 juin 2023, face à la nouvelle reconfiguration des relations internationales: Quelles perspectives pour la coopération économique entre l’Algérie et la Russie ?

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Le président algérien Abdelmadjid Tebboune entame une visite officielle de trois jours en Russie, a rapporté l’agence de presse russe Spoutnik en date du 13 juin 21023,  et ce, du 14 au 16 juin 2013. Selon toujours l’agence officielle russe, les délégations des deux pays devront ainsi signer des mémorandums d’entente notamment dans les domaines économique, scientifique, juridique, industrie pharmaceutique, communication, nucléaire civil et la culture.

Se tiendra durant cette visite la 26e édition du forum économique de Saint-Pétersbourg et rassemblera plus de 1700 participants dont des patrons d’entreprises internationales issus de 33 pays. Seront  évoquées les questions énergétiques  du fait que l’Algérie entend, privilégiant ses intérêts propres, élargir ses approvisionnements  en  Europe;  la baisse  actuelle du cours du pétrole ( 73, 45 dollars le Brent et 63,49 dollars le Wit 12h GMT 13/06/2023)  où l’Algérie et la Russie jouent un rôle important au sein de l’OPEP+. Concernant les dossiers internationaux, les deux pays militant pour un monde multipolaire, où la Russie et la Chine ont  décidé d’appuyer l’adhésion de l’Algérie aux BRICS, l’Algérie venant d’être admise comme membre non permanent au Conseil de sécurité, seront certainement évoqués les dossiers  de Ukraine,  l’Algérie ayant  une position de neutralité, ceux du Proche-Orient et dans la  région du Sahel, l’Algérie étant préoccupée face aux tensions à ses frontières.

1 – La   Russie est l’État le plus étendu au monde (plus de 17 millions de km²) et comptait au 1er janvier 2022, 145,5 millions selon l’agence de statistiques russe Rosstat et pourrait n’être que de 120 millions d’ici 50 ans si les tendances actuelles persistent. Son PIB était de 1779 milliards de dollars en 2021 avec une structure qui a certainement évolué entre 2022/2023 du fait de l’effort de guerre : agriculture 5%, industrie 33%  mais avec une  dépendance au prix des hydrocarbures de 39/40% et les services 62/63%. Rappelons l’important ouvrage de Lénine sur le capitalisme en Russie, ce pays  était plus développé que bon nombre de pays européens.

La Fédération de Russie en 2022 est la 11e puissance économique au monde selon la Banque mondiale et selon le FMI la  9e  avec des ressources naturelles importantes. Ce pays possède  des compétences scientifiques et techniques  les plus avancées dans le monde, n’oublions pas qu’il a été le premier pays à lancer le 4 octobre 1957, le premier satellite artificiel Spoutnik1,  sans oublier sa force militaire ayant infligé une défaite à Napoléon et largement contribué à la défaite de l’Allemagne d’Hitler durant la Seconde Guerre mondiale. L’économie russe, selon les rapports internationaux, repose essentiellement  sur  cinq  facteurs : premièrement, c’est une économie en transition héritant encore du lourd héritage soviétique; deuxièmement, c’est une économie de rente dont les entrées en devises reposent sur les hydrocarbures (pétrole/gaz) et différents métaux rares et au niveau de la structure interne du PIB  fondée sur la production où plus de la moitié de la richesse calculée provient des secteurs suivants : fabrication-construction-mine, en  2021, les importations représentant 17,10% du PIB et les exportations 27,80; troisièmement, avec plus de 200 millions d’hectares de terres cultivables, la Russie est un des principaux producteurs mondiaux de céréales dans le monde la Russie ne connaissant  plus les pénuries alimentaires de l’époque soviétique; quatrièmement,  c’est une économie qui souffre  du vieillissement démographique  depuis la fin de l’ère soviétique; cinquièmement c’est une économie où l’Etat joue un rôle stratégique.  En plus, avec l’Ukraine représentant environ 33% des exportations de denrées alimentaires stratégiques dont de  céréales et un immense réservoir de métaux rares, la Russie avec des réserves de pétrole de 80 milliards de barils ( 4,7% des réserves mondiales ), le premier réservoir mondial de réserves de gaz naturel 45 000 milliards de mètres  gazeux, suivi de l’Iran 30 000 et du Qatar 20000 qui  est un grand pays producteur d’ hydrocarbures  influençant d’ailleurs avec l’Arabie saoudite la stratégie de  l’OPEP+. Avant le conflit en Ukraine, avec son pilier la société  Gazprom, la Russie avait une stratégie expansionniste en direction  de l’Europe  avec trois gazoducs qui totalisent une capacité de 180 milliards de mètres cubes gazeux d’exportation  dont la part de  marché  en Europe devrait passer de 45/47% en 2019  à plus de 70%. Or, les conséquences du conflit en Ukraine ont totalement modifié la carte énergétique de la Russie  L’Union européenne, autrefois premier client du gaz russe, a drastiquement réduit ses importations au cours de l’année 2022. En 2021, environ 45% des importations du gaz naturel provenaient de Russie, c’est-à-dire 155 milliards de m3 sur les 400 milliards de mètres cubes de gaz consommés par les Vingt-Sept. En 2022, selon le ministre russe chargé de l’Énergie, les exportations de gaz russe ont diminué de 25,1% pour une production totale de 673,8 milliards de m3 en raison des sanctions européennes appliquées à Moscou. Cette baisse est due à la décision de l’UE et  du  G7, de plafonner le prix du pétrole russe à compter du 5 décembre 2022, à 60 dollars par baril  transporté par bateau et vendu à des États tiers et depuis le 3 février 2022, le plafonnement des  prix a été étendu aux produits pétroliers raffinés russes ainsi qu’un plafonnement des prix de gros du gaz dès qu’ils dépasseront 180 euros le mégawattheure (MWh) pendant trois jours consécutifs. Pour pallier la forte demande du gaz russe, on assiste  à des  importations  massives  de gaz naturel liquéfié (GNL) mais à des prix plus élevés en  Europe, plus de 60% en 2022 par rapport à 2021, ayant importé 155 milliards de m3 de GNL, les  États-Unis, étant  devenu le premier fournisseur de l’UE, où les importations américaines ont en 2022 ont connu une hausse  +143% par rapport à 2021. Derrière les États-Unis, les plus gros fournisseurs de GNL à l’UE en 2022 ont été le Qatar (+23%) et l’Algérie à travers les canalisations Medgaz via Espagne  et Transmed  via l’Italie  en 2022 avec environ 12% de part du marché, espérant sous réserve d’un investissement massif européen doubler ce taux vers les années 2025/2026.  Cependant, nous devrions assister à  un bouleversement vers 2025 au moment  où  les  nouveaux projets de GNL, notamment au Qatar, produiront des millions de tonnes supplémentaires, l’Europe, ayant prévu 26 nouveaux terminaux sur le continent, dont un cinquième en France au Havre, sans compter la stratégie européenne pour les énergies renouvelables et l’hydrogène  vert qui devrait atteindre plus de 50% de la consommation intérieure horizon 2030.

2 – A court terme, les sanctions occidentales ont eu pour l’instant un effet relativement limité comme en témoignent les indicateurs économiques, en comparaison aux pays européens qui  connaissent une décroissance (Intervention du professeur Abderrahmane Mebtoul – Télévision internationale AL24 du 10 juin 2023

 Sabotage du Nordstream1: une guerre qui ne dit pas son nom disponible sur  YouTube.

 La flambée des prix du pétrole et du gaz ainsi que le détournement des exportations d’énergie vers des pays non soumis à des sanctions ont permis d’enregistrer des recettes d’exportation d’énergie malgré la réduction volontaire des exportations de gaz et l’embargo sur le pétrole décrété par les pays de l’UE.  En   plus de la Chine  et l’Inde, des pays comme la Turquie, l’Arménie et l’Ouzbékistan ont permis de contourner les sanctions, soit en achetant du matériel revendu ensuite à la Russie, soit en exportant des produits russes vers les pays occidentaux. Paradoxalement, c’est parce que la Russie est moins développée qu’elle est moins sensible aux sanctions.  Ainsi, selon l’OCDE, le taux de croissance de la Russie  été de 4,7% en 2021, négatif de 2,4% en 2022, une prévision  négative de 0,8% en 2023; le taux d’inflation a été de 6,7% en 2021, 13,8% en 2022 et 6,1% en 2023; le ratio dette publique /PIB  est maîtrisable  de 17,9% en 2021, 18,2% en 2022 et 20,1%,  prévision 2023 et  un déficit budgétaire  selon les normes internationales   de 20%  du PIB en janvier 2023 et   des réserves de change fin février 2023 de 589 milliards de dollars. Les  mesures des sanctions occidentales ont été également atténuées certes par le  cours élevé des hydrocarbures mais également   par des mesures de stabilisation financières, la Banque centrale ayant relevé  ses taux d’intérêts  de 9,5%  à 20,0% peu après les tensions avec  l’Ukraine pour  les ramener progressivement  en septembre 2022 à 7,50. Suite aux sanctions occidentales, la  majeure partie des  ressources énergétiques a été redirigée vers d’autres marchés notamment les livraisons de pétrole à l’Inde, multipliées par 22 en 2022, et  la  Chine, mais avec des prix au-dessous du marché. Dans sa stratégie la Russie a lancé le gazoduc «Power of Siberia» en direction de la Chine été inauguré, le

2 décembre 2019, des deux côtés de la frontière sino-russe, près de 2000 kilomètres de tuyaux qui  vont acheminer du gaz depuis les gisements de Sibérie orientale jusqu’à la frontière chinoise.

Et ce n’est pas fini : le gazoduc ralliera Shanghaï, à quelque 3000 kilomètres de la frontière, d’ici à 2022-2023. Le coût de «Power of Siberia» a été estimé par Gazprom à 55 milliards de dollars, pour une capacité en 2022-2023 de 38 milliards de m3 par an, soit 9,5 % du gaz consommé en Chine. Le gazoduc russo-chinois s’accompagne d’un énorme contrat d’approvisionnement gazier à la Chine, estimé à plus de 400 milliards de dollars sur 30 ans, signé par Gazprom et le géant chinois CNPC en mai 2014, après une décennie de pourparlers.  Plus récemment, la date du début de la construction étant fixée à 2024, nous avons eu l’inauguration du gazoduc Force de Sibérie 2, d’un coût estimé à 12/13 milliards de dollars

(1100 milliards de roubles au cours actuel contre une prévision de 800 milliards de roubles)  longueur de 6700 km dont 2400 km sur le territoire de la Russie  devant se connecter avec le gazoduc Ouest-Est.

3 – Face à ces tensions géostratégiques entre l’Occident et la Russie,  l’Algérie, conforme à ses principes, a une position neutre, privilégiant le dialogue et le respect du droit international. Espérons que  la visite d’Etat  en Russie du président de la  République du 14 au 16 juin 2023,  qui assistera au Forum économique  de Petersburg,   permettra de renforcer le partenariat stratégique entre l’Algérie et la Russie, tout en contribuant au dialogue productif pour atténuer les tensions internationales. Pour pouvoir comparer les deux économies en référence à l’année 2021, selon les données du FMI, les importations russes  ont été de 194 milliards de dollars  dont 146 pour les produits manufacturés  et 27,5 pour les produits agricoles  et  les  exportations ont été de 340  milliards de dollars  dont 230 pour le pétrole et les  produits pétroliers   et 27,1 pour les produits agricoles. Les  importations  en 2022 ont diminué  de 15,01%  par rapport à 2021,  et les exportations  ont reculé de 8,7%. Pour l’Algérie, en 2021, les importations  ont été de 51,50 milliards de dollars  dont 10,7 de produits agricoles, 37,6 de produits manufacturés  et les  exportations de 37,8 milliards de dollars dont 33,4 pour le pétrole et les produits pétroliers. Sur la base de 106 dollars baril et 16 dollars le MBTU de gaz (source Banque d’Algérie) les recettes de Sonatrach ont été pour 2022  de  60 milliards de dollars devant soustraire les coûts pour avoir le profit net).  Pour 2023, selon le rapport de la Banque mondiale de mai 2020, le taux de croissance serait de 1,7%,  revu à la baisse des prévisions précédentes  2,6%  et loin des prévisions  du gouvernement   4% , sur la base d’un cours  de 75/80 dollars et 11/13 dollars le MBTU, les recettes de Sonatrach devraient fluctuer entre 45/50 milliards de dollars soit entre  10/15 milliards de dollars de moins que pour l’année 2022. Du point de vue de la coopération entre l’Algérie et la Russie, selon les données officielles russes, hors achats militaires, où l’Algérie a un partenariat stratégique de longue date,  mais selon  les experts militaires s’orientent également  vers la diversification des fournisseurs, les exportations russes vers l’Algérie  se sont élevées à 2,9 milliards de dollars  et  les  importations russes en provenance de l’Algérie se sont élevées à 1,8 milliards de dollars. La part de l’Algérie dans le chiffre d’affaires du commerce extérieur de la Russie en 2021 s’est élevée à 0,4% contre 0,5% en 2020  et  la part de volume de  l’Algérie occupe la 43e place  contre la 35e en 2020. La part de l’Algérie  dans les exportations russes n s’est élevée toujours en 2021 à 0,6% contre 0,8% en 2020  et en termes de part dans les  exportations russes, l’Algérie occupe la 35e place contre la 25e place en 2020 et  la part dans les importations  l’Algérie occupe la 115e place  en 2021   contre  la 123e place en 2020.

En résumé, les échanges économiques  marginaux s’expliquent fondamentalement par la similitude des  structures économiques des deux pays et donc loin des potentialités, pouvant être développés,  pas seulement dans le domaine militaire, mais surtout économique, Moscou ayant un potentiel scientifique important,  mais ne devant jamais oublier que dans la pratique des relations  internationales n’existent pas de sentiments mais que des  intérêts.

  1. M.