Recep Tayyip Erdogan a revendiqué dimanche soir sa victoire personnelle à l’élection présidentielle en Turquie et celle de son parti AKP aux élections législatives au terme du plus grand défi électoral qu’il ait eu à relever en quinze années de pouvoir.
A 64 ans, le dirigeant le plus populaire mais aussi le plus clivant de l’histoire moderne de la Turquie a promis de continuer de transformer la Turquie, pays de 81 millions d’habitants qu’il est assuré de diriger au moins jusqu’en 2023, avec les pouvoirs renforcés prévus par la modification constitutionnelle sanctionnée par un référendum l’an dernier. « Il est hors de question pour nous de tourner le dos au pays que nous avons façonné, en termes de démocratie comme en termes économiques », a dit Erdogan dans son discours de victoire dimanche soir. Sur la base de plus de 99% des bulletins de vote dépouillés, Recep Tayyip Erdogan a obtenu dès le premier tour 52,5% des suffrages. Son concurrent le plus sérieux, Muharrem Ince, du CHP (Parti républicain du peuple, social-démocrate) approche des 31%. Son silence après la fermeture des bureaux de vote lui a valu de nombreuses critiques de ses partisans sur les réseaux sociaux. Ince doit tenir une conférence de presse ce lundi à 09h00 GMT. Aux législatives qui avaient eu lieu également dimanche, l’AKP (Parti de la justice et du développement), la formation islamo-conservatrice d’Erdogan, a obtenu 42,5% des voix et ses alliés du MHP (Parti d’action nationaliste) recueillent 11,1%. Sur la base de résultats encore provisoires, l’AKP et le MHP devraient détenir 343 sièges sur les 600 que compte le parlement (293 pour l’AKP et 50 pour les nationalistes). Le CHP, principale formation de l’opposition laïque, en aura 146 (23% des voix), tandis que le HDP (Parti démocratique des peuples, prokurde), qui avec 11% a réussi à franchir le seuil des 10% des voix nécessaire pour avoir des élus, comptera 67 députés et le parti nationaliste Iyi 44. L’opposition a déclaré dimanche soir qu’il était trop tôt pour reconnaître son éventuelle défaite. Le CHP a estimé que, selon son décompte, Erdogan n’avait pas obtenu la majorité absolue lors du premier tour.
PRÉSIDENTIELLE LOURDE D’ENJEUX
A Paris, le gouvernement français a réagi avec prudence à l’annonce des résultats du vote turc. »Il y a une mission d’observation de l’OSCE qui rendra ses conclusions aujourd’hui ou demain », a déclaré Nathalie Loiseau, la ministre en charge des Affaires européennes, sur France 2. « Qu’il gagne au premier ou au deuxième tour, je pense que Recep Tayyip Erdogan a gagné et je pense qu’il restera le dirigeant de la Turquie », a-t-il dit en ajoutant que « C’est aux Turcs de choisir leur dirigeant, c’est à nous de savoir quelle relation nous voulons avoir avec la Turquie ».
Le taux de participation aux élections a été élevé, à près de 87%.
« Dès demain, nous allons commencer à travailler pour réaliser les promesses que nous avons faites au peuple », a dit Erdogan dimanche soir. Il a également promis que les autorités turques qui ont mené la répression depuis le coup d’Etat manqué de juillet 2016 allaient poursuivre leur lutte contre les organisations terroristes. Il a enfin annoncé que l’armée allait poursuivre son travail de libération de territoires syriens afin que les quelque 3,5 millions de réfugiés qui se trouvent sur le sol turc puissent rentrer chez eux. « Notre peuple nous a confié la tâche d’assumer les fonctions présidentielles et exécutives. J’espère que personne n’essaiera de semer le doute sur les résultats et de nuire à la démocratie pour masquer son propre échec », a déclaré le chef de l’Etat sortant dans une brève allocution, prononcée alors que le dépouillement se poursuivait. L’élection présidentielle est lourde d’enjeux, dans la mesure où Erdogan va disposer de pouvoirs élargis, en vertu de la réforme constitutionnelle adoptée l’an dernier dans le cadre d’un référendum très serré. En convoquant des élections anticipées plus d’un an avant l’échéance normale, Recep Tayyip Erdogan a paru dans un premier temps déstabiliser ses adversaires, mais la candidature de Muharrem Ince a relancé l’opposition. Les détracteurs d’Erdogan, ainsi que l’Union européenne à laquelle la Turquie souhaite toujours adhérer, l’accusent d’avoir exploité le putsch manqué de juillet 2016 pour museler l’opposition.