Théâtre : Un colloque en hommage à Ould- Abderrahmane Kaki

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La ville de Mostaganem, ville réputée pour être un haut lieu de la pratique théâtrale, abritera, les 17 et 18 octobre, un colloque consacré à Ould-Abderrahmane Kaki, dit Abderrahmane Kaki, ce dramaturge exceptionnel, au parcours riche et à part et incontournable, dans l’histoire du théâtre algérien. Organisé par l’université de Mostaganem et le ministère de la Culture, le colloque portant sur le thème de « Comment lire Kaki ? » abordera différents thèmes, dont les liens de Kaki avec le patrimoine, les influences en œuvre dans son théâtre ainsi que l’importance de la mise en scène. Né en 1934 dans le quartier populaire de Tigdit à Mostaganem (et disparu le 14 février 1995 à Oran), Ould-Abderrahmane Kaki, d’une expérience à l’autre, avait réinventé le théâtre algérien, l’inscrivant dans une représentation originale, personnelle : son œuvre conjugue naturellement le local, donc le patrimoine et l’histoire à ‘expression universelle.  Autrement dit, celui qui a à son actif une vingtaine de pièces de théâtre avait conféré au théâtre algérien une portée universelle.  Dès son enfance, Abderrahmane Kaki se développe au contact de traditions culturelles vivaces. L’une de ses grands-mères connaît de mémoire un grand nombre de « kacidate », l’un de ses oncles est mélomane. Il participe aux fêtes populaires dans lesquelles jouent les « meddahs », côtoie le maître du chant bédouin Cheikh Hamada dont les enfants sont ses compagnons de jeu.

Kaki n’a qu’une dizaine d’années lorsqu’il devient apprenti-« meddah » lors des fêtes scolaires de fin d’année. Il rejoint quelques années plus tard le scoutisme, présentant les sketches qu’il a créés à l’occasion des fêtes musulmanes. Il fait ensuite partie de la troupe de Benabdellah Mustapha. Dans les années 1950 il participe à des stages de formation dramatique dans le cadre du service de l’Éducation populaire dirigé par Henri Cordreaux. Kaki devient professeur d’art dramatique et fonde sa propre troupe en 1958. Il met en scène alors des pièces de Plaute, Carlo Gozzi, Ionesco, Beckett ou ses propres écrits, 132 ans (1962). 132 ans, El-Guerrab ou Salhine, Diwan El- Garagouz… et bien d’autres pièces placent Kaki au panthéon du théâtre algérien. Puisée dans le génie populaire dont était largement doté sa ville, la langue de Kaki est une admirable prose rimée avec une certaine force incantatoire. Branché sur le substrat culturel local, son théâtre est tout aussi ouvert aux expériences contemporaines de mise en scène avec un intérêt pour les réalisations de Berthold Brecht ou de Peter Brook. «Kaki n’était pas un homme de théâtre enfermé dans un moule unique, mais ouvert à plusieurs expériences.» Ses premières réalisations, définies par les termes de « théâtre-laboratoire » ou « d’avant-théâtre », articulent étroitement, sous la contrainte qu’impose la modestie de ses moyens, écriture théâtrale et langage scénique. « Nous n’avions pas les moyens de monter nos spectacles », disait Kaki. C’est pour cela que je me suis trouvé dans la nécessité d’inventer des formes ni pauvres ni misérabilistes, mais des formes épurées où le mouvement des acteurs est un langage (…) Je pensais que c’était le spectacle de la « halqa », des souks qu’il nous fallait, un théâtre de fête et de participation. » Dans sa réappropriation de l’héritage des formes de la théâtralité traditionnelle algérienne, Kaki ne s’en réfère pas moins à la démarche de Bertolt Brecht, dont il dit avoir reçu « la plus grande leçon », estimant s’être par la suite « libéré de son influence ». « Par la mise au point d’un schéma d’adaptation de la chanson de geste rurale, avec ses thèmes puissants dans la mythologie du terroir et le patrimoine arabo-musulman (contes, légendes, récits investis par la chanson de geste rurale), pour raconter sur le mode poético-épique (du malhoun) la présence d’un peuple avec ses valeurs et ses traditions de lutte », écrit en 1981 Sidi Lakhdar Barka, Kaki est ainsi à l’origine de la première expérience d’un théâtre national. Durant la première décennie de l’indépendance algérienne, il apparaît le créateur le plus actif et le plus en vue dans le domaine du théâtre, jusqu’à ce qu’un accident de voiture brise en 1968 son ascension. Familier des peintres algériens, Kaki préface en 1964 une exposition d’Aksouh à la Galerie 54 dirigée par Jean Sénac, et Khadda réalise en 1974 les décors et costumes de sa pièce «Beni kelboun» présentée au Théâtre national d’Alger.