Le 3 mai a été proclamé Journée mondiale de la liberté de la presse par l’Assemblée générale des Nations Unies en 1993, suivant la recommandation adoptée lors de la vingt-sixième session de la Conférence générale de l’UNESCO en 1991.
La révolution dans les nouvelles technologies de l’information est un grand acquis pour la liberté de la presse dans la mesure où l’information n’est plus le quatrième pouvoir mais le pouvoir lui-même et un acquis pour la démocratie tenant compte des anthropologies culturelles. A cette occasion, je tiens à m’associer à cette fête avec tous mes amis journalistes algériens et étrangers en leur souhaitant plein succès dans leur mission difficile, en espérant une extension et garantie de la liberté de la presse en Algérie, un des fondements essentiels des libertés. Cette présente contribution, propose une réflexion générale relative à la société d’information face à la révolution numérique.
1. On observe aujourd’hui une métamorphose complète du paysage mondial qui est due principalement à la combinaison dynamique de deux facteurs : l’essor exceptionnel du capitalisme financier et la ‘‘révolution numérique’’ qui a donné naissance aux technologies de l’information et de la communication avec un essor exceptionnel et qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des États et des organisations internationales. Cet intérêt s’est trouvé accru depuis plus de deux décennie en raison des retombées tant miliaires , socio-économiques et culturelles des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) , transcendant les clivages géographiques et traversant de part en part toutes les sociétés humaines en contribuant à la structuration du nouveau monde. Les mutations que connaît l’économie mondiale ont leur équivalent dans le domaine de l’information et de la communication ayant une répercussion fondamentale sur la bonne gouvernance. Claude Levy-Strauss un des plus grands anthropologues définit d’ailleurs la société comme un ensemble d’individus et de groupes qui communiquent entre eux. Les groupes organisés- ceux qui poursuivent la réalisation de but définis- ne peuvent fonctionner efficacement que si les informations internes et externes circulent convenablement, notamment aux points de concentration des informations, là où se prennent les décisions. Le fondement de la société, la constitution de la civilisation repose sur une bonne communication de tout pouvoir, une communication qui vise à informer, à faire connaître et à faire comprendre, à constituer une interrelation entre les différentes structures de l’Etat entre l’administration et les différentes couches de la société. Car une mauvaise communication des appareils d’Etat ne peut que conduire au manque de crédibilité des pouvoirs publics ce qui accentue la fracture politique/citoyens et donc le divorce État/citoyens. C’est que toute communication fiable doit prendre en considération les exigences créées par le développement de l’environnement médiatique mais aussi socio politique, militaire, culturel et économique tant interne que mondial. La concurrence médiatique avec toutes ses caractéristiques : démultiplication des moyens de diffusion de l’information (presse, radio, télévision, internet, etc…), rapidité dans la diffusion et la circulation de l’information exige une veille permanente. Cette attention particulière des Médias sur l’action publique répond à un besoin de l’opinion dans une démocratie pluraliste, celui de pouvoir juger les Gouvernants parce que devant les choisir. Du point de vue de l’ONU, les bienfaits des NTIC, particulièrement pour les pays du Tiers monde, peuvent être considérables : gain de temps et d’argent, prévention de catastrophes humanitaires, extension de la bonne gouvernance, accroissement du pouvoir de mobilisation de la société civile. Les NTIC ont un impact sur bon nombre de segments de la société comme le domaine militaire/sécurité, la médecine , du renouveau du mode d’enseignement (c’est fini les cours dispensés par voie orale), sur la presse les médias qui utilisant Internet et d’une manière générale un impact sur tous les mécanismes de gestion tant centrale que locale des institutions et des entreprises où nous assistons à la transition de l’organisation hiérarchique à l’organisation en réseaux. L’avènement d’Internet et le développement formidable qu’il connaît depuis quelques années ont pratiquement mis en demeure tous les Etats , l’entreprise – de quelque importance qu’elle soit et le simple citoyen de s’adapter et d’en faire l’usage le plus judicieux et le plus productif.. La compétitivité l’obligeant à obtenir ou à donner l’information en temps réel, les Etats et l’entreprise vont investir la Toile pour faire face à la concurrence . Ainsi voyons nous les entreprises par exemple , recourir de plus en plus au commerce électronique pour faire la promotion de leurs produits, vendre, acheter, etc. Les NTIC permettent de mettre en place depuis quelques années des modèles d’organisation du travail dont les principales caractéristiques sont la décentralisation et la flexibilité. Le phénomène de délocalisation de l’emploi tient largement de la recherche des gains de productivité et des possibilités offertes par les NTIC aux entreprises, particulièrement à celles qui sont d’une grande envergure : télé-saisie, télétraitement et télémaintenance sont maintenant une réalité de tous les jours
2.- Mais se pose la question lancinante de la fracture numérique qui s’accroît entre les pays développés ou en voie de développement et les pays qui peinent à décoller de plus en plus marginalisés . La ‘‘fracture numérique’’ est une expression d’origine américaine, apparue en juillet 1995 dans un rapport publié par le Ministère du Commerce américain, où il est fait état dans ce rapport de l’existence d’inégalités dans l’accès à Internet, inégalités entre les riches et les pauvres et entre les différentes ethnies qui composent la nation américaine. Ce rapport est actualisé en 1998 sous le titre ‘‘Digital Divide’’, ce qui a été traduit par ‘‘fracture numérique’’, ‘‘fracture digitale’’, ‘‘fossé numérique’’. Au plan interne, des pays ont rapidement fait de cette question un sujet d’intérêt, voire de préoccupation, national car Internet aggrave, en effet, les inégalités existant au niveau mondial et au plan national. Ces deux types d’exclusion peuvent être repérés à partir de la répartition de la population internaute mondiale et celle des différents profils d’internautes qui existent à l’intérieur des sociétés étudiées. Identifiable donc à deux niveaux distincts où la fracture numérique requiert de la part des pays développés une prise en charge qui soit attentive à la réduction des disparités qui existent chez eux et une coopération internationale qui prenne en considération les besoins des pays du Sud supposant des conditions politiques, matérielles et financières nécessaires à la mise en œuvre d’une telle entreprise. Les données statistiques montrent, on ne peut mieux, une concentration de la population des internautes dans les pays développés, essentiellement les pays anglo-saxons, des disparités à l’intérieur du monde développé et un retard important des pays en développement, notamment de certains pays du continent africain subissant une exclusion presque totale de la Société de l’information où l’insertion dans la Société de l’information des pays sous développés est confrontée à des obstacles quasi insurmontables : l’absence d’infrastructures adéquates et des coûts élevés rendent presque utopique toute idée de voir les pays les plus pauvres et l’Afrique surtout, se mettre, dans un proche avenir, à l’heure de la Société de l’information. Pour ne prendre que le cas d’Internet, on peut identifier certains obstacles au développement de son utilisation. Ainsi, le prix de l’accès à la Toile a trois composantes : le matériel et le logiciel, les fournitures de l’accès et les taxes téléphoniques. Selon le document de base du NEPAD (composante NTIC), « une connexion coûte en moyenne en Afrique 20 pour cent du PIB par habitant par rapport à une moyenne mondiale de 9 pour cent et à 1 pour cent dans les pays à revenus élevés » Cela est lié notamment à la pénurie d’infrastructures où ce problème est pris de plus en plus en charge par les pouvoirs publics dans les pays en développement en raison de l’incidence des NTIC sur le développement socio-économique. Ainsi, des mesures sont prises dans ce sens par certains pays, mesures qui consistent à laisser plus de liberté aux opérateurs historiques et à leur permettre de réinvestir leurs bénéfices; ouvrir au privé le capital des entreprises du secteur public et permettre à des opérateurs privés d’investir dans ce créneau. Comme se pose le problème de la disponibilité des contenus : les contenus existant dans les langues en usage posent eux aussi un problème de disponibilité qu’il n’est pas facile de régler. L’environnement culturel particulièrement pauvre, la faiblesse des systèmes éducatifs et l’absence d’investissement dans la recherche aggravent davantage le problème.
3.- Pour l’Unesco dans sa note sur son site en date du 02 mai 2024, « le rôle des journalistes est crucial. C’est à travers leur travail, leur courage et leur persévérance que nous pouvons savoir ce qui se déroule vraiment à travers les différentes régions du monde. Ils sont en première ligne de notre combat collectif pour la santé de notre planète et de notre lutte pour des vies habitables ». A ce titre, au sein d’un monde super-médiatisé dominé par les nouvelles technologies de l’information et en cette journée du 03 mai 2024 consacré à la liberté de la presse, dans mes écrits depuis de longues décennies,( voir google.com -mebtoul -abderrahmane 1974/2024) , je pense fermement que la seule façon de se maintenir au temps d’un monde mouvant qui change continuellement, le rôle de l’intellectuel et du journaliste c’est d’avoir une relation avec l’environnement national et international , avoir un discours de vérité selon sa propre vision du monde, à travers la confrontation d’idées contradictoires productives, loin de tout dénigrement, le plus grands ignorant étant celui qui prétend tout savoir, et cela s’applique également aux cadres dirigeants, à certains segments de la société civile, et aux partis politiques , devant s’éloigner des louanges par la soumission contre-productive en contrepartie d’une distribution de la rente, devant toujours douter selon l‘expression d’Aristote, et tenir compte de la spécificité des sociétés. D ’où l’importance de l’approche socioculturelle qui rend compte de la complexité de nos sociétés qui doit beaucoup aux importants travaux sous l’angle de l’approche de l’anthropologie économique de l’économiste indien prix Nobel Amartya Sen et aux importants travaux du grand philosophe allemand Kant sur la rationalité qui est relative et historiquement datée comme l’ont montré les enquêtes de Malinovski sur les tribus d’Australie. Il s’agit de ne pas plaquer des schémas importés sur certaines structures sociales figées où il y a risque d’avoir un rejet (comme une greffe sur un corps humain) du fait que l’enseignement universel que l’on peut retirer est qu’il n’existe pas de modèle universel. L’histoire du cycle des civilisations, prospérité ou déclin, est liée au mode de gouvernance et à la considération du savoir au sens large du terme et qu’une société sans intellectuels et journalistes est comme un corps sans âme. Pour preuve, le déclin de l’Espagne après l’épuisement de l’or venant d’Amérique et certainement le déclin des sociétés qui reposent essentiellement sur la rente comme les hydrocarbures, vivant d’illusions à partir d’une richesse monétaire fictive ne provenant pas de l’intelligence et du travail.
A.M