Etats du Sahel: Enjeux géostratégiques mondiaux et   tensions sécuritaires au niveau de la région sahélienne

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Quels sont les enjeux géostratégiques mondiaux et la problématique de la sécurité  au niveau de la  région sahélienne où, entre 2025/2030, nous devrions assister à d’importantes reconfigurations géopolitiques et géoéconomiques rentrant dans le cadre de la nouvelle stratégie mondiale à laquelle aucun pays ne saurait échapper et qui interpelle  l’Afrique du fait de ses incidences  régionales. Cette présente contribution est une synthèse de mes différentes interventions au niveau international.

1-    Les nouvelles transformations du monde impliquent pour tous les pays une  approche globale comme facteur d’adaptation avec pour objectif, la cohérence, l’anticipation, l’adaptabilité, la permanence, la  légitimation  et la résilience. C’est que les crises internationales ont toujours concerné de nombreux acteurs. Mais traditionnellement, en dehors de l’organisation de sécurité collective à vocation universelle et à compétence générale qu’est l’ONU, qui nécessite sa réorganisation du fait de son faible impact, leur gestion revenait avant tout aux États. Or, de nombreux autres acteurs y participent désormais, notamment les organisations non gouvernementales, les organisations d’intégration régionale et des acteurs informels à travers le crime économique organisé via la sphère informelle organisée, dont le poids financier dépasse le PIB de certains États, tissant souvent des relations avec les segments formels. On le constate, le champ est composé d’une multitude d’acteurs et d’approches qui impliquent de facto un morcellement des actions et une difficulté à avoir un impact significatif sur le terrain. De nombreuses études tentent de catégoriser les principaux acteurs de ces conflictualités émergentes. La plupart d’entre elles opposent les États, dotés de forces armées régulières, à des acteurs non étatiques, laissant apparaître de nouveaux adversaires. Cette opposition, selon les experts en géostratégie, entre États et acteurs non étatiques, ne semble pas totalement satisfaisante, car elle ne reflète pas l’ensemble des systèmes asymétriques. En effet, une typologie des acteurs ne peut se faire qu’en prenant en compte plusieurs critères : les motivations, l’organisation et les modes d’action. De nouvelles conflictualités sont apparues où leurs acteurs se caractérisent souvent par l’illisibilité de leur organisation, l’imprévisibilité de leurs actions multiformes, qui privilégient la violence dûment mise en scène par la recherche du sensationnel et de la médiatisation. Aussi, les défis collectifs nouveaux sont une autre source de menace : ils concernent les cyberattaques, les ressources hydriques, la pauvreté, les épidémies, l’environnement. Ils sont d’ordre local, régional et global. La criminalité transnationale organisée englobe pratiquement toutes les activités criminelles graves motivées par le profit qui revêtent un caractère international, impliquant plus d’un pays. Les groupes criminels informels  n’agissent pas en marge des  sociétés, mais tissent des liens avec certains segments du pouvoir au niveau  de  structures légales  qu’elles gangrènent en offrant des alternatives à ses défaillances et adoptant, pour y parvenir la corruption. Une importante enquête sur plus de 150 pays réalisée par d’éminents experts internationaux (juristes, économistes, politologues et experts militaires), parrainée par l’ONU, met en relief que le montant du crime organisé varierait entre 2 et 5 % du PIB mondial, estimé en 2024 plus de  105 000 milliards de dollars. Quant  au   montant des bénéfices du crime organisé international dans un rapport en date du 14 août 2O24 , les Nations unies estiment à environ 1 ;5OO  à 2 000 milliards de dollars le revenu annuel des « organisations criminelles transnationales , un accroissement vertigineux, un doublement  puisque le quotidien  français  le monde, dans une enquête en 2O13 estimait   870 milliards de dollars par an. Ces bénéfices proviennent principalement du trafic de drogue, du trafic d’êtres humains et de la cybercriminalité.

2- Concernant précisément la région sahélienne, paradoxalement  une des régions les plus pauvres du monde, elle regorge de richesses naturelles  minières comme l’or, le pétrole, le gaz, l’uranium, le phosphate , le cuivre, l’étain, ainsi que des ressources agricoles comme le fonio et la gomme arabique, avec d’importantes potentialités pour le développement des énergies renouvelables, abritant d’importants aquifères et des eaux  de surface  comme le lac du Tchad  et le fleuve du Niger. Cela explique comme pour la  Libye  les interférences étrangères favorisant les  conflictualités actuelles  source de déstabilisation des pays les plus vulnérables. Nous avons assisté dans la région à de profondes mutations de la géopolitique saharienne après l’effondrement du régime libyen qui possède le premier réservoir de pétrole en Afrique  pour 6 millions d’habitants,  plus de 44 milliards de barils avec d’  importantes réservoir de gaz environ 15OO milliards de mètres cubes gazeux peu exploitées, qui pourrait bouleverser l’échiquier énergétique régional et tout l’espace euro-méditerranéen en cas de stabilisation , sans compter  les importantes réserves d’hydrocarbures de l’Ile de la Tortue exploitées conjointement par le Sénégal  et la Mauritanie. Bien avant et surtout depuis la chute du régime de Kadhafi, le Sahel est l’un de ces espaces qui échappent souvent à toute autorité centrale, où se sont installés groupes armés et contrebandiers. Kadhafi disparu, ce pays n’ayant jamais eu d’État au sens hégélien du terme, le pouvoir s’étant appuyé sur des relations tribales, des centaines de milliers, dont 15 000 missiles sol-air étaient dans les entrepôts de l’armée libyenne, puis ont équipé les rebelles au fur et à mesure de leur avancée dont une partie a été accaparée par de différents groupes qui opèrent au Sahel. Face à ces actions de déstabilisation, il y a l’urgence de mettre en application une stratégie interrégionale qui associe l’ensemble des pays de la zone en plus des institutions internationales et des grandes puissances, du fait que la région est devenue un espace ouvert pour divers mouvements terroristes et autres groupes qui prospèrent via le trafic d’armes ou la drogue, menaçant la sécurité régionale. Il s’agit  de lever les contraintes du fait que la corruptibilité générale des institutions pèse lourdement sur les systèmes chargés de l’application des lois et la justice pénale en général, qui ont des difficultés à s’adapter aux nouveaux défis posés par la sophistication des réseaux du crime organisé. La collaboration inter-juridictionnelle est ralentie par l’hétérogénéité des systèmes juridiques notamment en Afrique. De plus, la porosité des frontières, aussi bien que la coordination entre un grand nombre d’agences chargées de la sécurité aux frontières, posent de grands problèmes. À terme, la stratégie vise à attirer graduellement les utilisateurs du système informel vers le réseau formel et ainsi isoler les éléments criminels pour mieux les cibler tout en diminuant les dommages collatéraux pour les utilisateurs légitimes. Le crime organisé  au niveau de la région sahélienne pose un véritable défi aux États et nécessite une coopération internationale devant unifier le renseignement sans lequel l’action  risque d’être inefficiente.  La mise en place de subventions ciblées suppose à la fois une large concertation sociale et un système d’information fiable en temps réel mettant en relief la répartition du revenu national et du modèle de consommation par couches sociales posant la difficulté de l’intégration de la sphère informelle (revenus informels). Cependant , il   ne faut pas se tromper de cible pour paraphraser les stratèges militaires, le fondement du développement étant  une bonne  gouvernance liée à la valorisation du savoir ,  pour plus de cohérence et de visibilité de la politique économique et sociale, une lutte contre la corruption et les surcoûts. Selon le Forum de l’administration fiscale africaine (ATAF), chaque année, l’Afrique perd environ 85,4 milliards d’euros en raison de flux financiers illicites (FFI), un fléau qui entrave le développement du continent. Ces flux financiers transfrontaliers, illégaux ayant pour origine la mauvaise gouvernance , freinent  le développement économique, social, culturel et politique de bon nombre d’États d’Afrique.

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