La 60e édition 2024 du congrès international du cancer (ASCO), qui réunit du 31 mai au 4 juin à Chicago près de 35.000 spécialistes, fait cette année encore la part belle aux avancées face aux différentes formes de cancer du poumon.
2024, année du poumon pour la 60e édition du congrès international du cancer (ASCO) qui réunit à Chicago (Etats-Unis), comme chaque année, près de 35.000 spécialistes. Cette année encore, des avancées notables face aux différentes tumeurs pulmonaires ont été présentées. Au niveau mondial, en 2020, le nombre de nouveaux cas de cancer du poumon était estimé à 2 206 771 et le nombre de décès à 1 796 144, tous sexes et âges confondus (CIRC, Globocan, 2020).
Une nouvelle classe de médicaments contre le cancer
Entre associations d’immunothérapies à des chimiothérapies et recours aux conjugués anticorps médicaments (en anglais « antibody drug conjugates », abrégés ADC et aussi nommés « anticorps armés » ou encore « immunoconjugués »), une nouvelle classe de médicaments en plein développement dans différents cancers (sein, vessie…), des espoirs concrets se dessinent pour les malades. Pour mémoire, il existe deux principales formes de cancers pulmonaires (bronchiques), définies selon l’origine des cellules des bronches dont ils sont issus. On distingue d’une part les cancers bronchiques dits non à petites cellules (CBNPC, les plus fréquents, 85 %, comprenant les adénocarcinomes, les carcinomes épidermoïdes et les carcinomes à grandes cellules) et d’autre part les cancers bronchiques dits à petites cellules (CBPC, 15%, principalement dus au tabac, très agressifs). Cette année encore, toutes ces formes voient leurs traitements évoluer et ce même dans les formes déjà métastasées des CBNPC, et c’est incontestablement une très bonne nouvelle. Exemple avec pas moins de deux études importantes et présentées en séance plénière, le temps fort du congrès.
« Le durvalumab devrait devenir un nouveau standard de traitement »
La première, ADRIATIC, vient (et c’est une première) de démontrer l’intérêt de l’ajout précoce d’une immunothérapie, le durvalumab (nom commercial Imfinzi, des laboratoires AstraZeneca) dans les formes localement avancées de CBPC. Une incontestable avancée là où depuis trente ans, on administrait le même traitement (chirurgie et chimiothérapie), avec des résultats de survie à 5 ans de 30%. Ce qui a permis au coordonnateur de l’essai, le Dr David R. Spigel, directeur scientifique de l’Institut Sarah Cannon (à Nashville aux Etats-Unis) de déclarer que « les résultats d’ADRIATIC représentent une percée dans le CBPC et que le durvalumab devrait devenir un nouveau standard de traitement ». Ce travail de phase 3 mené auprès d’environ 500 personnes prouve qu’après les traitements habituels (chimiothérapie et radiothérapie), l’ajout de cette immunothérapie, un anticorps PD-L1, réduit de 27% le risque de décès. De plus, 56% des patients sont encore en vie trois ans après leur diagnostic, contre 47% auparavant, soit une augmentation de la survie globale de près de 10%.
L’osimertinib améliore la survie des patients
La seconde étude, LAURA, présentée à l’ASCO 2024 et simultanément publiée dans le New England Journal of Medicine, concerne, elle, les CBNPC et plus particulièrement les tumeurs présentant un type particulier de mutation du récepteur EGF dit de type EGFR, soit environ 10 % à 25 % des patients aux États-Unis et en Europe, 30 % à 40 % en Asie. Ici, c’est l’ajout non pas d’une immunothérapie mais d’une thérapie ciblée EGFR, l’osimertinib (nom commercial Tagrisso, des laboratoires AstraZeneca), un inhibiteur de tyrosine kinase, qui confirme son intérêt, dans la survie globale des patients. Selon l’étude présentée à Chicago, deux ans après le diagnostic, 65% des patients ayant reçu la thérapie ciblée n’ont en effet pas rechuté, contre 12% des malades inclus dans le protocole standard.
L’intérêt des « missiles biologiques »
Autre tendance émergente, l’arrivée d’une nouvelle et très puissante arme dans le cancer, de ce que certains scientifiques qualifient de véritables « missiles biologiques ». Le principe de ces conjugués anticorps médicaments, distincts de l’immunothérapie et déjà utilisés dans certains cancers (sein, vessie…) par exemple, est le suivant : agir directement au niveau des cellules tumorales sans altérer les cellules saines. Ils reposent sur la liaison d’une molécule de chimiothérapie, via un système de lien appelé « linker », à un anticorps dirigé spécifiquement contre une cible éventuellement exprimée à la surface des cellules tumorales. Certains d’entre eux, ici les anti-TROP2, sont par exemple au cœur de l’essai ICARUS-Lung01 mené à l’Institut Gustave Roussy (Villejuif) face aux CBNPC. Dans cet essai mené dans huit centres et piloté par le Pr David Planchard et la Dr Barbara Pistilli, une centaine de patients atteints de cancers métastasés en situation d’impasse thérapeutique après trois lignes de traitement (chimiothérapie et/ou immunothérapie ou thérapie ciblée) ont reçu une perfusion de ces ADC. Et là encore, un taux de réponse prometteur de l’ordre de 26 % a été mis en évidence, permettant aux patients d’atteindre une survie de plusieurs mois. Soulignons une autre avancée, toujours dans les CBNPC métastasés, mais porteurs cette fois d’une mutation d’un autre type, KRAS G12C, présente chez environ 30% des patients. Il s’agit d’une thérapie ciblée, l’adragrasib (nom commercial Krazati, des laboratoires BMS) qui a démontré son intérêt dans l’étude Krystal 12. Toutes ces avancées dans la lutte contre le cancer du poumon ne doivent pas faire oublier l’urgence du dépistage et bien sûr toujours le sevrage tabagique.