Crise économique et bouleversement mondial: Afin de pouvoir agir sur les évènements futurs, comprendre les déterminants de la crise économique mondiale de 1929, de 2008 et celle de 2020/2022

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Par rapport à la période contemporaine, faut-il considérer la crise de 1929, de 2008/2009 et récente de 2022 avec la crise ukrainienne comme étant un événement unique dans l’histoire du capitalisme ou faut-il l’apparenter aux autres crises récentes, qui bouleversent les économies capitalistes, encore ne faudrait-il pas tirer des conclusions hâtives ?

Par le Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul

La question reste posée et le devoir de mémoire est fondamental pour tirer les leçons du passé et donc de comprendre l’essence tant de la crise de 1929 que celles de 2009 et 2022, tenant compte des nouveaux rapports sociaux et des bouleversements mondiaux (transition numérique et énergétique). Cela suppose l’adaptation au fonctionnement de la société qui a été perturbée depuis l’entrée en puissance des nouvelles technologies à travers Facebbok qui contribuent à refaçonner les relations sociales, les relations entre les citoyens et l’Etat, par la manipulation des foules, pouvant être positif ou négatif lorsqu’elle tend à vouloir faire des sociétés un Tout homogène alors qu’existent des spécificités sociales des Nations à travers leur histoire. Ces nouvelles dictatures peuvent conduire à effacer tout esprit de citoyenneté à travers le virtuel, l’imaginaire et la diffusion d’images avec pour conséquence une méfiance accrue par la manipulation des foules, lorsque des responsables politiques formatés à l’ancienne culture ne savent pas communiquer.

1 – Comprendre l’essence de la crise de 1929 et de 2008 1.1 – Le krach de 1929 est consécutif à une bulle spéculative, dont la genèse remonte à 1927. La bulle fut amplifiée par le nouveau système d’achat à crédit d’actions, les investisseurs pouvant acheter des titres avec une couverture de seulement 10%. Le taux d’emprunt dépend du taux d’intérêt à court terme ; la pérennité de ce système dépend donc de la différence entre le taux d’appréciation des actions et ce taux d’emprunt. C’est le 24 octobre 1929 que la fameuse crise se déclencha aux Etats-Unis ; on appela ce jour le «jeudi noir» ou Black Thursday ? Le krach boursier de Wall Street plongeant l’économie américaine et l’économie mondiale dans la tourmente et ce, malgré l’apparente santé de l’économie américaine dont les bases de sa croissance étaient pourtant faibles. A la mi-octobre 1929 l’annonce de la baisse des bénéfices des industries poussa les spéculateurs à vendre leurs actions pendant que le cours de Wall Street était encore élevé. Cette vente entraîne une chute encore plus rapide des actions, plus de 16 millions de titres seront bradés sur le marché, sans trouver toutefois preneur. Les épargnants paniquent et se précipitent auprès de leur banque pour retirer leur argent. Bientôt des centaines de milliers d’actionnaires se trouvèrent ruinés ; les banques ne purent se faire rembourser leurs crédits et les épargnants retirent leur argent de leurs comptes. Un grand nombre de banques n’ayant pas les moyens de rembourser, leurs clients furent faillites. Pour s’en sortir le seul moyen des banques furent de stopper les prêts à l’étranger et de réclamer le remboursement de ceux déjà effectués. De plus les capitaux américains cessent de circuler autour de la planète, la conséquence inévitable fut l’expansion de la crise à l’ensemble des pays industrialisés. Entre le 22 octobre et le 13 novembre 2009, l’indice Dow Jones passe de 326,51 à 198,69 (39%), ce qui correspond à une perte virtuelle de 30 milliards de dollars, dix fois le budget de l’État fédéral américain de cette époque. Par un effet de dominos, c’est l’ensemble de la Bourse qui s’effondre, et la chute de 1930 à 1932 est supérieure à celle de l’année 1929. Le 8 juillet 1932, le Dow Jones tombe à 41,22, son plus bas niveau depuis sa création en 1896. La baisse des prix fut générale et atteignit environ 30% de 1929 à 1932. Suite à la hausse des taux d’intérêt en avril 1929, lorsque survient la première stagnation des cours, le remboursement des intérêts devient supérieur aux gains boursiers et l’économie réelle montre des signes de faiblesses : ainsi, la production automobile chute de 622 000 véhicules à 416 000 entre mars et septembre et la production industrielle recule de 7% entre mai et octobre. Ce ralentissement est en partie dû à un phénomène d’asphyxie : les capitaux disponibles accourent à la bourse plutôt que vers l’économie «réelle» La perte de confiance due à la crise boursière affecte la consommation et les investissements lors des mois suivant le krach. Les crédits se tarissant, la consommation, l’investissement et la production continuent de chuter, le chômage explose (de 1,5 millions à 15 millions en 1933), et la crise bancaire devient une crise économique en 1931. Les mesures protectionnistes telles que la loi Hawley-Smoot de 1930 sur les droits de douane, favorisent la propagation de la crise à toutes les économies occidentales à partir de 1931. Début 1933 les profondes crises sociales et économiques favorisent les interventions publiques et la naissance de différents fascismes européens. Début 1933 la crise était au plus haut aux Etats-Unis, le nouveau président, fraîchement élu, Franklin D. Roosevelt, lança le New Deal (intervention accrue de l’Etat, infrastructure pour lutter contre le chômage, assainissement des finances). La dépression recula un peu, mais c’est surtout l’entrée en guerre des Etats-Unis grâce aux dépenses militaires qui la fit disparaître en 1941. En Allemagne et en France on adopta aussi les théories de Keynes : les dépenses publiques devaient compenser le manque d’investissements privés. En 1934 le gouvernement de Laval décida le blocage du salaire des fonctionnaires ; les résultats économiques furent infimes, mais l’agitation sociale s’en trouva renforcée. L’extrême droite française s’était aussi renforcée, mais le Front populaire face à cette crise remporte les élections en 1936. En Allemagne la crise avait permis à un homme de parvenir au pouvoir : Adolf Hitler.

1.2 – Qu’en est-il de la crise d’octobre 2008 ? Entre le 02 janvier et le 20 novembre 2008 les plus grandes places financières ont perdu presque la moitié de leur capitalisation soit environ 35.000 milliards de dollars soit plus de deux fois le produit intérieur brut américain de 2007, touchant presque tous les pays puisque Moscou pour la même période a perdu 72% de sa capitalisation et les dirigeants asiatiques japonais, chinois, indiens disent ouvertement maintenant que la crise les atteint. Existent bon nombre de similitudes entre la crise d’octobre 1929 et celle d’octobre 2008 : boom économique précédent la crise, endettement croissant et divorce entre la sphère réelle et financière, répercussion sur la sphère réelle avec la chute des valeurs technologiques (idem pour le parc transport, notamment le segment automobiles. Ainsi en octobre 2008, les ventes de voitures, ont dégringolé aux USA de 32% par rapport à la même période de 2007. Les volumes sont passés sous la barre des 900 000 véhicules pour la première fois depuis 1993, le constructeur américain Ford ayant annoncé une réduction supplémentaire de 10% de sa masse salariale aux Etats-Unis en même temps qu’une perte de 129 millions de dollars au troisième trimestre. Au quatrième trimestre 2008, le sidérurgiste va diminuer l’ensemble de sa production de 35%. L’Europe, où la situation est généralement «plus difficile» qu’ailleurs, est particulièrement touchée. Il s’ensuit une baisse du niveau de consommation des ménages et un signe inquiétant du début de licenciement. Mais à la différence de 1929 existe une nette volonté de régulation des Etats, l’économie mondiale étant en déflation (faible inflation, chômage croissance négative) et non en stagflation (inflation et chômage décroissance). Comme en témoigne la socialisation des pertes de certaines banques la rapidité des interventions des banques centrales que ce soit la FED américaine, la banque centrale européenne, la banque d’Angleterre, japonaise, russe, chinoise et indienne de coordination pour briser le cercle vicieux du manque de confiance, prêts interbancaires bloqués qui constitue l’élément vital de fonctionnement de l’économie mondiale. Car, la FED américaine avait avant la crise récente un taux directeur de (2%), depuis le 8 octobre 2008 à 1,5% et ramené le 31 octobre 2008 à 1% ; pour le taux européen, (BCE) il était de 4,50%, a baissé de 4,25%, venant d’être ramené à 3,75% depuis le 8 octobre 2008 et qui a été revu à la baisse le 6 novembre 2008 à 3,25%. La conjoncture européenne se dégrade à une telle vitesse, que la BCE a baissé une nouvelle fois son taux directeur d’un demi ou de trois quarts de point le 4 décembre 2008. Pour les dépôts en livres sterling, il devait être inférieur à 5%, le taux de la banque d’Angleterre était de 5% et a été ramenée depuis le 8 octobre 2008 à 4,50% et a été revu à la baisse à 3% depuis le 6 novembre 2008. Le taux directeur de la banque centrale du Japon (BoJ) est resté inchangé depuis février 2002 avec un taux directeur à 0,50%, et vient d’être ramené depuis le 31 octobre 2008 à 0,30%. Par ailleurs, à la différence de 1929, nous avons une interconnexion de plus en plus poussée des différents pays à l’économie mondiale supposant paradoxalement une propagation plus rapide de la crise, mais également sa résolution progressive. Avec les banqueroutes répétées, le crédit interbancaire source de l’expansion de l’économie mondiale a eu tendance à s’assécher surtout au niveau des banques d’affaires qui ont connu une expansion inégalée durant la période contemporaine. Or, à la différence d’une banque universelle, une banque d’affaires n’a pas la possibilité, en cas de conditions de marché difficiles, de s’appuyer sur les dépôts des particuliers pour lever des fonds pour le court terme, bien qu’elles continuent à émettre des dettes à court terme pour financer leur activité. Or, de plus en plus les établissements financiers auprès desquels les banques d’affaires se refinancent, refusent en période de crise de prêter par manque de confiance dans la capacité de remboursement de ces banques. C’est cette situation qui a poussé le FMI a adoucir sa position monétariste et la FED à injecter plusieurs centaines de milliards de dollars de liquidités sur les marchés et à étendre les accords de «swaps» avec ses homologues européenne, japonaise, britannique et suisse. C’est que l’accord swap permet aux banques centrales de se prêter réciproquement des liquidités à court terme pour stabiliser le système financier de son pays. Comme cette crise explique également la politique de la Réserve fédérale américaine et des autres banques de baisser leur taux d’intérêt directeur. Mais comme pour 1929, l’essence de la crise réside dans la financiarisation de l’économie mondiale déconnectée de la sphère réelle où nous avons deux types de détention d’actions. La détention directe (ceux qui les détiennent en propres) et la détention indirecte (ceux qui les détiennent par le biais d’un intermédiaire : organismes de gestion, sociétés d’assurances-vie, caisses de retraite, SICAV). Le fait nouveau réside dans la modification rapide et importante du type d’actions détenues par les ménages. La détention directe d’actions devient minoritaire, pendant que la détention indirecte s’est fortement développée. Ce sont aujourd’hui les fonds de pension qui contrôlent Wall Street gérant plus de 30% de la capitalisation boursière des USA. Ces dysfonctionnements ont été concrétisées à travers la crise des prêts hypothécaires (subprimes ) en août 2007, crise qui s’est propagée à l’ensemble des bourses mondiales avec des pertes estimées à plusieurs centaines de milliards de dollars (plus de 1500 milliards de dollars estimation provisoire en mai 2008 phénomène qui n’explique pas toute l’ampleur de la crise ( évitons de confondre l’essence et les apparences) que je résume en cinq étapes : les banques ont fait des prêts immobiliers à des ménages insolvables ou présentant peu de garanties, à des taux d’intérêts élevés ; diffusion des mauvaises créances dans le marché : pour évacuer les risques, les banques «titrisent» leurs créances, c’est-à-dire qu’elles découpent leur dette en produits financiers pour la revendre sur le marché. La mondialisation a fait le reste, en diffusant ces titres à risque dans les portefeuilles d’investisseurs de toute la planète. Les fonds spéculatifs (hedge funds) ont été de gros acheteurs de subprimes, souvent à crédit pour doper leurs rendements (jusqu’à 30% par an), et faire jouer l’effet de levier, les hedge funds empruntant jusqu’à 90% des sommes nécessaires ; retournement du marché immobilier américain : vers fin 2005, les taux d’intérêts américains ont commencé à remonter alors que le marché financier s’essoufflait. Des milliers de ménages ont été incapables d’honorer leurs remboursements entraînant des pertes pour les banques et les investisseurs qui ont achetés les titres obligataires ont vu leur valeur s’effondrer d’où la crise de confiance : les banques se sont retrouvées dans une situation ou comme dans un jeu de poker, elles savent ce qu’elles ont dans leur bilan, mais pas ce qui se trouve dans celui des autres car ces mauvais crédits immobiliers ont été achetés un peu partout dans le monde et on ne sait quelle est la répartition du risque d’où une grave crise de confiance et depuis juillet 2007, cette situation fait chuter les bourses et paralyse le marché interbancaire, les banques ne se prêtant plus ou très peu craignant que leurs homologues soient dans une ligne rouge et intervention des banques centrales : face à la paralysie du marché, les banque centrales sont intervenus massivement début août 2007 en injectant plusieurs centaines de milliards de dollars et d’euros de liquidités.

2.- Impact de l’épidémie du coronavirus et des tensions en ukraine sur l’économie mondiale, 2020/2022

2.1- Avec l’épidémie du coronavirus, nous avons assisté à des replis successifs du PIB mondial et des PIB régionaux – au cours du trimestre de 2020. Le choc est double : l’arrêt de la production dans les pays touchés porte un coup aux chaînes d’approvisionnement dans le monde entier ; la chute brutale de la consommation s’accompagne d’un effondrement de la confiance. Les mesures strictes appliquées à travers le monde, bien qu’essentielles pour maîtriser la propagation du virus, plongent toutes les économies dans une paralysie sans précédent. Selon la directrice générale du FMI Kristalina Georgieva au cours d’une téléconférence avec le G20. le 23 mars 2020, la récession mondiale consécutive à la pandémie de coronavirus a été pire que celle qui a suivi la crise financière de 2008. En 2009, le PIB mondial avait baissé de 0,6%, selon les données du FMI. Pour les seules économies avancées, il avait chuté de 3,16% et de 4,08% pour les pays de la zone euro. Mais, selon le FMI, il existe une possibilité de reprise en 2021 à condition de donner la priorité au confinement et de renforcer les systèmes de santé. Comme solution, le Fonds Monétaire International propose le financement d’urgence, se disant prêt à déployer toute sa capacité de financement, soit 1000 milliards de dollars et ce, pour soutenir les mesures budgétaires extraordinaires que de nombreux pays ont déjà prises pour renforcer les systèmes de santé et protéger les travailleurs et les entreprises concernés. Pour sa part, le groupe la Banque Mondiale, qui inclut la société financière internationale (IFC) et l’Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA), se dit prêt à déployer jusqu’à 150 milliards de dollars au cours des 15 prochains mois. Ainsi nous assistons à des mesures qui assouplissent la rigueur budgétaire. A titre d’exemple, la FED va racheter massivement de la dette bancaire, d’entreprise et immobilière, pour un montant d’au moins 700 milliards de dollars (626 milliards d’euros). La Chine a décidé dès le début de la crise de débloquer 75 milliards de dollars pour aider ses entreprises et à assouplir les crédits bancaires. Les entreprises françaises touchées par le coronavirus ont reçu le soutien de l’État, décision validée par la Commission européenne le 21 mars 2020 visant à garantir, à hauteur de 300 milliards d’euros. Pour l’Allemagne , de prêts sans limites garantis par l’État ont été accordés aux entreprises confrontées à une chute de leurs carnets de commandes pour un montant de près de 595 milliards de dollars. Au Royaume-Uni : une garantie de prêts aux entreprises à hauteur de 390 milliards de dollars et de nouvelles aides directes s’ajoutant à d’autres annoncées précédemment, pour un total de 60 milliards de dollars. Et tous les pays vont dans le même sens : Italie, Espagne, Inde, Australie etc… Ainsi les pays du G7 ont annoncé le 27 mars 2020, lors d’un sommet virtuel, leur intention d’injecter plus de 5000 milliards de dollars pour contrer les répercussions négatives de l’épidémie. Face à ces aides massives, des pays sont pénalisés car, selon le FMI, les investisseurs ont déjà retiré 83 milliards de dollars des marchés émergents depuis le début de la crise, la plus importante sortie de capitaux jamais enregistrée» ayant un impact sur les pays à faible revenu en situation de surendettement. Durant cette crise courant 2020, nous avons assisté à plusieurs scénarios de la crise ukrainienne étant venue plus tard. Ainsi, la Banque centrale européenne a abaissé ses prévisions de croissance pour 2020 et 2021 ayant prévu une croissance de l’économie de la zone de 0,8% pour 2020. Pour la Chine, deuxième puissance économique mondiale, nous avons assisté à la baisse de la production comparable à celle du début de la crise financière mondiale en 2008, la baisse dans le secteur des Services étant plus importante. En 2020, le premier ministre français, avait affirmé que la France est entrée dans une crise sanitaire jamais connue depuis un siècle et cette crise sanitaire va imposer un coup d’arrêt puissant, massif, brutal, à l’économie. Face à cette situation, nous avons assisté à une panique des bourses mondiales et à des mesures drastiques de la part des gouvernants comme par exemple l’action de la FED qui a baissé ses taux le 5 mars 2020 de 1 point, les ramenant dans une fourchette comprise entre 0 et 0,25% reprenant ses opérations d’achats de titres, connues sous le nom de «quantitative leasing» (QE) afin d’augmenter le bilan de la banque. Mais la crise ukrainienne est venue bouleverser toutes les prévisions économiques 2022/2023.

2.2 – Quelles incidences des tensions en Ukraine sur le cours des hydrocarbures, les produits alimentaires et la sécurité mondiale ? Pour le gaz traditionnel les plus grandes réserves mondiales sont détenues par la Russie 45 000 milliards de mètres cubes gazeux, l’Iran 35 000 et le Qatar plus de 15 000. La Russie possède 6,4% des réserves mondiales de pétrole et surtout 17,3% des réserves de gaz naturel étant le second producteur mondial de gaz derrière les États-Unis, mais est le premier pays exportateur au monde, l’économie russe étant très fragile parce que ses exportations sont peu diversifiées, étant fortement dépendante des hydrocarbures (gaz et produits pétroliers) qui représente 25% de la richesse produite (PIB) et 57% de ses exportations. Selon la société de conseil Enerdata, l’Union européenne est le troisième plus gros consommateur d’énergie du monde en volume, derrière la Chine et les Etats-Unis, la consommation énergétique primaire s’étant élevée à 1,3 milliard de tonnes d’équivalent pétrole en 2019 pour environ 447 millions d’habitants, contre 2,2 milliards aux Etats-Unis pour 333 millions d’habitants la même année. Plus de 70% de l’énergie disponible européenne est d’origine fossile : le pétrole (36%), le gaz (22%) et le charbon (11%) dominent ainsi les autres sources d’énergie, même si leur part dans le mix en Europe a diminué de 11 points depuis 1990. À l’inverse, les énergies renouvelables représentaient plus de 22% de la consommation finale d’énergie dans l’UE en 2020, contre 16% en 2012, avec une extrapolation de 50% horizon 2030. Selon Eurostat, les principaux fournisseurs de l’UE entre 2020/2021, étaient la Norvège (20%), l’Algérie (11%, d’autres), les Etats-Unis (6%) et le Qatar (4%) et le plus grand fournisseur étant la Russie avec 46/47% avec des disparités pour le gaz russe : l’Allemagne (66%). Ensuite, on à l’Italie 45% avec une percée de l’Algérie, la Bulgarie (75%), la Slovaquie (85%), l’Estonie (93%) la Finlande (97,6%) ou encore la Lettonie et la République tchèque (100% Italie 45%. D’autres pays sont moins dépendants comme les Pays-Bas 26%, la France 17% grâce au nucléaire, l’Espagne 10% et la Slovénie 9%. Quelle alternative au gaz russe ? Selon certains experts de l’Union européenne, une diminution, voire un arrêt total, des livraisons de gaz russe serait fort dommageable pour de nombreux pays européens, les alternatives existent, mais étant coûteuses. Pour pouvoir analyser les véritables impacts et enjeux économiques, il est intéressant d’analyser le flux des échanges commerciaux entre la Russie et le reste du monde d’une part et les flux entre l’Europe et la Russie pour 2021, selon les statistiques internationales. Pour l’Europe les principaux partenaires à l’exportation sont le reste du monde 56,5% ; les USA 18,3% ; la Chine 10,2%. On a également la Suisse 7,2%, la Russie 4,1% et la Turquie 3,6%. Les principaux pays à l’importation sont le reste du monde 49,6% ; la Chine 22,4% ; les USA 11% ; la Russie 7,5% ; la Suisse 5,9%. Et la Turquie 3,7%. Quant à la Russie, pour les importations, les principaux partenaires pour les importations sont l’Union européenne 34%, la Chine 23%, Biélorussie 5%, USA 6%, Turquie 2%, la Corée du Sud 3% et autres pays 27%. Pour les partenaires en matière d’exportation, nous avons l’Union européenne 38% ; la Chine 14% ; Biélorussie 5% ; USA 3% ; Turquie 5% ; et la Corée du Sud 4% et autres 31%. Ainsi, du du fait de l’interdépendance des économies au niveau mondial, cette situation a des retombées négatives sur la Russie où une simulation de l’Union européenne de fin février 2022, donne un impact négatif sur le PIB russe, moins 2,9% pour le gaz, les exportations gazières vers l’Europe représentant à elles seules entre 15/20% du PIB. Mais les impacts sont également négatifs sur le reste du monde où, selon le FMI, le risque est une récession de la croissance mondiale, tous les pays y compris la Chine dont sa future stratégie de la route de la Soie et uniquement pour l’Allemagne, locomotive de l’économie européenne, la croissance risque d’être divisée par deux pour 2022, selon la Banque centrale allemande. A court terme, vouloir substituer totalement le gaz russe par d’autres partenaires est très problématique, car, l’investissement hautement capitalistique étant lourd et à maturation très lente, malgré le gel du Stream2 d’une capacité de 55 milliards de mètres cubes gazeux d’un coût supérieur à 11 milliards de dollars qui constitue une perte sèche pour la Russie. La flambée du prix du gaz et du pétrole se répercutent sur toute la chaîne des valeurs, en économie, la production étant production de marchandises par des marchandises. Car, outre, la très grande dépendance de l’Union européenne au gaz russe, existent également celle de plusieurs métaux indispensables à la transition écologique comme le nickel, le palladium ou encore l’aluminium, un enjeu stratégique qui pourrait freiner le développement des batteries électriques, des pales d’éoliennes ou des panneaux solaires. Le pays est également un des plus gros producteurs de nickel au monde, le troisième derrière l’Indonésie et les Philippines. Et du côté aluminium, les Russes pèsent 6% de l’approvisionnement mondial, une part faible, mais assez importante pour faire hausser les prix. Cela influe sur les endettements des États contraints pour garantir à court terme la cohésion sociale. L’éventuelle récession mondiale en 2022, selon une note du FMI début mars 2022, avec des impacts négatifs tant pour la Russie que l’Europe du fait de l’interdépendance des économies, risquant d’accroître les pénuries, accroître l’inflation et la dette publique des Etats qui est passée antérieurement du fait de l’épidémie du coronavirus, d’environ 70% du PIB en 2007 à 124% du PIB en 2020, la dette privée, ayant augmenté plus lentement, passant de 164% à 178% du PIB au cours de la même période. Au niveau mondial, selon le FMI, pour 2020 la dette globale a atteint un montant de 226 000 milliards de dollars ayant augmenté de 28 points de pourcentage pour atteindre 256% du PIB mondial.

Les emprunts contractés par les États représentent un peu plus de la moitié de cette augmentation : le ratio de la dette publique mondiale à un niveau record de 99% du PIB mondial et la dette privée contractée par les sociétés non financières et les ménages avec une accélération du processus inflationniste aux États-Unis et en Europe restera pour l’année 2021, hausse des prix ayant atteint 6,8% outre-Atlantique, un record depuis près de 40 ans, et près de 5% en zone euro. Et cela devrait s’accentuer en cas de non-résolution de la crise ukrainienne en 2022/2023. Mais l’impact serait plus dramatique sur les pays importateurs de produits alimentaires pas seulement l’Algérie et l’Égypte, et les plus vulnérables n’ayant pas les moyens de financement. Comme la Tunisie, le Liban et les pays d’Afrique Sub-saharienne. Ils sont les plus vulnérables, posant d’ailleurs un problème de sécurité alimentaire mondiale, Aussi les pays producteurs d’hydrocarbures peu diversifiées, ne doivent pas se réjouir de la hausse des prix du pétrole/gaz car de qu’ils gagnent d’un côté, ils peuvent le perdre avec l’accroissement de la valeur des importations biens d’équipements pour les matières premières pour relancer leur économie que des biens consommables, avec là aussi des tensions sociales. En effet, la Russie et l’Ukraine, grâce à leurs riches terres fertiles, les «tchernoziom», sont devenus des puissances agricoles de premier plan. Cela avec leur production de blé, maïs, orge ou tournesol. La Russie s’est imposée comme le premier exportateur mondial de blé, et l’Ukraine a écoulé à elle seule plus de la moitié de l’huile de tournesol commercialisée sur la planète. C’est que la Russie, et l’Ukraine représentent 30% des exportations mondiales de blé et d’orge. L’Ukraine étant le 4e exportateur mondial de maïs. Le 5e en blé. Le 3e en orge. Et elle détient des positions dominantes sur le marché mondial en tournesol. C’est-à-dire en huile. Mais également en tourteaux. Particulièrement, pour l’alimentation animale. La tonne de maïs, sur l’échéance rapprochée d’une livraison en mars, se cotait le 3 mars 2022 à 280 € et,  selon certains experts pourrait atteindre entre 450/500 €, il en est de même pour les prix du tournesol, les deux pays représentant près de 80% des exportations mondiales d’huile de tournesol. Face à cette situation qui menace la sécurité alimentaire bon nombre de pays producteurs comme l’Inde annoncent soit le gel soit des restrictions de leurs exportations de biens alimentaires accroissant l’inflation mondiale. Quant aux incidences des sanctions économiques contre la Russie, les finances étant le nerf de la guerre, par l’éviction du système SWIFT et le blocage du système de messagerie interbancaire, imposée par les pays occidentaux, a conduit Moscou à étudier des alternatives dont le paiement du gaz en roubles et de se tourner vers le système de paiement interbancaire transfrontalier (CIPS) qui a été développé par la Chine en 2015, le système de paiement CIPS étant principalement utilisé pour régler les crédits internationaux en yuan, agissant comme un système alternatif au traditionnel Swift créé en 1973, bien qu’il n’en soit pas encore totalement indépendant. Mais les exportations de la Chine vers les USA et l’Europe représentent plus de 60%, explique sa relative neutralité vis-à-vis de ce conflit. Alors quelles options s’offrent encore au gaz russe ? Pour exporter son gaz et son pétrole, la Russie peut contourner partiellement les sanctions financières, en s’orientant vers la Chine où les relations commerciales de Pékin et de Moscou étant régies à 17,5% par le yuan contre 3,1% en 2014, donc étant encore marginales bien qu’en progression. Aussi, malgré une intensification des échanges gaziers avec la Chine, comme le fameux gazoduc «Power of Siberia» environ 2000 km dont le coût provisoire, pour une capacité en 2022-2023 de 38 milliards de m3 par an, soit 9,5% du gaz consommé en Chine, comme montré précédemment la majeure partie des échanges de la Russie se fait avec l’Europe, représentant à elles seules entre 15/20% du PIB russe. La Russie ayant une dette relativement faible, moins de 20% du PIB en 2021, peut vendre une partie des yuans représentant 13% environ des devises et une partie de son stock d’or, environ 2299 tonnes et utiliser ses réserves de change qui, selon les données de la Banque centrale de Russie sont estimées à environ 630 milliards de dollars en janvier 2022, mais dont environ 300 milliards de dollars sont bloquées au niveau des banques occidentales.

En conclusion, avec l’impact du coronavirus et les tensions en Ukraine, le monde ne sera plus jamais comme avant confronté à des évènements futurs, les cyberattaques, supposant la maîtrise de la transition numérique, le réchauffement climatique, avec la crise de l’eau qui menace la sécurité alimentaire mondiale. Le monde devra accélérer la transition énergétique et s’orienter vers un MIX énergétique, existant d’autres alternatives que les énergies traditionnelles qui seront encore pour longtemps dominantes entre 2022/2030, dans le bouquet énergétique. Le premier axe est l’efficacité énergétique où la sobriété peut permettre des économies variant entre 30/50%. Le second axe est le développement des énergies renouvelables devant combiner le thermique et le photovoltaïque dont le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir. Le troisième axe, selon les experts, horizon 2030/2040, est le développement de l’hydrogène comme source d’énergie pour le transport et le stockage des énergies intermittentes et pourrait aussi permettre de produire directement de l’énergie ; tout en protégeant l’environnement. L’hydrogène en brûlant dans l’air n’émettant aucun polluant et ne produisant que de l’eau. Espérons le dialogue, au lieu des conflits, dans toutes les contrées du monde, afin de promouvoir l’esprit de paix et de tolérance. Tout cela nécessite en ce XXIe siècle la promotion de la culture, celle-ci étant le fondement du dialogue des civilisations, source d’enrichissement mutuel, où chaque Nation devra concilier la modernité et ses traditions. C’est que l’ère des confrontations n’a eu cours que parce que les extrémistes ont prévalu. Connaître l’autre, c’est aller vers lui, c’est le comprendre, mieux le connaître. Face à un monde en perpétuel mouvement, tant en matière de politique étrangère, économique, que de défense, actions liées, se posent, l’urgence d’une coordination qui devrait être internationale et régionale, le but étant d’agir efficacement sur les événements majeurs afin de faire de notre monde, un lac de paix et de prospérité partagée.

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