Des stratégies d’adaptation s’imposent pour l’Afrique où se dessine une nouvelle architecture des relations internationales. Aussi sans verser ni dans la sinistrose, ni dans la satisfaction, il s’agira d’établir un bilan serein de la foire intra africaine IATF 2025, et notamment sur l’économie algérienne objet de cette brève contribution.
1 ;- l’Algérie doit faire face à de nombreux concurrents
L’Afrique est l’objet de toutes les convoitises comme en témoignent les différentes rencontres mondiales -USA-Afrique- Europe –Afrique – Russie Afrique – Chine Afrique – Inde Afrique – Japon Afrique – Turquie Afrique et bien d’autres rencontres . La concurrence est vivace alors que l’intégration intra africaine selon la Cnuced , variant selon les années entre 2O22/2O25 varie entre 15/17%, les échanges commerciaux de la majorité des pays africains se faisant soit avec l’Occident pour des raisons historiques , plus récemment avec la Chine, et des pays émergents et pour l’armement avec la Russie. Ainsi en prenant quelques pays , nous avons la Chine qui en 2024, pour les échanges commerciaux avec l’Afrique ont atteint un record de 295,6 milliards de dollars, enregistrant une croissance de 4,8% par rapport à 2023. La Chine est restée le premier partenaire commercial de l’Afrique pour la seizième année consécutive, avec 178,76 milliards de dollars d’exportations vers le continent et 116,79 milliards de dollars d’importations, Par contre les .investissements chinois en Afrique atteignent un record de 39 milliards de dollars en 2025, en hausse de 20 % par rapport à l’année 2024. . L’Union européenne , représente 31% des exportations et 29% des importations africaines en 2024. L’investissement de l’Europe en Afrique, sous l’égide de l’UE, vise un partenariat renouvelé avec au moins 150 milliards d’euros d’investissements prévus, s’appuyant sur des initiatives comme Global Gateway ; ces fonds, incluant les infrastructures, la transition énergétique, l’agriculture, le secteur privé et le développement social, avec un accent sur le renforcement des capacités locales. Les États-Unis se sont engagés à investir 55 milliards de dollars en Afrique sur trois ans, un objectif qui a été largement dépassé, avec plus de 65 milliards de dollars engagés et dépensés depuis le sommet. Les investissements directs étrangers (IDE) américains ont atteint 56,29 milliards de dollars en 2023, en hausse par rapport aux années précédentes. De plus, la société de financement du développement international – DFC , des États-Unis a consacré plus de 2 milliards de dollars en 2023, soutenue par l’initiative Prosper Africa qui a facilité 547 accords bilatéraux, augmentant de 60% le nombre et la valeur des contrats. La Russie . Le Sommet et le Forum économique Russie-Afrique ont eu lieu les 23 et 24 octobre à Sotchi sous la devise « Pour la paix, la sécurité et le développement ». En dehors du matériel militaire difficile à évaluer pour des raisons de sécurité défense, au cours des cinq dernières années, le volume des échanges commerciaux entre la Russie et l’Afrique a plus que doublé dépassant 20 milliards de dollars.. L’Inde revendique 75 milliards de dollars d’investissement entre 1996/2O24 selon l’agence officielle indienne. Le Japon lors de la neuvième Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique, s’est tenue du 20 au 22 août 2025 a eu comme principal objectif de concurrencer les nouvelles routes chinoises de la soie. En 2024, les échanges commerciaux entre le Japon et les pays africains s’élevaient à 8,9 milliards de dollars mais seulement 0,5 % des investissements vont vers l’Afrique, le Japon promet de consacrer jusqu’à 3 200 milliards de yens à des initiatives publiques et privées en Afrique sur cinq ans.
Mais nous avons une tendance plus large dont la Turquie et trois pays du Golfe dans le Golf dont l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et le Qatar et sans oublier d’autres pays qui augmentent leurs investissements en Afrique pour s’assurer de la nourriture, de l’énergie et de l’influence géopolitique. La Turquie Les investissements turcs en Afrique ont considérablement augmenté, le volume des échanges commerciaux étant multiplié par huit en vingt ans, pour atteindre 40,7 milliards de dollars en 2022. L’accent est mis sur la coopération économique et le renforcement des partenariats, notamment dans les secteurs de la construction, des mines (comme au Niger), de l’aviation (via Turkish Airlines), et de l’armement, où la Turquie est un exportateur majeur, en particulier de drones. Des investissements importants sont également visibles en Somalie, où les entreprises turques gèrent des ports et des infrastructures. Les entreprises turques ont réalisé 1864 projets d’infrastructures d’une valeur cumulée de 85,4 milliards de dollars en Afrique à fin 2023, L’Arabie saoudite cherche à se repositionner dans un ordre mondial en plein changement. Bien que tardif, l’engagement africain du royaume saoudien combine ambition géopolitique, intérêts commerciaux et diplomatie d’influence. L’Arabie Saoudite lors d’un forum organisé le 28 octobre 2024 s’est engagé à mobiliser 41 milliards de dollars en faveur de l’Afrique. Les Émirats arabes unis ont des investissements croissants en Afrique, se concentrant sur les infrastructures (ports, logistique), les mines et les énergies renouvelables, notamment en Afrique de l’Est et en Angola. Ces investissements se sont élevés à plus de 100 milliards de dollars entre 2012 et 2024.. Le Qatar visant à réduire sa dépendance à l’égard des hydrocarbures, qui représentent encore environ 60 % de son PIB., le plan national Vision 2030 a pour but d’investir en Afrique dans la finance, les services, le tourisme et la technologie, .Al Mansour Holdings, l’un des plus grands conglomérats du Qatar, a annoncé son intention d’investir 103 milliards de dollars dans six pays africains. dont la République démocratique du Congo recevra l’allocation la plus importante (21 milliards de dollars), suivie par le Mozambique (20 milliards de dollars). La Zambie et le Zimbabwe recevront chacun 19 milliards de dollars, tandis que le Botswana et le Burundi recevront 12 milliards de dollars chacun.
2.-Face à la concurrence internationale, l’Algérie doit diversifier son économie pour pouvoir exporter vers l’Afrique
Dans ce cadre ,pour apprécier l’impact sur l’économie algérienne, l’on doit répondre à quatre 5 questions.
Premièrement, ne s’agit –il pas d’évaluer au préalable le bilan et les potentialités de l’économie algérienne où la majorité de ses échanges se font avec l’Europe( 5O%) et si on inclut la Chine, les USA et la Turquie plus de 8O%, sans compter l’achat du matériel militaire avec la Russie . Or, selon l’ONS, les hydrocarbures continuent de générer l’essentiel des recettes extérieures de l’Algérie, avec 47,1 milliards d’euros en 2024. contre 5O en 2O23 et 6O milliards de dollars en 2O22, les hydrocarbures représentant plus de 98% de recettes en devises avec les dérivées inclus dans la rubrique hors hydrocarbures pour plus de 65%. Selon l’ONS les exportations hors-hydrocarbures ont atteint 5,81 milliards de dollars en 2022, 4,77 milliards de dollars en 2023., en 2024 la baisse a continué avec 3,56 milliards en 2024 et durant le premier trimestre 2025 , 885 millions de dollars contre par rapport à la même période en 2024 de 982 millions de dollars s’orientent en tendance annuelle pour 2025 moins de 3,5 milliards de dollars Face à la concurrence internationale en Afrique, . sur une valeur totale –importations et exportations d’environ 95 milliards de dollars , en 2O23 selon les statistiques douanières, les échanges commerciaux entre l’Algérie et l’Afrique en 2023 selon les statistiques officielles ont atteint 4,6 milliards de dollars, avec 2,7 milliards de dollars d’exportations vers le continent et 1,87 milliard de dollars d’importations soit 4,8% de ses échanges.
Deuxièmement, selon le rapport final d’Afreximbank ,la foire intra africaine IATF tenue à Alger du 4 au 10 septembre 2025 a généré 48,3 milliards de dollars de transactions, comprenant 11,4 milliards de dollars de contrats signés par l’Algérie. Cependant, l’on doit d’abord distinguer, d’une part, investissement et commerce et d’autre part distinguer contrat applicable immédiatement et lettres d’intention qui n’engagent nullement le contractant supposant de longues négociations pouvant être ou ne pas être concrétisés. Par ailleurs, il faudra rapporter ce montant au commerce global intra africain où en 2024 le volume des échanges commerciaux i a atteint en 2024, environ 208 milliards de dollars, soit 15% du commerce total .(source données lors de cette foire) ..et extra africain , soit 85% sur une valeur totale de 15OO milliards de dollars de biens non compris les services en 2024. Comme il faudra rapporter ce montant sur la valeur estimée du commerce mondial de biens d’environ 33.OOO milliards, soit 4,5% du commerce mondial, cependant en croissance modérée par rapport aux années précédentes où il oscillait entre 2/3%.
Troisièmement, pour l’Algérie mono exportateur d’hydrocarbures ayant 25OO milliards de mètres cubes gazeux et entre 11/12 milliards de barils de pétrole( source APS conseil des ministres 2O22) étant fortement concurrencés par d’autres pays comme le Nigeria, premier réservoir de gaz plus de 55OO milliards de mètres cubes gazeux, en Afrique suivi récemment du Mozambique,5OOO milliards de mètres cubes gazeux, et de la Libye premier réservoir de pétrole en Afrique ( plus de 44 milliards de barils) et devant compter sur de nouveaux producteurs comme le Gabon et récemment le Sénégal- Mauritanie avec l’importante gisement de l’Île de la Tortue mis en exploitation courant 2025. Il y aura lieu aussi de prendre en compte l’impact du conflit entre l’Europe et l’Algérie du fait de la restriction des importations , l’UE accusant un important déséquilibre commercial ,ayant mis en œuvre l’arbitrage international, les contrats fermes avec l’Europe des USA pour accroître ses exportations de gaz et surtout l’Italie principal client ayant signé l’accord avec les USA, pour accroître ses importations de gaz avec le choix d’Edison de réduire ses importations en provenance d’Alger au profit du GNL américain, sans oublier l’important contrat de l’INI de 8 milliards de dollars en 2023 avec la Libye. Et donc se pose cette question quel sera la part de des exportations hors hydrocarbures de l’Algérie au niveau de l’Afrique et hydrocarbures principale ressource en devises surtout si le prix tant du gaz et du pétrole est appelé à baisser en 2026 selon les prévisions de l’AIE, une moyenne pour 2O25 , d’environ 65%66 dollars le Brent et 3O /32 dollars le mégawattheure de gaz pour 2025 ? Car ayant pour concurrent trois pays proche de d ‘ l’Asie ayant conclu d’importants contrats notamment avec la Chine et ‘l’Inde (2,8 milliards d’habitants) , qui représentent 5O% des réserves mondiales de gaz la Russie, 35.OOO millairds de metres cubes gazeux, l’Iran 32.OOO e tle Qatar 22.OOO , l’Algérie représentant 25OO, avec le coût de transport, il n’est pas rentable d’aller vers l’Asie devant contourner toute la corniche de l’Afrique et pour le gazoduc Nigeria Europe , sans l’accord du Niger ( plus de 900 km de canalisation bien entendu via l’accord de la Russie) ce projet est irréalisable.
Quatrièmement , les différents contrats ne seront- ils pas freiné ( dans le commerce international tout se fait en temps réel loin des entraves bureaucratiques) par les récentes dispositions du ministère du commerce extérieur mesures administratives trop lourdes dans le but de freiner les importations afin de sauvegarder le niveau des réserves de change ( vision statique) alors que tant pour les entreprises publiques que privées , le taux d’intégration entre 2024/ 2025 ne dépasse pas 15%, équipements et matières premières étant importées y compris les contrats de Sonelgaz et ces mesures ne sont-elles pas en contradiction avec les règles qui régissent la Zone De libre échange intra –africaine qui postulent le libre échange avec un dégrèvement tarifaire progressif.
Cinquièmement , outre la concurrence internationale évoquée précédemment, la pratique des affaires économiques internationales et de tout entreprise étant de maximiser le taux de profit , appartenant à l’Etat régulateur de concilier les coûts sociaux et les coûts privés, il s’agira pour les produits exportées par l’Algérie de dresser la balance devises nette en soustrayant la valeur de, l’amortissement des équipements et des matières premières importés en devises, , les bonifications des taux d’intérêts et le coût du transport variant selon qu’il soit par avion, terrestres ou maritime étant non rentables pour des pays enclavés d’Afrique dont la distance varie entre 1OOO et 3OOO km Il faut être réaliste car pour l’instant selon l’ONS, les hydrocarbures continuent de générer l’essentiel de ses revenus en devises et avec la chute des exportations de biens non énergétiques fragilise limite les revenus alternatifs, du fait du manque de diversification économique.
En conclusion, , selon la Banque la mise en œuvre des mesures de la ZLECAf permettrait de réorganiser les marchés et les économies de la région et de stimuler la production dans les secteurs des services, de l’industrie manufacturière et des ressources naturelles par la création d’un marché commun de biens et de services qui renforcera la complémentarité économique du continent , stimulera le commerce intra-africain , augmentera les revenus de l’Afrique et permettra à des millions d’Africains de sortir de l’extrême pauvreté.
Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane Mebtoul






