Les six nouveaux membres des BRICS et la nouvelle recomposition du pouvoir économique mondial

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Lors de la réunion du 22 jusqu’au 24 août 2023 du sommet des BRICS en Afrique du Sud, en rappelant que le vote s’est fait à l’unanimité et non la majorité simple, six pays sont devenus membres, l’Arabie saoudite, l’Argentine, l’Egypte, l’Iran, les Emirats arabes unis et l’Ethiopie, le communiqué final ne mentionnant aucun observateur, qui s’ajoutent aux cinq membres fondateurs, la Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud. 

Pour le cas Algérie qui a déposé sa demande d’adhésion, comme je l’ai mis en relief à maintes reprises,  les résultats économiques sont loin de ses importantes potentialités, devant améliorer la gouvernance et accélérer les  réformes sur le terrain, loin des discours démagogiques. Comme dit l’adage à tout malheur est bon.  L’on devra analyser avec lucidité et sans passion pourquoi la candidature de l’Algérie n’a pas été retenue, selon des analyses objectives. (voir notre interview à l’hebdomadaire parisien Le Point et au quotidien arabophone algérien El Massa), Car, j’ai pu constater malheureusement dans différentes interviews que  certains soi-disant experts organiques  selon l’expression du célèbre philosophe italien Antonio Gramsci, voulant plaire en contrepartie d’ une rente, ont   annoncé sans nuances que l’Algérie serait membre des BRICS, ayant induit en erreur les plus hautes autorités du pays. Or, les lois économiques sont insensibles aux slogans politiques et un langage de vérité s’impose, ni sinistrose, ni autosatisfaction, pour redresser l’économie nationale toujours tributaire de la rente des hydrocarbures, environ 97/98% des recettes en devises avec les dérivées inclus dans la rubrique  hors hydrocarbures pour plus de 60%.

1- Il semblerait que l’indicateur déterminant, outre des considérations politiques et géostratégiques, ait été le produit intérieur brut avec un cas exceptionnel l’Ethiopie. Rappelons que le  produit intérieur brut aux prix du marché vise à mesurer la richesse créée par tous les agents, privés et publics, sur un territoire national pendant une période donnée. Agrégat clé de la comptabilité nationale, il représente le résultat final de l’activité de production des unités productrices résidentes, mais devant l’éclater par branches pour une appréciation objective. Pour le PIB des BRICS, constitués de cinq Etats, nous avons  respectivement : la   Chine 17.963,- l’Inde 3.385  – la Russie 2.240, milliards de dollars   -le Brésil 1.920  milliards de dollars et  l’ Afrique du Sud 406  milliards de dollars, soit  au total nous aurons   25.914 milliards de dollars pour  2022  soit près de 26% du PIB mondial pour une population approchant 3,2 milliards d’habitants, la Chine représentant  en 2022 69,32% du BRICS et près de 18% du PIB mondial.). Pour les pays retenus comme nouveaux membres candidats nous avons par ordre décroissant :l’Arabie  saoudite 1108 milliards de dollars; Argentine 632 milliards de dollars,  6-Emirates 508 milliards de dollars, Egypte 404 milliards de dollars, Iran 388 milliards de dollars -Ethiopie 127 milliards de dollars. Pour les fondateurs des cinq pays des BRICS, nous aurons   25.914 milliards de dollars pour  2022  soit près de 26% du PIB mondial pour une population approchant 3,2 milliards d’habitants, la Chine représentant  en 2022 69,32% du BRICS et près de 18% du PIB mondial. Les nouveaux membres  des BRICS représentent un PIB d’environ  de 3167 milliards de dollars  ce qui donne un total pour les 11 pays  de  29.000 milliards de dollars soit 29% du PIB mondial pour 2022, pour une population approchant les 45% de la population mondiale.

2- Par ailleurs, le  Forum des BRICS  a abordé le rôle  de la  banque de développement des BRICS à ne pas confondre avec les candidatures à l’adhésion des BRICS qui relève d’autres critères, notamment le niveau des réserves de change qui doit provenir du travail et non d’une rente. Aussi, pour éviter une interprétation  biaisée  les réserves de change et le  niveau d’endettement sont une condition nécessaire mais non suffisante  de  l’indice du développement d’une Nation, l’objectif étant de transformer cette richesse virtuelle en richesses réelles. La  monnaie, qui est avant tout un rapport social, traduisant le rapport confiance Etat/citoyens, est un signe permettant les échanges ne créant pas de richesses. Au contraire, la thésaurisation et la spéculation dans les valeurs refuges comme l’or, certaines devises ou certaines matières premières sont nocives à toute économie. Au vu du poids économique donc de l’importance de la sphère réelle, il n’existe pas de corrélation entre les pays les plus riches et le niveau des réserves de change, le cas des USA.  La richesse de toute nation provient de la bonne gouvernance, permettant la création de valeur ajoutée reposant sur le travail et l’intelligence -Selon le FMI  le niveau des les réserves de change pour le G7 est le  suivant:  Allemagne, 292 milliards de dollars, Canada, 108, Etats-Unis d’Amérique, 37, France, 221,  Grande-Bretagne, 180,  Italie, 224 et le Japon 1.226 milliards de dollars. Pour les cinq pays des BRICS, pour la même période nous avons le montant suivant des réserves de change  : Chine,  3.133,- l’Inde,  572 – la Russie,  574 -le Brésil, 331 et  l’Afrique du   61 milliards de dollars. Pour les six membres retenus nous avons, l’Arabie saoudite  458 milliards de dollars, -l’Argentine 275;  Emirates  115   -l’Iran ;  65 ;. l’Egypte   34 ;  Éthiopie 1,6 milliards de dollars.  Selon Dilma Rousseff, présidente de la NDB depuis mars dernier et ancienne présidente de l’Etat du Brésil, dans un entretien accordé au Financial Times à la veille du 15e sommet des BRICS a déclaré que  «la banque examine actuellement les demandes d’adhésion d’environ 15 pays, bien qu’elle ne soit susceptible que d’en approuver quatre ou cinq». L’objectif  vise  à s’affranchir  des institutions de Bretton Woods mises en place après la Seconde Guerre mondiale (Fonds monétaire international et Banque mondiale). Depuis mars 2023, cette banque dotée d’un capital initial de 50 milliards de dollars, capital qui a ensuite été porté à 100 milliards de dollars dont la Chine détient plus de 40 % du capital. Les avantages de la Nouvelle Banque de développement devraient tourner qui ont déjà permis de transformer le forum de stabilité financière en conseil de stabilité financière, serait la promotion de l’usage des monnaies nationales des pays membres, ce qui pourrait promouvoir le commerce intérieur et l’investissement réciproque de ces pays, réduisant ainsi la dépendance au dollar  et  la mise en place d’un mécanisme de paiement durable pour le commerce bilatéral des pays BRICS. L’objectif à moyen et long terme serait  la création d’une monnaie commune adossée au niveau des réserves de change et l’or. Cependant , il faut être réaliste, outre des systèmes politiques et économiques  hétérogènes, selon les données du FMI du 28 avril 2023, la part du dollar, dans les paiements mondiaux s’élève à environ 38 %, l’euro faisant jeu égal avec le dollar et la part du dollar dans les réserves de change mondiales est passée de 71 % en 1999, à 58 % en 2022, l’euro 20,5 %, le yen 5,5 %, la livre sterling 5 % et le yuan chinois 2,7 %. L’indépendance relative des BRICS vis-à-vis du dollar et accessoirement de l’euro sera fonction entre 2023/2030   de leur part dans le commerce mondial qui a atteint, en 2022, 32.000 milliards de dollars. Une monnaie commune qui cohabiterait avec le dollar et  l’euro  est un objectif à long terme, (plusieurs décennies pour instaurer l’euro), problème technique complexe qui suppose une uniformisation des taux de change, fonction  du poids économique de chaque pays,  et une coordination de toutes les banques centrales.

En conclusion, actuellement, les  BRICS sont pour l’instant  un Club  non structuré  en secrétariat général,  et  commissions  comme le G7, avec  des  structures  politiques et économiques différentes. Mais son poids économique croissant devrait modifier l’actuelle   architecture  des relations internationales s’orientant vers   un monde multipolaire  afin de favoriser un co-développement mondial  et lutter  contre les inégalités et la pauvreté. L’action  des BRICS a permis de soulever des problèmes jusque-là ignorés par les pays développés comme le déséquilibre de l’économie mondiale et qu’il  ne peut y avoir de développement global sans le développement et la prospérité de la majorité des pays en voie de développement et qu’il s’agit de  respecter le  choix du système politique et économique de chaque nation, tenant compte de son histoire et de son anthropologie.

Abderrahmane Mebtoul, professeur des universités