Longtemps ignoré par la médecine, le nombril révèle aujourd’hui ses secrets. Des chercheurs japonais ont découvert une structure fibreuse inédite qui expliquerait pourquoi certains s’incurvent vers l’intérieur tandis que d’autres ressortent. Vous vous êtes déjà demandé pourquoi certaines personnes arborent un nombril qui ressort fièrement, alors que d’autres exhibent leur cavité discrètement creusée sous leur crop top? On ne peut pas dire que la question passionne la communauté scientifique: le nombril est l’une des parties du corps humain les moins étudiées par la médecine. Pourtant, une équipe de chercheurs affirme avoir trouvé, presque par hasard, un début d’explication. Le nombril rentré serait lié à une structure jusqu’alors inconnue, un dispositif fibreux l’aspirant vers l’intérieur, comme le rapporte un récent article de New Scientist. Les anatomistes ne se sont pas toujours entendus sur la définition de l’ombilic. En 1904, on distinguait trois catégories: cicatrice horizontale, cicatrice verticale ou forme ronde. Une dizaine d’années plus tard, un chercheur proposait une classification en soixante types et sous-types. Aujourd’hui, il existe un accord tacite sur deux formes décrivant la première cicatrice formée après la coupe du cordon ombilical. Pour environ 90% de la population, le nombril est creux, formant une cavité concave; chez les 10% restants, il est proéminent. Selon Satoru Muro, chercheur à l’Institut des sciences de Tokyo, l’anatomie de l’ombilic demeure «totalement méconnue». Avec son équipe, il a finement analysé au microscope la zone autour du nombril de cinq corps humains. Objectif de la recherche: optimiser les techniques de chirurgie abdominale (souvent pratiquées par une incision au niveau du nombril) et réduire le risque des hernies incisionnelles ombilicales, qui surviennent chez 3 à 20% des patients opérés par chirurgie abdominale.
Le coupable, c’est le tunnel fibreux
En menant leurs analyses, les scientifiques ont découvert une «structure fibreuse en forme de tunnel» sous la peau du nombril, qui se prolonge dans les tissus profonds. Ces tissus, aussi appelés fascias abdominaux, stabilisent l’abdomen et maintiennent les organes en place. «Cette structure est composée de fibres de collagène, disposées de manière circulaire comme un manchon, que nous avons baptisé “gaine ombilicale“», explique Satoru Muro. Cette gaine ancre la dépression ombilicale vers les fascias profonds, maintenant la forme incurvée vers l’intérieur du nombril. «Les différences individuelles dans le développement ou la robustesse de la gaine ombilicale expliqueraient la formation de nombrils proéminents.» Reste un problème: les cinq corps étudiés présentaient tous un nombril creux. Des travaux supplémentaires sur un échantillon plus large –incluant des personnes au nombril proéminent– seront nécessaires pour confirmer cette première découverte. Kat Sanders, professeure d’anatomie à l’Université de Sydney, y voit déjà un intérêt: «Cet article éclaire une partie de notre anatomie encore largement ignorée, avec des implications chirurgicales concrètes, notamment pour les interventions laparoscopiques [opérations qui permettent, par une petite ouverture sur la paroi de l’abdomen, d’observer l’intérieur de la cavité pelvienne et d’intervenir sur les organes, ndlr].»
