C’est en été, en prenant la route que l’on se rend compte de l’état de déliquescence avancée de nos paysages. Tout au long du trajet, nous pouvons constater de visu à quel point les bords de route sont jonchés de toutes sortes de détritus et à certains endroits, c’est carrément un amoncellement d’immondices qui virevoltent au vent sous les essaims denses des mouches. Dans les centres urbains, la situation n’est guère plus reluisante et, à peine passés les agents de nettoyage que les rues et les trottoirs sont aussitôt envahis par les ordures de toutes sortes avec une prime pour les bouteilles en plastique que l’on jette des vitres des voitures luxueuses. Comment donc en est-on arrivés là, à considérer l’espace public come une poubelle? Il y a d’abord une sorte de couardise à jeter ses ordures par terre puisqu’on le fait souvent loin des regards, conscients de l’immoralité de l’acte. Et c’est là que se situe tout le problème : dans cette pleine conscience du délit qu’on commet quand même. Sans doute parce qu’en jetant les ordures, il y a cette velléité à prendre sa revanche sur «le beylik», l’Etat. De plus, l’école accuse un grave déficit dans l’apprentissage du respect de la nature et à ce jour tout ce qui touche à l’écologie relève de l’indifférence voire du mépris. Il fut des temps lointains où la première leçon de la journée était consacrée à l’instruction civique. L’institutrice (on disait la maîtresse) passait d’abord dans les rangs pour vérifier si nous nous étions coupés les ongles, et ensuite commençait la leçon qui nous invitait à ne pas salir, ne pas jeter des ordures par terre, respecter les grandes personnes, ne pas élever la voix…Depuis, cette discipline a été remplacée par l’instruction religieuse sauf que les programmes ont fait plus du formatage que l’apprentissage de la vie sociale. Ces préceptes de propreté, de respect d’autrui, de tolérance…comme le dicte notre religion. Et voilà le résultat : tout un pays qui croule sous les immondices, faute de savoir-vivre.