Le secteur de l’information est en pleine mutation. Il se transforme progressivement mais sûrement. Avec l’élaboration de trois nouveaux textes de loi qui seront soumis bientôt devant le Parlement pour débat et enrichissement, le secteur aura franchi un pas important sur la voie de la réforme et pour se mettre au diapason des grandes mutations que connaît le monde dans ce domaine.
En effet, la nouvelle loi organique sur l’information vise à mettre en place un cadre législatif qui répond notamment aux attentes du citoyen en matière d’information et lui donner un caractère novateur en conformité avec les principes édictés par la Constitution, ainsi qu’aux exigences inhérentes aux missions de service public et à l’intérêt général. En ce sens, ce projet de loi organique qui comprend 55 articles exprime «la volonté des pouvoirs publics de donner à cette refonte un caractère novateur en conformité avec les principes édictés par la Constitution, en harmonie avec les mutations induites par le développement technologique et en accord avec les standards internationaux», est-il relevé dans le document, soulignant que ce texte «contribuera, à travers ces nouvelles dispositions, à consolider la liberté de la presse écrite, audiovisuelle et électronique et à favoriser l’émergence d’une presse solidement ancrée dans les réalités nationales, consciente des enjeux et respectueuse de l’éthique et de la déontologie». En outre, le projet de loi a retenu plusieurs axes, en premier l’instauration d’un régime déclaratif et ce, en application des dispositions de l’article 54 de la Constitution de 2020 qui prévoit l’instauration d’un «régime déclaratif visant la simplification et l’allègement des procédures en matière de création des publications périodiques (journaux et revues) en remplacement de l’agrément». L’autre axe consiste en la création d’une Autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique qui est une «autorité indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière, chargée de la régulation des activités de la presse écrite et de la presse électronique». Dans un autre registre et «afin d’écarter l’investissement de l’argent sale dans le secteur de l’information, il est fait obligation aux organes de presse de déclarer auprès du ministère chargé de la Communication ou de l’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel, selon la nature de l’activité, l’exclusivité du capital social, l’origine des fonds investis et des fonds nécessaires à leur fonctionnement. De son côté, le projet de loi relative à la presse écrite et la presse électronique et les règles afférentes à son organisation, sa régulation et son contrôle vise à répondre aux attentes des médias en prenant en compte les propositions issues des consultations engagées auprès de la corporation. Cette démarche, qui s’inscrit dans le cadre de la concrétisation des orientations du président de la République, a pour objectif notamment de «simplifier les procédures administratives pour la création de publications périodiques ou de la presse électronique». En effet, le texte propose de soumettre la création de publications périodiques et de la presse électronique à «un régime déclaratif, conformément aux dispositions de l’article 54 de la Constitution de 2020, en lieu et place de l’agrément». Il définit, par ailleurs, les missions de l’Autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique instituée par la loi organique relative à l’information, dans le domaine de la régulation de l’activité de la presse écrite et de la presse électronique. En cas de violation des dispositions prévues par le présent texte, l’Autorité de régulation de la presse écrite et de la presse électronique peut saisir les juridictions compétentes en vue de la suspension temporaire ou définitive des publications périodiques et des services de presse électronique et peut également s’autosaisir en vue de la mise en demeure des contrevenants. En outre, et en vue de concrétiser le principe du pluralisme d’opinions et de pensées et de prévenir la concentration des périodiques, le projet de loi s’est attaché à limiter à une seule publication et/ou à une seule presse électronique d’information générale, le nombre de publications ou de presse électronique pouvant être détenues ou contrôlées par une personne physique de nationalité algérienne ou une personne morale de droit algérien. Au regard de ces mêmes principes, le texte prescrit également l’interdiction de la participation au capital social dans plus d’une publication périodique et/ou de presse électronique d’information générale. Ce projet s’efforce d’améliorer la qualité du service médiatique et de renforcer le professionnalisme dans l’exercice journalistique en soumettant la création de toute publication périodique et de presse électronique à la détention, par le directeur de publication, d’un diplôme universitaire associé à une compétence et à une expérience affirmée. Dans le même ordre d’idées, le projet de loi sur l’activité audiovisuelle met en place un cadre juridique fixant les modalités d’exercice de cette activité, sur la base d’un certain nombre de principes, dont les plus importants sont le droit du citoyen à une information complète et objective.
Le projet de loi identifie, dans ce cadre, les entités opérant dans le champ audiovisuel dans leurs différentes typologies et dans la diversité de leur support et met en place les règles afférentes à leur organisation, leur régulation et leur contrôle. Certaines restrictions posées par la loi organique 12-05 relative à l’information et la loi 14-04 relative à l’activité audiovisuelle, qui se sont révélées «inopérantes», ont été retirées de ce projet de loi et remplacées par des dispositions «adaptées aux réalités du champ audiovisuel national». Le texte constate qu’au plan national, il existe aujourd’hui une multitude de chaînes audiovisuelles dites «off-shore», dont le siège social est en dehors du territoire national, en dépit du fait que «leurs contenus, élaborés et réalisés en Algérie, s’adressent pourtant à un public algérien à partir de l’étranger». Aussi, était-il «indispensable de les intégrer au paysage médiatique national, en étendant dans le projet de loi sur l’audiovisuel, l’activité des services de communication autorisés aux chaînes généralistes». L’autre modification significative introduite dans ce projet de loi porte sur «l’unification des procédures d’octroi des autorisations qui sont les mêmes pour les chaînes audiovisuelles dites classiques et les chaînes audiovisuelles en ligne». Considérant que l’exercice de l’activité audiovisuelle, y compris en ligne, est une activité réglementée, son exercice est soumis à une «autorisation délivrée par le ministre chargé de la communication», et est lié au «respect des clauses des cahiers des charges générales et particulières».
Afin de prévenir toute dérive susceptible d’entraver le bon fonctionnement de l’activité audiovisuelle dans son ensemble et de préserver les intérêts des différentes parties en présence, il est confié à l’Autorité nationale indépendante de régulation de l’audiovisuel (ANIRA) la mission de «veiller au respect de ces cahiers des charges par les services de communication audiovisuelle».
Le projet de loi relève, à cet égard, que l’évolution du concept de l’ANIRA introduite par la nouvelle loi organique relative à l’information, tant au plan de son statut juridique qu’au plan des missions, pourvoie l’Autorité des «moyens d’exercer ses prérogatives» et en fait un «instrument au service du secteur audiovisuel et de l’intérêt général, en veillant notamment au respect du pluralisme médiatique, de la diversité d’opinons». Au plan du contenu, le projet de loi introduit une série de dispositions dont les plus importantes portent sur la mission concédée à l’établissement public de télédiffusion d’Algérie, d’assigner les fréquences destinées aux services de communication audiovisuelle, après attribution par la commission d’attribution de la bande de fréquence de l’Agence nationale des fréquences. Le projet de loi étend l’autorisation des services de communication audiovisuelle thématique aux services de communication audiovisuelle généraliste. Il établit l’obligation de détention d’un capital social «exclusivement national» et la possibilité d’autoriser la création d’un service de communication généraliste et d’une autre thématique «à hauteur de 40 % du capital social dans chacun des deux services».
Le texte stipule, en outre, l’élargissement des missions de l’Autorité de régulation de l’audiovisuel, l’alignement des Web TV et Web radio sur les services audiovisuels autorisés et l’obligation pour les services de communication audiovisuelle de se conformer à un cahier des charges générales et à un cahier des charges particulières. Il dispose notamment que le pouvoir de suspendre ou de retirer les autorisations de création des services de communication audiovisuelle, est octroyé aux seules autorités judiciaires et prévoit la mise en place d’un cadre juridique pour l’exercice des activités de production, de tournage et de diffusion de contenus audiovisuels sur tout support. Le projet de loi prévoit également la création d’un organisme public chargé de préserver, de conserver et de mettre en valeur le patrimoine audiovisuel national.
T. Benslimane