Concernant l’industrie voitures en Algérie, en conseil des ministres en ce mois de juillet 2025, le président de la république a ordonné au gouvernement de ne pas renouveler les erreurs du passé. Cette présente contribution où j’étais un des rare observateur à dénoncer les dérives de ces importations de voitures qui se sont chiffrées entre 2 à 3 milliards de dollars par an, sans impacts sur la dynamisation du tissu industriel, sans compter les délits d’initiés, ( voir mebtoul ; google. com 2008-2OO9) se propose d’examiner les perspectives de l’industrie de voitures en Algérie face aux nouvelles mutations mondiales de cette filière stratégique.
En 2024, , il y aura environ 1,475 milliard de véhicules dans le monde pour 2024, incluant voitures, camions et SUV, hors motos pour une population mondiale d’environ 7,951 milliards d’habitants, représentant environ un véhicule pour cinq personnes. Ci-joint les données de 2O24 qui représentent les ventes de véhicules neufs : Chine: 31,4 millions de véhicules -États-Unis: 16,3 millions de véhicules – Japon: 4,42 millions -Inde: 4,27 millions de véhicules vendus –Corée du Sud 4,13 millions -Allemagne: 2,81 millions -Brésil: 2,48 millions -Royaume-Uni: 1,95 million – France: 1,70 million – Russie: 1,57 million -Italie: 1,56 million. Toujours pour 2O24 , pour les voitures en circulation (parc automobile) données différentes, à ne pas confondre avec le nombre total de véhicules immatriculés plus nombreux nous avons: France, 39,3 contre 52 millions -Allemagne: Plus de 48 millions -Royaume-Uni: environ 37 millions d -Italie: environ 40 millions . -États-Unis: environ 121 millions – Chine: environ 116 millions- Japon: environ 61 millions -Brésil: environ 33 millions . -Russie: environ 43 millions- Corée du Sud environ 26 millions. Pour l’Algérie, selon l’ONS données reprises par l’APS en 2023, le parc automobile national comptait plus de 6,3 millions de véhicules tous types confondus, ce chiffre devant dépasser les 7 millions d’ici fin 2025, la demande annuelle en véhicules neufs étant estimée entre 6OO.000 et 700.000 unités. La structure est la suivante -Véhicules de moins de 5 ans : 19,32 % -Véhicules âgés de 5 à 9 ans : 22,08 % -Véhicules âgés de 10 à 14 ans : 17,22 % -Véhicules âgés de 15 à 19 ans : 22,08 % -Véhicules âgés de 20 ans . Ainsi, il ressort de ces données que 80 % des voitures en circulation en Algérie sont vieilles de plus de 5 ans ; et près de deux tiers d’entre elles (58 %) ont plus de 10 ans d’âge. En outre, seuls 1/5 des véhicules ont moins de 5 ans, et 1/5 ont plus de 20 ans. Il s’agit là d’un effet palpable de la stagnation du marché lors des cinq dernières années.
La situation du marché mondial de voitures est évolutive, ce marché étant un marché oligopolistique, un nombre de producteurs limités face à un nombre croissant de demandeurs ,fonction du pouvoir d’achat, des infrastructures et de la possibilité de substitution d’autres modes de transport, notamment le collectif spécifique à chaque pays, selon sa politique de transport. Ce marché a connu depuis la crise d’octobre 2008 d’importants bouleversements. Les fusions se sont succédé aux rachats et aux prises de participation diverses. Nous observons deux tendances opposées qui sont en train de se produire en même temps : la localisation de la production sur certaines zones géographiques et sur certains pays et la délocalisation ; et pour ce qui est de la localisation de la production automobile mondiale, elle se concentre régionalement sur trois zones : l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Asie. De plus, sur chacune d’entre elles, la fabrication est localisée sur certains pays. Ainsi, en Europe, les principaux fabricants sont l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni et l’Italie, appartenant tous à l’Union européenne. En Amérique du Nord, la production se concentre majoritairement sur les Etats-Unis, et en Asie. Elle se trouve au Japon et en Corée du Sud. Pour les exportations mondiales d’automobiles, la concentration est encore plus élevée, puisqu’elle est limitée principalement à deux zones : l’Europe et l’Asie. Et que dans un futur proche avec la perte de compétitivité de certains pays au profit de certains pays émergents (Russie, Inde, Chine, Brésil), nous devrions assister à la réorganisation de la production mondiale de véhicules et de toute évidence, les usines qui se maintiendront sur chaque pays seront les plus compétitives, les priorités des dirigeants étant donc: technologie, innovation (robotisation) approche collaborative, meilleures stratégies de succès et environnement. Ainsi, l’industrie de voitures est pleine évolution étant devenue capitalistique, les tours à programmation numérique éliminant les emplois intermédiaires où le nombre d’emplois directs et indirects créés devient marginal. Dans cette conjoncture de restructuration importante de cette filière avec une concurrence vivace et des ententes entre grands groupes pour contrôler des espaces régionaux, il est difficile de trouver de véritables partenaires capables de produire, selon les normes internationales, pour atteindre le seuil de rentabilité, entre 200 000 et 300 000 unités par an, allant avec les actuels restructurations à plus de 400 000 unités /an pour les voitures individuelles et plus de 150 000 par an pour les camions/bus et que pour exporter il faut s’adapter aux nouvelles mutations technologiques mondiales devant favoriser les voitures hybrides ou solaire, sinon c’était à terme la faillite. Il faut donc changer de discours pour ne pas reproduire les erreurs du passé . Comme ces annonces, pour bientôt une voiture algérienne à 100% qui ne va pas sans rappeler les déclarations fracassantes à la télévision publique ENTV le 27 août 2009 de l’ancien ministre de l’Industrie suivi par d’autres responsables du gouvernement qui avaient annoncé qu’entre 2009/2014, nous aurons une voiture à 100% algérienne avec des discours changeants, une fois des contrats avec l’Italie Fiat, puis avec l’Iran, puis avec la Chine, puis avec l’Allemagne, puis avec la France, puis avec la Corée du Sud et même avec Ford pour les USA. Aucun pays dans le monde n’a dix à vingt constructeurs c’est une aberration unique dans l’histoire, les USA ou les pays européens et asiatiques entre trois et cinq constructeurs.
Face à ces nouvelles mutations de l’industrie de voitures tenant compte du constat que la majorité de la société algérienne est irriguée par la rente des hydrocarbures dont l’évolution des cours détermine fondamentalement le pouvoir d’achat des Algériens, l’on devra répondre à huit questions reposant sur des études de marché sérieuses, afin d’éviter le gaspillage des ressources financières où en 2024, les importations de véhicules en Algérie ont connu une forte augmentation, atteignant un milliard de dollars pour les véhicules neufs notamment en provenance de l’Italie et ce en dehors des importations de pièces détachées accusant une pénurie qui ont vu une hausse des prix entre 2O22 et 2O24 selon la gamme , entre 1OO et 3OO% pénalisant les couches moyennes .Premièrement, avec l’inflation déterminant le pouvoir d’achat réel, (alimentaires, habillement, notamment plus les frais de loyer et téléphone) et avec le nivellement par le bas des couches moyennes, principaux clients que restera-t-il pour acheter une voiture ? Deuxièmement, les risques de surfacturation (corruption) d’autant plus qu’il y aura forcément l’importation en devises des collections CKD destinées à l’industrie de montage des véhicules sans compter les importations des parties et accessoires (pièces détachées) . D’autant plus que la majorité des inputs coûteront plus cher avec le dérapage du dinar officiel tant par rapport à l’euro que du dollar et tenant compte de l’écart avec le marché parallèle en juillet 2025 de plus de 7O%. Troisièmement, ces opérateurs agréés seront-ils capables d’exporter pour couvrir la partie sortie de devises et donc quelle sera la balance devises ? La comptabilité analytique distingue les coûts fixes des coûts variables quel est donc le seuil de rentabilité pour avoir un coût compétitif par rapport aux normes internationales et aux nouvelles mutations de cette filière La carcasse représentant moins de 20/30% du coût total c’est comme un ordinateur, le coût ce n’est pas la carcasse (vision mécanique du passé), les logiciels représentant 70/80%, ces mini-projets seront-ils concurrentiels dans le cadre de la logique des valeurs internationales. Quatrièmement, on construit actuellement une usine de voitures non pour un marché local, l’objectif du management stratégique de toute entreprise est régional et mondial afin de garantir la rentabilité financière cette filière étant internationalisée avec des sous segments s’imbriquent au niveau mondial où le taux d’intégration local varie entre 30/50%, le reste étant el fait de sous traitants répartis comme une toile ‘araignée au niveau mondial ? Cinquièmement, quelle est la situation de la sous-traitance en Algérie , des estimations source APS du 25 mai 2023) donnant moins de 1.000 entreprises de sous-traitance ce qui représente à peine 10% du tissu industriel. participant à la sous-traitance et ce pour réaliser un taux d’intégration acceptable qui puisse réduire les coûts. Or, la part du secteur industriel représente moins de 6% du PIB en 2024 dont plus de 95% sont des micro unités familiales ou Sarl peu innovantes. Comment dès lors ces micro-unités souvent orientés vers le marché intérieur, réaliseront le taux d’intégration prévue de 40/50% au bout d’environ trois à cinq années ? A titre d’exemple selon les responsables, le taux d’intégration des voitures Fiat en Algérie est actuellement d’environ 10% pour la production en SKD (Semi Knocked Down), mais Stellantis vise un taux de 30% d’ici 2026 grâce à l’extension de l’usine de Tafraoui et au passage à la production en CKD (Completely Knocked Down). Sixièmement, devant pas confondre concessionnaires, et constructeur , ne faut il pas par commencer de sélectionner deux ou trois constructeurs avec un partenariat étranger gagnant/gagnant maîtrisant les circuits internationaux avec un cahier des charges précis leur donnant des avantages fiscaux et financiers en fonctions de leur capacité, sous réserve d’exporter, devant leur fixer un seuil de production afin d’éviter que durant cette période, ils soient tentés dans une logique de rente, d’accroître la facture d’importation en devises des composants, ce e qui nous amènerait à la période du passé. Septièmement, selon une étude de Transport et Environnement (T&E) le marché du véhicule électrique en Europe devrait progresser jusqu’à atteindre la moitié de la production automobile totale à l’horizon 2030. Aussi, ces voitures fonctionnent-elles à l’essence, au diesel, au GPLC, au Bupro, hybride ou au solaire, renvoyant d’ailleurs à la politique des subventions généralisées dans les carburants qui faussent l’allocation optimale des ressources ? Au niveau mondial, l’on s’oriente vers l’optimisation du fonctionnement des moteurs à essence et diesel, avec une réduction de 20/30% et les voitures électriques. Les nanotechnologies (la recherche dans l’infiniment petit) pouvant révolutionner le stockage de l’énergie, l’avenir appartenant au moteur alimenté par de l’hydrogène gazeux. Huitièmement, l’industrie automobile doit s’inscrire dans le cadre d’une véritable politique économique qui fait cruellement défaut devant connaître une profonde restructuration au niveau mondial, le monde subissant un profond changement avec des incidences politiques, économiques sociales, culturels avec les nouvelles technologies modelant de nouveaux comportements devant éviter de perpétuer un modèle des années 1970/2000, largement déconnectées des réalités internes et mondiales. Je ne rappellerai jamais assez que le moteur de tout processus de développement réside en la recherche développement, que le capital argent n’est qu’un moyen et que sans bonne gouvernance centrale et locale, l’intégration de l’économie de la connaissance, aucune politique économique n’a d’avenir. En conclusion, il faut être réaliste, pour ce dossier sensible de l’industrie de voitures il s’agit de l’adapter en cohérence avec l’ensemble de la politique industrielle et à la politique des moyens de transport marqué notamment par le vieillissement du parc voitures. Attention également, ces innombrables demandes pour le transport d’aviation, certains n’ayant pas les qualifications nécessaires, certains attirés par le gain facile, louant des avions, donc des sorties de devises, avec le risque de surfacturation, renouvelant les erreurs du passé du montage des voitures où certains marchands de légumes sont devenus promoteurs avec la complicité de certains appareils de l’administration l’expérience montre que l’attrait de l’investissement national et étranger n’est pas seulement une question de lois, mais surtout d’une bonne gouvernance fondé sur trois piliers, la stabilité politique, juridique et monétaire , permettant une visibilité dans la démarche de la politique socio-économique. C’est l’entreprise sans aucune distinction, entreprises publiques, privées nationales et internationales dans le cadre des valeurs internationales, épaulée par le savoir permettant l’innovation permanente, qui crée la richesse. Les années 2025/2O26 seront déterminantes pour l’avenir de l’Algérie qui recèle d’importantes potentialités : ou une véritable relance économique, loin des discours démagogiques d’autosatisfaction, auxquels plus personne ne croit, avec une nouvelle gouvernance ou la régression sociale avec des incidences négatives à la fois sociales, sécuritaires et diplomatiques, ce qu’aucun patriote ne souhaite.
Professeur des universités, expert international Abderrahmane Mebtoul
(ademmebtoul@gmail.com)






