Sonatrach: Transition énergétique et urgence d’un nouveau management stratégique

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La récente orientation du gouvernement algérien concernant la maîtrise énergétique est une prise de conscience de la mise en place d’un nouveau modèle de consommation énergétique.

Par le Dr Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités expert international

Le monde connaîtra à l’horizon 2022/2030/2035, un profond bouleversement de la carte énergétique et du pouvoir  à l’échelle  mondiale. L’Algérie n’échappe pas  à ces nouvelles mutations, les changements économiques survenus depuis quelques années dans le monde avec la révolution du numérique,  ainsi que ceux qui sont appelés à se produire dans un proche avenir, doivent nécessairement trouver leur traduction dans des changements d’ordre systémique destinés à les prendre en charge et à organiser leur insertion dans un ordre social qui est lui-même en devenir. D’où l’urgence de revoir le modèle de consommation énergétique afin de s’adapter aux nouvelles mutations et d’asseoir dans les faits les énergies renouvelables représentant en 2021, moins de 1% de la consommation intérieure. D’où la décision prise par le président de la République lors du Conseil des ministres daté du 21 novembre 2021, relative à l’accélération de la transition énergétique. Cependant, il ne faut pas être utopique, Sonatrach représentera  encore pour longtemps, fonction de profondes réformes structurelles,  l’essentiel des ressources en devises d’où  l’importance d’un nouveau management stratégique de Sonatrach.

1- La politique énergétique doit s’articuler autour de sept axes directeurs. Comme source d’énergie du futur rentrant dans le cadre de la protection de l’environnement  appartient à l’hydrogène comme énergie du futur 2030/2040. Premier axe, de nouveaux investissements dans les énergies traditionnelles ayant prévu 40 milliards de dollars durant les cinq prochaines années dont 8 milliards de dollars pour 2022 car pour le court terme, l’Algérie pourrait augmenter, éventuellement, à travers le Transmed via l’Italie, 33 milliards de mètres cubes gazeux, fonctionnant en sous-capacités, à une capacité maximale entre 3/4 milliards de mètres cubes gazeux, le Medgaz via l’Espagne, la capacité ayant  été portée de 8 milliards de mètres cubes gazeux à 10,5 depuis février 2022 devant préciser que l’on  peut découvrir  de nombreux  gisements non rentables financièrement devant éviter  les effets d’annonces avant de déterminer la réelle rentabilité. Dans ce cadre des énergies traditionnelles, il y a lieu de prévoir la redynamisation du projet GALSI, Gazoduc Algérie-Sardaigne-Italie, qui devait être mis en service en 2012 et mis en berne comme il s’agit, sous réserve de l’accord de l’Europe, principal client  d’accélérer  la réalisation du gazoduc Nigeria-Europe via l’Algérie,  la faisabilité de ce  projet devant  compte des nouvelles mutations gazières mondiales pour évaluer sa rentabilité car les lettres d’intention ne sont pas des contrats définitifs. Deuxième axe, l’amélioration de l’efficacité énergétique, argumentant par la programmation de 2 millions de logements construits, selon les anciennes normes et exigeant de forte consommation d’énergie, alors que les techniques modernes économisent 40 à 50% de la consommation. Troisième axe, une nouvelle politique des prix s’impose occasionnant un gaspillage des ressources, renvoyant à une nouvelle politique des subventions ciblées. Le quatrième axe, est lié au développement des énergies renouvelables «devant combiner le thermique et le photovoltaïque le coût de production mondial a diminué de plus de 50% et il le sera plus à l’avenir. Avec plus de 3000 heures d’ensoleillement par an, l’Algérie a tout ce qu’il faut pour développer l’utilisation de l’énergie solaire, ou presque. Le soleil tout seul ne suffit pas. Il faut la technologie et les équipements pour transformer ce don du ciel en énergie électrique. Je rappelle que  le programme algérien consiste à installer une puissance d’origine renouvelable de près de 22 000 MW, dont 12 000 MW seront dédiés à couvrir la demande nationale de l’électricité et 10 000 MW à l’exportation  d’ici 2030, «l’objectif de l’Algérie serait de produire 30 à 40% de ses besoins en électricité à partir des énergies renouvelables. Mais  l’Algérie aura-t-elle les moyens financiers, les capacités d’absorption et  la maîtrise technologique pour éviter les surcoûts ? Le cinquième axe, selon les déclarations de plusieurs ministres de l’Énergie entre 2013/2020, selon laquelle ils avaient indiqué que «l’Algérie compte construire sa première centrale nucléaire en 2025 à des fins pacifiques, pour faire face à une demande d’électricité galopante où les les réserves prouvées de l’Algérie en uranium avoisinent les 29 000 tonnes, de quoi faire fonctionner deux centrales nucléaires d’une capacité de 1000 Mégawatts chacune pour une durée de 60 ans. Le sixième axe, que j’ai eu à diriger pour les pouvoirs publics entre 2013/2015  dans le cadre d’un dossier sur la transition énergétique est l’exploitation du  gaz/pétrole  de schiste, où selon des  études américaines «l’Algérie possède le troisième réservoir mondial, d’environ 19 500 milliards de mètres cubes gazeux». Mais cela  nécessite un large consensus social, de lourds investissements, la maîtrise des nouvelles technologies qui protègent l’environnement et des partenariats avec des firmes de renom. Car l’on devrait protéger les nappes phréatiques,  l’Algérie étant  un pays semi-aride,  le problème de l’eau étant un enjeu stratégique devant être opéré un arbitrage entre la protection de l’environnement et la consommation d’eau douce, 1 milliard de mètres cubes gazeux nécessitant 1 million de mètres cubes d’eau douce et devant forer plusieurs centaines de puits moyens pour 1 milliard de mètres cubes gazeux en tenant compte de la durée courte de la vie du puits, 5 années maximum et la nécessaire entente avec des pays riverains se partageant ces nappes. Cependant, il ne faut pas être utopique, Sonatrach représentera  encore pour quelques années l’essentiel des ressources en devises du pays d’où l’importance d’un nouveau management stratégique de Sonatrach.

2- En 2022 Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach :

Face aux mutations énergétiques mondiales, 12 actions pour améliorer la gestion de Sonatrach Sonatrach en de mois de fin juin 2022 procure avec les dérivées inclus dans la rubrique hors hydrocarbures environ 98% des recettes de l’Algérie avec des données contradictoires  pour 2022,  entre la Banque Mondial prévision de 58 milliards de dollars de recettes et le récent interview du PDG de Sonatrach 50 milliards de dollars. Ainsi sur le plan économique après plusieurs décennies d’indépendance politique, comme vient de la rappeler le président de la République le 24 juin 2022, je le cite «Sonatrach est l’un des puissants leviers de la souveraineté.  Je propose 12 actions interdépendantes pour améliorer la gestion de Sonatrach étant une question de sécurité nationale (notre intervention au Forum mondial du développement durable, Paris 13 mars 2017, sur les axes de la transition énergétique de l’Algérie face aux nouvelles mutations mondiales).

2.1. Diagnostiquer l’impact de l’environnement national et international sur Sonatrach et l’appréciation des domaines où l’interface Sonatrach/ environnement peut être améliorée afin de rendre plus performante l’entreprise et la hisser au niveau de la concurrence mondiale.

2.2. Mettre en place un audit financier interne sérieux avec des experts indépendants qui devrait permettre d’identifier les gisements de productivité et les niches de gains de coûts (comparaison avec des compagnies tests)- volume, rentabilité et analyser la stratégie des principales institutions similaires dans le monde sur les plans : technologie- standards et normes- sous-traitance afin de réduire les coûts et d’avoir une stratégie agressive, afin de prendre des parts du marché. L’objectif est d’optimiser les conditions de mise en œuvre des options stratégiques dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Je propose 19 actions interdépendantes (notre intervention Forum mondial du développement durable Paris 13 mars 2017 sur les axes de la transition énergétique de l’Algérie et notre contribution à HEC Montréal 2012 pour un nouveau management stratégique de Sonatrach). 

2.3. Analyser les circuits banques primaire- Banque centrale -Sonatrach pour les conditions de paiement, afin d’accélérer la rapidité des opérations, où actuellement les procédures bureaucratiques nuisent à la prise de décision qui doit se faire en temps réel, ainsi que les structures d’appui techniques et de formation, l’identification de la stratégie des entreprises concurrentes et des institutions internationales et leurs facteurs.  2.4. Mettre en œuvre un modèle de simulation qui doit aboutir à plusieurs variantes en fonction des paramètres et variables, fonction de contraintes qu’il s’agira d’éliminer pour éviter des effets pervers. Ce modèle doit prendre en compte le niveau des réserves d’hydrocarbures, fonction du vecteur prix international, du coût d’exploitation, de la durée de vie du gisement, des découvertes technologiques et des énergies substituables. Cela permettra d’identifier chaque action, de décrire le contenu, d’évaluer les moyens, les délais, les coûts associés à l’action, vérifier le niveau de gain attendu éventuel, rédiger une fiche descriptive de chaque action accompagnée d’un tableau récapitulatif des moyens. 

2.5. Au niveau de la gestion interne, fixer les objectifs d’amélioration des performances reliés à chaque fonction ou à chaque système de gestion, selon une démarche descendante et en vérifier le réalisme (ratios, contexte), vérifier qu’à chaque objectif fixé peuvent être associés des indicateurs de performance faciles à mettre en œuvre et évaluer l’ordre de grandeur des impacts attendus (gains, qualité, délais, coût…), selon une démarche ascendante.

2.6. Préparer un audit opérationnel du patrimoine existant, en le réactualisant à la valeur du marché ce qui implique la mise en place d’une comptabilité transparente liée à la nouvelle organisation de Sonatrach pour réduire les coûts et, notamment un audit des immobilisations corporelles et incorporelles. Ces immobilisations sont souvent traitées d’une manière superficielle, alors qu’elles sont déterminantes pour une entreprise comparable à Sonatrach, ce qui renvoie d’ailleurs au nécessaire renouveau du Plan comptable national.

2.7. Évaluer le degré de compétitivité des outils, équipements et immobilisations utilisés dans le contexte d’évolution technologique international. Cette opération d’audit consistera à rassembler l’information sur les caractéristiques techniques, et les conditions de fonctionnement des équipements et de gestion des immobilisations, évaluer ses équipements et immobilisations corporelles et incorporelles, le niveau des stocks dormants, (objectif stock zéro) supposant de connaître le niveau d’automatisation, le niveau de performance, les besoins de maintenance non satisfaits et enfin la compétence du personnel utilisateur. Cela permettra d’analyser les forces et les faiblesses technologiques des équipements, les alternatives stratégiques sur les programmes d’investissements, le besoin de formations techniques et d’acquisitions de savoir-faire.

2.8. Concentrer le développement de Sonatrach en amont qu’en aval – noyau dur de l’entreprise, évitant la dispersion, en se spécialisant dans ses métiers de base. Pour les autres activités existantes, comme le raffinage, le transport, la transformation et la distribution, seuls les audits pourront tracer les actions concrètes à mener en envisageant soit d’internaliser l’activité, soit de l’externaliser avec une priorité au profit des cadres et travailleurs du secteur de certaines activités ou le partenariat afin d’éviter la dispersion source de gaspillage des ressources et d’inefficience de l’entreprise.

2.9. Sur le plan organisationnel, évaluer l’efficacité de la structuration actuelle en fonction des axes stratégiques de Sonatrach, mettre en place des structures organisationnelles plus adaptées à ses missions et évaluer les systèmes d’information en temps réel quant à leur efficacité sur le plan délai, coût et atteinte des objectifs. Et ce, afin de déterminer le test d’efficacité des structures et organigrammes existants, de leur compatibilité avec les contraintes existantes, l’évaluation des circuits et analyser les supports d’information de gestion, afin de raccourcir les délais source de surcoûts et des propositions concrètes pour améliorer l’organisation.

2.10. Revoir le système comptable, pour plus de transparence. Sonatrach, bien qu’il existe une direction de l’audit au niveau de la direction générale, établit souvent un bilan consolidé où l’on ne cerne pas correctement les centres de coûts, du fait de ce que les économistes appellent les comptes de transfert, pouvant voiler la mauvaise gestion d’une division. Aussi faute de comptes physico-financiers à prix constants, les ratios de gestion sont d’une signification limitée pour apprécier la performance. D’où l’urgence de mettre en place des comptabilités analytiques, afin de discerner les centres de coûts en temps réel et de mieux adapter les structures organisationnelles à la mission et aux contraintes de Sonatrach.

2.11. Analyser l’ensemble des règles juridiques influençant le secteur énergétique (environnement légal et institutions publiques), afin de permettre une gestion transparente des coûts et des contrats. Cela suppose la mise en place d’une formation pointue et d’ instruments adaptés aux normes internationales, ce qui devrait permettre des économies, de développer le partenariat dans la transparence, de mieux définir les projections économiques et financières et permettre les prévisions par la simulation / modélisation et donc aider à la prise de décision en temps réel, afin d’éviter les nombreux litiges qui se chiffrent en dizaines de millions de dollars.

2.12. Pilier de Sonatrach, un audit de la gestion des ressources humaines qui est le fondement de l’efficacité de Sonatrach, reposant sur le dialogue permanent avec le collectif des cadres et travailleurs et le renforcement des liens- centre de recherche -université, Sonatrach.  L’importante  décision 312/DG  du 31 juillet 2021, (89 articles  96 pages) concernant les nouvelles modalités de passation des contrats  accorde  la priorité aux secteurs nationaux avec un objectif atteindre un taux de plus de 40%. Car force est de reconnaître  que seulement pour le poste de services au niveau de la balance des paiements, (appel aux compétences étrangères, posant la problématique de l’exode des cerveaux),  a été entre 2010/2019 entre 10/11 milliards de dollars de sorties de devises par an et en 2021, selon la Banque Mondiale de 6 milliards de dollars, une grande fraction  étant largement accaparée par Sonatrach. La performance des ressources humaines, repose sur une formation permanente, ce qui implique un audit mettant en relief nettement la typologie du personnel existant, l’adéquation de la formation aux besoins de Sonatrach, la disponibilité des compétences adéquates, les politiques de recrutement, l’évolution de la productivité du travail, les appréciations des mesures d’incitation et enfin, l’évaluation du climat et de la culture d’entreprise de Sonatrach (audit social et audit de la culture), dont la prise en compte d’une gestion plus rationnelle des importantes sommes des œuvres sociales que consacre, annuellement, Sonatrach.

En résumé, dans plusieurs audits sous ma direction entre 1974 et 2020, ainsi que des cadres dirigeants du ministère de l’Énergie, de Sonatrach et d’experts indépendants, il nous a été impossible de cerner avec exactitude les coûts de production de ses différentes structures. D’où l’impossibilité pour cette société qui irrigue indirectement à travers la dépense publique toute la société, de se porter en bourse à l’instar d’une grande société comme Gazprom ou d’autres compagnies internationales. Sonatrach est soumise à des contraintes majeures,  existant  des limites actuellement,  produisant  au maximum de ses capacités, ne pouvant exporter plus souvent, au maximum ¾ milliards de mètres cubes gazeux,  au détriment du cyclage et de la bonne santé des gisements, surtout avec le désinvestissement et la forte consommation intérieure liée à l’actuelle politique des subventions qui risque de dépasser entre 2025-2030 les exportations actuelles. D’une manière générale, la nouvelle stratégie énergétique est inséparable d’une vision stratégique globale  tenant compte des nouvelles mutations mondiales. Actuellement, plusieurs départements ministériels se télescopent concernant la transition énergétique, à savoir  le ministère de l’Energie à travers ses structures Sonatrach et Sonelgaz, les différents institutions  et commissariats dont le ministère de la Transition énergétique sans oublier le ministère de l’Environnement et le département aménagement territoire relevant du ministère de l’Intérieur, idem pour les départements s’occupant de l’Économie (je préconise un grand ministère de l’Economie). Il ne suffit pas de faire des lois (mentalité du bureaucrate), mais de s’attaquer à l’essence du blocage qui est l’écosystème. C’est à ce titre que le président de la République lors de sa visite à Oran le 24 juin 2022 a déclaré que la lutte contre la bureaucratie est une priorité du redressement national.

La bureaucratie bloque les énergies créatrices donc le développement, favorise les délits d’initiés, dont les surfacturations en devises et en dinars, renvoyant à la bonne gouvernance et de l’urgence  d’une coordination sans faille des institutions de contrôle, politiques et techniques afin de relancer l’économie nationale et assurer la nécessaire cohésion sociale.               

A. M.