Entretien avec le Pr Ahcene-Djaballah Belkacem*
Une nouvelle loi organique relative à l’information vient d’être publiée, compte tenu de l’intérêt qu’elle représente pour la liberté de la presse et les professionnels de l’information et la communication ,nous avons jugé important de s’adresser à un spécialiste et enseignant universitaire qui a cumulé pendant des décennies des expériences couronnées par des contributions régulières dans la presse algérienne et la publication de plusieurs ouvrages dans le domaine de l’information.
Nous avons désormais une nouvelle loi organique relative à l’information. Qu’apporte-t-elle de nouveau au paysage médiatique national ?
Ce qui est évident, c’est que celle loi pose ,enfin, après plusieurs décennies de « vide » les piliers porteurs d’une activité qui s’est , depuis ces deux à trois dernières décennies, compliquée énormément avec l’émergence et la quasi-domination des technologies nouvelles de la communication (dont l’ordinateur et le smarthphone) qui ont « envahit » les domaines de la presse (entre autres avec les « réseaux sociaux » ), entre autres ainsi que de la communication interpersonnelle directe. Quand je dis piliers, cela veut dire principes-clés car maintenant il faut attendre les textes sectoriels et spécifiques et les mises en application ; On espère ne pas être déçu car il ne fait pas perdre de vue que le monde alentour, en matière de communication, a profondément changé et la « guerre de l’information « n’est palus un vain mot. C’est vrai que cela a existé par le passé, mais auparavant le temps était assez long et on pouvait réagir tranquillement ou presque, Désormais, c’est plus que difficile, les attaques venant de toutes parts et de lieux et de personnes souvent inattendus. Pour ma part, tout en espérant que l’on complète assez rapidement le paysage réglementaire par toutes les lois absolument nécessaires (presse écrite et électronique, audiovisuel, publicité, sondages, j’espère voir un jour la clarification d’une domaine, presque toujours esquivé ou toujours traité de manière assez rapide sans aller jusqu’au fond. C’est celui de la présence de l’Etat…..c’est une définition claire des concepts de « service public »….qu’il faut, à mon avis, ne pas confondre avec le « service d’intérêt général ». Pour être plus clair, la propriété publique des moyens par l’Etat n’implique pas obligatoirement la présence quasi monopolistique ou préférentielle des Institutions et Administrations de l’Etat…..le tout étant réglementé par des cahiers des charges généraux et particuliers qui définissent les démarches , laissant ainsi aux journalistes une liberté totale …..avez responsabilité, cela va de soi.
De manière récurrente, l’Algérie subit des attaques médiatiques infondées de la part de cercles hostiles majoritairement identifiés. Quels sont les éléments fondamentaux de la stratégie à faire valoir pour anticiper, d’une part, toute sorte de manipulation médiatique où de déni de communication nuisible à l’image du pays ?
R- Je pense qu’il y a deux axes stratégiques principaux -en dehors des textes réglementaires, lesquels se ressemblent ou vont se ressembler partout à travers le monde : A) sensibiliser , avec l’aide de spécialistes (enseignants et journalistes anciens et confirmés….) et non par des « généralistes » ou des « politiques » , les citoyens, tout particulièrement les jeunes et les enfants, au niveau des écoles et des lieux de formation et d’animation (écoles , lycées, universités, centres de jeunesse, clubs sportifs, scouts, associations de jeunes ….et de moins jeunes ..) , à la chose informative -que cette info vienne du journaliste ou du citoyen- , en mettant en exergue l’importance d’une information exacte et respectueuse des droits des personnes et des textes réglementaires. B) Ouvrir les pôles informatifs (médias publics et privés, tous supports) au public afin qu’il se rende compte de la complexité et de l’organisation spécifique des moyens et du rôle joué par les journalistes en particulier et la presse en général…..Cela va de pair avec une ouverture aux publics (portes ouvertes, visites guidées…) des institutions (dont les entreprises publiques et privées, les ministères (dont celui la Défense) ,…..le Palais du gouvernement, et , pourquoi pas la Présidence de la République .Car , pour combattre tout « fake news » il n’y a pas mieux que la transparence
«Liberté et responsabilité« semblent constituer les maîtres- mots des réformes initiées par le président de la République dans le domaine des médias. Peut-on connaître votre avis sur la pertinence de ce processus ?
Liberté et responsabilité…..D’accord entièrement , à condition que la terme Liberté soit toujours placé en premier, le journaliste étant par essence toujours responsable (ici se pose le problème de la formation universitaire et du « contrôle de qualité » préalable avant tout recrutement ou permanisation) . C’est pour cela qu’il faut mettre en place très rapidement, pour éviter tous les dérapages , qu’ils viennent d’un côté comme de l’autre (je parle ici de l’informateur et du juge ), les instruments de « surveillance » et de suivi édictés (ou à venir…..rapidement ) par les lois et liés à l’éthique et à la déontologie, à la carte nationale de journaliste professionnel, à la régulation de l’audiovisuel, à la régulation de l’audiovisuel, à la presse écrite et électronique, à la publicité, aux sondages, etc…. ….et ne pas « traîner » , car cela ne ferait que l’affaire des faiseurs de « fake news », d’ici et d’ailleurs, et des manipulateurs et autres affairistes et causerait encore plus de mal aux professionnels du secteur.
*Professeur associé en journalisme et communication auprès des Universités de 1970 à 2018, Cadre supérieur de l’Etat ,Auteur de plusieurs ouvrages en communication et sur la vie politique. Animateur-rédacteur unique d’un site d’informations documentaires gratuit libre d’accès et sans publicité dédié en totalité à l’Algérie, depuis 2005(www.almanach-dz.com): plus de 800 000 visiteurs/an.
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