Médias sociaux: Entre comportements additifs et manque de concentration

0
73

Si vous vous sentez surmené et stressé, vous serez moins engagé dans votre travail et serez donc moins performant. Comment éviter l’apparition de ce cercle vicieux ? Pour une santé mentale optimale. 

Les médias sociaux font désormais partie intégrante de nos vies au 21e siècle, avec des milliards de personnes dans le monde utilisant des plateformes comme Facebook, TikTok, Instagram et Twitter pour se connecter avec les autres, partager du contenu et s’exprimer. Même s’ils peuvent certainement présenter de nombreux avantages, notamment rester en contact avec ses amis et sa famille, partager des expériences et des idées et accéder à des informations et des divertissements, la question demeure : améliorent-ils notre bonheur ? Par exemple, l’utilisation des médias sociaux a été associée à des taux plus élevés de dépression, d’anxiété et d’autres problèmes de santé mentale, en particulier chez les jeunes. En cause notamment, la pression ressentie quant au fait de devoir présenter une image parfaite de soi en ligne, ou la comparaison constante : des vies apparemment parfaites peuvent créer un sentiment d’insatisfaction. S’ajoute à cela le fait que les médias sociaux peuvent créer un sentiment de FOMO (fear of missing out, peur de rater quelque chose) car les utilisateurs voient leurs amis et connaissances vivre des expériences passionnantes.

Conseils Techniques Sûrs

Des chercheurs du Centre de recherche et de traitement en santé mentale de l’Université de la Ruhr à Bochum ont souhaité savoir si un usage réduit des réseaux sociaux dans le cadre professionnel permettait aux employés de se sentir moins surmenés ou stressés, et donc plus engagés dans leur travail et ainsi plus performants. « De nombreuses entreprises dépensent de l’argent pour veiller à la santé mentale de leurs employés. Et pourtant, il existe un moyen beaucoup plus simple et rentable d’augmenter leur satisfaction de même que leur efficacité. », écrivent-ils dans leur article publié dans la revue Behaviour & Information Technology. Celle-ci révèle qu’une consigne simple, à savoir 30 minutes d’utilisation des réseaux sociaux de moins par jour, a permis d’améliorer la santé mentale, la satisfaction au travail et l’engagement des participants. « Nous soupçonnons que les gens ont tendance à utiliser les réseaux sociaux pour générer des émotions positives qui leur manquent dans leur vie professionnelle quotidienne, en particulier lorsqu’ils se sentent surmenés. », explique la professeure agrégée Julia Brailovskaia, principale auteure de l’étude.

« A long terme, l’usage des réseaux sociaux peut conduire à un comportement addictif »

Celle-ci ajoute : « De plus, certaines plateformes comme LinkedIn offrent également la possibilité de rechercher un nouvel emploi si vous n’êtes pas satisfait de votre poste actuel. À court terme, s’échapper de la réalité pour rejoindre le monde des réseaux sociaux peut en effet améliorer votre humeur mais à long terme, cela peut conduire à un comportement addictif qui a l’effet inverse. ». Au total, 166 personnes ont participé, consacrant au moins 35 minutes par jour à une utilisation non liée au travail des médias sociaux. Les participants ont été répartis au hasard en deux groupes : ceux du premier groupe ne devaient pas modifier leurs habitudes sur les réseaux sociaux tandis que ceux du deuxième devaient réduire leur temps passé sur les réseaux sociaux de 30 minutes par jour pendant 7 jours. Les participants ont rempli divers questionnaires en ligne avant le début de l’expérience, le lendemain de son début et une semaine plus tard, fournissant des informations sur leur charge de travail, satisfaction au travail, engagement, santé mentale, niveaux de stress, FOMO et leurs comportements indiquant une utilisation addictive des réseaux sociaux. Résultats ? « Même après cette courte période, nous avons constaté que le groupe qui passait 30 minutes de moins par jour sur les réseaux sociaux améliorait considérablement sa satisfaction au travail et sa santé mentale. », souligne la Pre Brailovskaïa. « Les participants de ce groupe se sentaient moins surmenés et étaient plus engagés au travail que le groupe témoin. » Leur sens du FOMO, ce syndrome caractérisé par la peur de rater quelque chose d’intéressant, de divertissant ou d’important a également diminué, sachant que les effets ont duré au moins une semaine après la fin de l’expérience et ont même augmenté dans certains cas pendant cette période. Car, en effet, les participants ayant réduit leur utilisation quotidienne des médias sociaux ont volontairement continué à le faire même après une semaine. Comment expliquer ce phénomène ? Les chercheurs supposent qu’en réduisant leur utilisation des médias sociaux, les participants concernés avaient plus de temps pour faire leur travail, ce qui signifiait par conséquent qu’ils se sentaient moins surmenés et souffraient également moins d’une attention divisée.

Plus de temps pour faire du bon travail et pour les collègues

L’une des principales raisons de cette corrélation est la réduction des distractions provoquées par les réseaux sociaux. Avec les notifications constantes, les mises à jour et la tentation de consulter diverses plateformes, il est facile de se détourner de ses responsabilités professionnelles… Mais en limitant leur utilisation, les employés peuvent maintenir une meilleure concentration et accomplir leurs tâches plus efficacement. En outre, une utilisation excessive conduit souvent à des sentiments de comparaison et d’envie : en réduisant leur consommation de médias sociaux, les employés peuvent se concentrer davantage sur leurs propres réalisations et objectifs, ce qui conduit à une estime de soi et à un bonheur accrus. Enfin, une autre conclusion intéressante de l’étude est l’impact des médias sociaux sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée. A savoir que les participants ayant passé moins de temps sur les réseaux sociaux ont déclaré se sentir moins stressés et dépassés, ce qui leur a permis de mieux séparer leur vie personnelle et professionnelle, habitude cruciale prévenir l’épuisement professionnel. Pour résumé, « notre cerveau ne peut pas bien faire face à une distraction constante d’une tâche. », atteste l’experte, avant de conclure sur le fait que « les personnes qui arrêtent fréquemment ce qu’elles font pour suivre leur flux de médias sociaux ont plus de mal à se concentrer sur leur travail et obtiennent de moins bons résultats. De plus, cela peut empêcher les gens d’interagir avec leurs collègues dans la vie réelle. Réduire le temps passé sur les réseaux sociaux pourrait réduire cet effet. » Ces résultats sont conformes aux recherches précédentes effectuées par la même équipe scientifique, qui montraient qu’une combinaison de deux interventions, que sont réduire la consommation des réseaux sociaux au quotidien de l’ordre de 20 à 30 minutes et pratiquer une activité physique, a permis d’augmenter la satisfaction à l’égard de la vie et le sentiment subjectif de bonheur et de réduire les symptômes dépressifs. Il convient de noter que l’étude ne suggère pas d’éliminer complètement l’usage des médias sociaux mais souligne plutôt l’importance de la modération et d’une utilisation consciente. Ainsi, en trouvant un équilibre entre rester connecté et se concentrer sur son travail, les individus peuvent profiter des avantages de ces deux mondes.