La wilaya d’El Bayad accueillera aujourd’hui, les festivités officiels célébrant le 55e anniversaire de la journée de la Victoire qui sera rehaussée par le ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni. Cette commémoration sera marquée par diverses activités, notamment l’organisation des conférences-débats autour des Accords d’Evian qui ont mis fin non seulement à une guerre atroce qui s’est poursuivie pendant sept années et demie, mais constitue surtout la fin de 132 ans d’occupation française.
Sur le plan diplomatique, la «défaite» française en Algérie est de fait incontestable. Mais il est également vrai qu’elle était inscrite dès le début dans le processus des négociations. Le 6 avril 1961, De Gaulle exprime dans sa déclaration du 11 avril la volonté de la France de mettre fin à cette guerre très coûteuse : «L’Algérie nous coûte, c’est le moins que l’on puisse dire, plus qu’elle nous rapporte (…) Et c’est pourquoi, aujourd’hui, la France considérerait avec le plus grand sang-froid une solution telle que l’Algérie cessât d’appartenir à son domaine». Historiquement, les négociations sérieuses entre les représentants du FLN et le gouvernement français ont commencé, le 20 février 1961, dans le plus grand secret, Georges Pompidou et Bruno de Leusse prennent contact en Suisse, à l’hôtel Schweitzer de Lucerne, avec les représentants du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne), Ahmed Boumendjel, Taïeb Boulahrouf et Saad Dahlab. Selon les instructions reçues, il ne s’agit pour les représentants français que d’une mission d’information sur les objectifs à long terme du FLN et sur les voies et étapes qu’il compte emprunter pour y parvenir. Pendant les négociations, Pompidou donne le ton en affirmant que la France a la situation bien en main, que l’Algérie n’est pas l’Indochine -«Il n’y aura pas de Dien Bien Phu»-, que les menaces ne font pas peur à De Gaulle et, pour finir, que la France ne craint pas l’indépendance algérienne. Elle exige donc un arrêt des combats avant d’entreprendre des pourparlers avec toutes les tendances sur les conditions de l’autodétermination, dont elle a accepté, depuis le référendum du 8 janvier 1961. Mais tout de suite après, les Algériens font connaître leur refus de bouger d’un pouce sur la question du cessez-le-feu qui, disent-ils, doit résulter d’un accord politique. C’est l’impasse. Et la situation n’évolue guère lorsque les mêmes se retrouvent pour une nouvelle réunion, le 5 mars suivant, à Neuchâtel. «Les contacts secrets confirmaient l’absence complète d’accord sur les liens à établir entre les éventuels pourparlers officiels et la cessation des violences». A la «trêve statique» des Français, les Algériens opposent leur «cessez-le-feu dynamique» qui serait fonction des progrès de la négociation… Le 8 mars, lors d’une nouvelle réunion, Bruno de Leusse lit devant les émissaires du GPRA sous la conduite de Krim Belkacem, un communiqué du chef de l’Etat Français, appelant à l’ouverture de discussions «sans conditions préalables». En bref, le cessez-le-feu n’en est pas un. Il fera l’objet de négociations comme un autre… Ce 8 mars 1961, De Gaulle vient donc de passer par la première des quatre volontés du FLN.
Les trois autres exigences du Front de libération nationale sont claires:
1- le FLN doit être considéré comme le seul représentant qualifié du peuple algérien;
2- l’Algérie est une et indivisible, le Sahara compris;
3- le peuple algérien est un, et ce que décidera la majorité du peuple vaudra pour tout le territoire et pour tous ses habitants. Il ne doit donc y avoir aucun statut particulier pour les Européens.
C’est le futur gouvernement algérien qui, une fois installé, décidera avec son homologue français des garanties dont ils jouiront, des modalités de la coopération et des questions de défense. Le 15 mars, un communiqué du Conseil des ministres français «confirme son désir de voir s’engager, par une délégation officielle, des pourparlers concernant les conditions d’autodétermination des populations algériennes concernées ainsi que les problèmes qui s’y rattachent. «Le gouvernement s’en tient, pour ce qui le concerne, à l’esprit et aux termes de son communiqué du 15 mars». De Gaulle vient de passer par la deuxième des quatre volontés du FLN. Le 6 avril, le Conseil des ministres publie un communiqué prenant acte de l’ajournement de la conférence d’Evian et conclut sobrement : «Le gouvernement s’en tient, pour ce qui le concerne, à l’esprit et aux termes de son communiqué du 15 mars». Le FLN sera donc l’interlocuteur unique et le représentant exclusif du peuple algérien. Ce 6 avril 1961, De Gaulle vient donc de passer par la deuxième des quatre volontés du FLN. Cette double capitulation en l’espace d’un mois explique peut-être les termes un peu crus de sa déclaration du 11 avril à propos des dépenses militaires. le 21 avril, éclate le putsch des généraux dont l’échec entraîne la création de l’OAS par Pierre Lagaillarde et Jean-Jacques Susini. La violence atteint vite un seuil insoutenable et De Gaulle avoue à Robert Buron ne plus rien maîtriser. «Il n’y a plus, dit-il, que deux forces en présence : le FLN et l’OAS». C’est dans ce contexte que, le 20 mai, les négociations s’ouvrent à Evian. Du côté français, outre Louis Joxe, la délégation comprend, entre autres, Bernard Tricot, Roland Cadet, Claude Chayet et Bruno de Leusse. Tous des professionnels de la négociation. Du côté algérien, le chef de file n’est autre que Krim Belkacem, dont l’instruction se résume à un passé de maquisard. Pour marquer sa bonne volonté, le chef de l’Etat annonce une trève unilatérale d’un mois (l’action des troupes françaises sera limitée à l’autodéfense), la libération de 6000 prisonniers et le transfert au château de Turquant, en Indre-et-Loire, des chefs du FLN lors du détournement de l’avion intercepté en 1956. De Gaulle déclare, à Louis Joxe : «Le pétrole, c’est la France et uniquement la France.» Il vient de passer par la troisième des quatre volontés du FLN.
Après une première interruption des pourparlers le 13 juillet due, notamment, à des divergences sur le Sahara, une reprise des négociations au château de Lugrin, le 20 juillet, et un nouveau capotage pour la même raison, De Gaulle déclare, le 5 septembre, accepter la souveraineté du FLN sur le Sahara, dont il disait quelque temps plus tôt à Louis Joxe : «Le pétrole, c’est la France et uniquement la France!» Ce 5 septembre 1961, il vient donc de passer par la troisième des quatre volontés du FLN.
Ne reste plus en suspens que le sort des pieds- noirs et des fidèles à la France, qu’il évoque d’ailleurs dans la suite de son discours, en parlant de «dégagement». Le mot résonne douloureusement à leurs oreilles, même si De Gaulle assure qu’en cas de rupture brutale avec l’Algérie, l’Etat entreprendra de «regrouper dans une région déterminée les Algériens de souche européenne et ceux des musulmans qui voudraient rester avec la France», donnant ainsi un début de réalité au thème de la «partition» lancé à sa demande par Peyrefitte. Dans le camp d’en face, Benyoucef Ben Khedda, nationaliste, succède à Ferhat Abbas à la tête du GPRA. Le 11 février 1962, les négociations reprennent aux Rousses. Elles s’achèvent une semaine plus tard sur un ensemble de textes qualifiés d’«accords de principe» que les Algériens doivent soumettre au CNRA, l’instance suprême de la Révolution, réuni à Tripoli pour approbation.