La Colombie enterre ses morts après une coulée de boue meurtrière

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La Colombie enterrait mardi des dizaines de victimes parmi les 273 personnes tuées par une coulée de boue dans la ville amazonienne de Mocoa (sud). Placée en situation d’urgence, cette ville, chef-lieu du Putumayo, n’était plus que dévastation et douleur alors que l’espoir de retrouver des survivants de la catastrophe, survenue tard vendredi soir, s’amenuisait au fil des heures. « Nous avons eu le bilan des personnes qui ont trouvé la mort. Le dernier est de 273 et 262 blessés », a déclaré lundi soir le président Juan Manuel Santos qui, pour la troisième journée consécutive, s’est rendu sur place lundi. Il a passé la nuit dans une base militaire proche, à Villagarzon, afin de continuer à diriger les secours et les travaux. Selon la Croix-Rouge, la catastrophe a aussi fait 220 disparus et affecté quelque 45.000 habitants. Une base de données a été créée pour recenser les disparus. L’agglomération de Mocoa compte environ 70.000 habitants, a précisé à l’AFP la gouverneure du Putumayo Sorrel Aroca.

Cercueils empilés

Les habitants veillaient lundi leurs morts après avoir récupéré leurs dépouilles identifiées. Pour accélérer l’identification, le parquet général a envoyé une équipe de 45 enquêteurs spécialisé. Les enterrements s’enchaînaient au cimetière Normandie, les corps dans des suaires de plastique blanc ou des cercueils empilés. Des hommes s’affairaient à creuser des tombes. Les rescapés du torrent de boue et de pierres qui a déferlé sur la ville après le débordement de trois rivières se pressaient à l’hôpital et au cimetière, en quête de leurs proches. Au moins 43 mineurs ont perdu la vie. Ercy Lopez cherchait toujours lundi sa fille de 22 ans « Diana Vanesa, qui a laissé un petit garçon de trois ans, Santiago (…) Elle avait un tatouage sur le pied gauche avec le prénom de l’enfant ». »Tous les jours, on sort la chercher et rien », raconte à l’AFP cette femme de 39 ans dont la maison a été ravagée. « Il y a maintenant très peu d’espoir de la retrouver en vie », ajoute-t-elle tristement, allongée sur un matelas du refuge où elle est hébergée avec deux de ses enfants et son gendre, couverts d’égratignures. Un porte-parole de la Croix-Rouge a souligné que la fenêtre de 72 heures, au cours desquelles des vies peuvent encore être sauvées, s’est refermée lundi soir. »On a retrouvé des cadavres mais on n’écarte pas la possibilité de découvrir quelqu’un vivant », a toutefois assuré à l’AFP le directeur de l’Unité nationale de gestion du risque de catastrophe (UNGRD), Carlos Ivan Marquez.

Urgence pour la reconstruction

Une odeur de mort flotte dans la chaleur chargée d’humidité. La boue commence à sécher, se convertissant en poussière. Les rues sont pleines de gens munis de masques en papier. Afin d’éviter des épidémies, le gouvernement a lancé une campagne de prévention et de vaccination. Il a distribué des kits de produits alimentaires et d’hygiène. Les sinistrés ont accès à une assistance psychologique et cinq refuges ont été aménagés. M. Santos a décrété la situation d’urgence économique, sociale et écologique, nommant son ministre de la Défense, Luis Carlos Villegas, en charge de la reconstruction. Celle-ci pourrait prendre jusqu’à trois ans, selon M. Villegas qui avait mené à bien la reconstruction dans la région du café (centre) affectée en 1999 par un tremblement de terre meurtrier. Le gouvernement a en outre approuvé le versement de 40 milliards de pesos (environ 13,7 millions de dollars) à l’UNGRD, qui dirige la réparation des infrastructures de la ville privée d’eau courante et dont 80% de la population ne dispose toujours pas d’électricité. Dans cette région amazonienne, sillonnée de dizaines de cours d’eau, la quête de survivants s’est faite par voie aérienne et en bateau. Plus de 400 secouristes sont à l’oeuvre, selon M. Marquez. Les blessés, souvent dans un état grave, ont été hospitalisés à Mocoa et dans d’autres localités de la région. Au moins 68 ont été évacués par avion. Des risques de glissements de terrain menacent 385 autres sites de Colombie, selon une étude. La catastrophe de Mocoa est la plus grave depuis celle de Salgar, qui avait fait 92 morts en mai 2015, à une centaine de kilomètres de Medellin (nord-ouest). La Colombie garde aussi en mémoire la tragédie dantesque d’Armero, où quelque 25.000 personnes ont péri en 1985 dans une avalanche de boue, provoquée par une éruption du volcan Nevado del Ruiz.