Le retrait des bases militaires françaises du continent africain aiderait à apaiser les relations dégradées entre la France et l’Afrique, estiment des analystes français, soulignant que sa présence au Sahel constituait une des raisons de son impopularité auprès de la jeunesse africaine.
Le quotidien français Le Monde a consacré dans son numéro paru, mardi, une page «Monde Afrique» sur les relations entre la France et ses anciennes colonies d’Afrique. «Le jour où il n’y aura plus de bases sur le continent, les choses évolueront très vite en ce sens», répond Antoine Glaser, co-auteur du «Piège africain de Macron», à la question si un retrait des bases militaires françaises apaiserait les relations, indiquant toutefois que «la fin de la «Françafrique» n’a pas besoin d’être actée par la France car elle l’est déjà par une Afrique totalement mondialisée» et que le système politique, militaire et financier qui servait de socle à la «Françafrique», a disparu. Selon lui, la raison d’impopularité de la France se traduit dans «le maintien de l’armée française sur le continent. Il sert de cache-misère à une présence globalement en déshérence. Dans l’imaginaire des Africains, ces militaires sont l’incarnation de la «Françafrique» à l’ancienne», citant l’exemple du Tchad où, poursuit-il, suite à la mort du Président Idriss Déby (le 20 avril 2021), «le fils s’est fait adouber par la France car il n’y avait pas de plan B». Pour l’auteur et porte-parole de l’Association «Survie», Thomas Borrel, les «annonces symboliques» du président français Emmanuel Macron aux peuples africains et dont «la portée reste limitée», a provoqué des contestations contre le franc CFA ou contre le dispositif militaire au Sahel. «Il ne faut donc pas s’étonner que Paris soit de plus en plus impopulaire auprès de la jeunesse africaine», explique-t-il. Il ajoute qu’un retrait militaire avec un échéancier «serait un marqueur de rupture plus net que d’annoncer la fin de l’opération «Barkhane» puisque, dans ce cas, il ne s’agit que d’une réorganisation du dispositif militaire au Sahel». Interrogé sur l’influence de la France sur l’Afrique, M. Glaser a lancé : «Croire que la France demeure influente en Afrique est faux», s’appuyant sur un sondage du Conseil français des investisseurs en Afrique, qui révèle que les Africains placent la France au 3e rang dans le classement des pays les plus utiles au continent. «La France est piégée par sa diplomatie d’influence (…) Sans l’Afrique, la France est affaiblie. Elle ne peut donc se passer des autocrates», affirme Antoine Glaser. Il reproche à Macron de vouloir passer un coup d’ardoise magique sur la «Françafrique». «Il est piégé par ce passé dont il ne veut pas parler, au prétexte qu’il est jeune et n’a pas connu cette période (…) Il pense que l’Afrique, c’est le business. C’est un discours de rupture». Alors que la diplomatie française a choisi de se tourner davantage vers les Etats de l’est du continent et les pays anglophones pour renouveler son image, Thomas Borell indique que malgré cette nouvelle orientation, «il (Macron) est culturellement pétri de colonialisme», rappelant sa visite à Gao au Mali, où il a rendu hommage aux soldats en les présentant comme les héritiers d’une lignée de militaires français en Afrique. «La France s’obstine à refuser un désengagement total, dans la sphère militaire et monétaire, pourtant indispensable (..) Il y a par ailleurs urgence à accepter que l’histoire puisse s’écrire sans nous», martèle Thomas Borell.