Par Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités Docteur d’Etat 1974 Expert international
1. – En ce XXIe siècle la crise ukrainienne, la crise énergétique et alimentaire, l’impact de l’épidémie du coronavirus et le réchauffement climatique rendent irréversible la transition numérique et énergétique qui devrait modifier considérablement tant les politiques sécuritaires, économiques, sociales que les relations internationales avec la dominance de deux acteurs majeurs, les USA et la Chine. Aucun pays ne s’est développé grâce aux matières premières y compris l’or, mais grâce au savoir et à la bonne gouvernance, une diplomatie n’étant forte que si l’économie est forte, ce qui explique le succès au XXIe siècle de la Chine et des USA, les deux premières puissances économiques mondiales. Après avoir épuisé ses stocks d’or, avec la découverte de Christophe Colomb, l’Espagne a périclité pendant plusieurs siècles où en 1962, l’Algérie était plus développée. Et c’est ce qui attend les pays producteurs d’hydrocarbures qui ne vivent que grâce à cette rente, où, actuellement, les recettes additionnelles surtout pour les pays à fortes populations suffiront à peine pour importer les biens alimentaires dont les prix risquent de doubler, voire de tripler. Nous assistons à un profond bouleversement de l’ordre économique et géopolitique mondial où le commerce de l’énergie se modifie, l’inflation est de retour, la crise alimentaire guette bon nombre de pays, les chaînes d’approvisionnement se reconfigurent, les réseaux de paiement se fragmentent et certains pays émergents comme la Chine repensent leurs réserves de devises. C’est par une nouvelle gouvernance et un discours de vérité collant avec la réalité sociale, loin des bureaux climatisés de nos bureaucrates, que l’on trouvera les solutions à la crise actuelle qui touche pas seulement l’Algérie, mais tous les pays
2.- Réconcilier les Algériens dans le cadre de la reconstruction nationale ne saurait concerner les crimes abjects, les faits graves de corruption et les actes d’atteinte à la souveraineté nationale, ce qui démobiliserait les citoyens et renforcerait le sentiment d’injustice, mais c’est œuvrer à éteindre tous les feux allumés par ceux qui travaillent contre l’unité nationale et dans le dessein de déchirer les liens qui lient les Algériens entre eux et qui veulent les mener vers l’aventure. L’objectif est de réconcilier les Algériens avec leur histoire et leur culture millénaire, nourries à nos racines amazighes et à notre fonds arabo-musulman ; c’est bâtir un Etat fort, fondé sur la justice et le respect des droits humains ; c’est réunir dans un même projet moderniste toutes les sensibilités – en n’oubliant jamais la diaspora – qui ont en commun l’amour de la patrie et le souci de l’avenir de nos enfants afin de faire de l’Algérie un partenaire majeur sur la scène régionale et un pays écouté et respecté dans les arènes internationales où se décide le sort du monde, et l’Algérie, sans chauvinisme, en a les potentialités. Elle doit, pour cela, rétablir la vertu du travail créateur, loin des logiques rentières populistes dévastatrices, cimenté par un large front national solide. Le contrat social qui constitue justement un pacte pour la réussite de la transition concerne l’ensemble des segments de la société. L’aspect sécuritaire s’étant nettement amélioré grâce aux efforts de l’ANP et des forces de sécurité, la société algérienne se trouve naturellement confrontée à des tendances lourdes.
D’où l’importance des dossiers éminemment politiques, comme celui des hydrocarbures, lieu de la production de la rente, du système financier, lieu de distribution de la rente, et celui du partenariat public-privé couplé avec celui d’un système socio-éducatif performant, lieu de la production de la plus-value qui, en dynamique, engendrera de nouvelles forces sociales, soit rétrogrades, soit porteuses de progrès si l’on instaure une totale transparence pour une économie de marché véritablement concurrentielle productive, loin de tout monopole qu’il soit public ou privé.
3.- C’est dans le cadre d’une vision stratégique qu’il s’agit d’aborder l’impact de la transition énergétique, numérique, des grands projets structurants industriels et BPTH, des PMI/PME, des nouvelles technologies, de l’agriculture, la sécurité alimentaire et le problème de l’eau enjeu primordial, du tourisme et bien d’autres segments où l’Algérie a des avantages comparatifs. Ainsi, l’opérationnalité de la nouvelle loi d’investissement adoptée le 27 juin dernier par l’APN, puis le 13 juillet par le Conseil de la nation et signée le 24 juillet dernier par le président de la République, a été publiée au Journal officiel N°50, pour qu’elle soit vraiment efficace, c’est tout l’écosystème éco-social du pays qu’il faudrait revoir, en premier, mettre fin au terrorisme bureaucratique alimenté par la sphère informelle, en libérant les énergies créatrices. Avec la stabilité juridique, évitant ces perpétuels changements de lois et la stabilité monétaire qui permettent la visibilité à moyen et long terme, c’est la condition sine qua non pour développer les activités à forte valeur ajoutée, assurer un développement territorial durable et équilibré, valoriser les ressources naturelles et les matières premières locales, favoriser le transfert technologique et développer l’innovation et l’économie de la connaissance et également afin de favoriser la généralisation de l’utilisation des nouvelles technologies, la dynamisation de la création d’emplois pérennes, la promotion de la compétence des ressources humaines, et le renforcement et l’amélioration de la compétitivité et la capacité d’exportation de l’économie nationale. Ainsi le nouveau code d’investissement dans le cadre d’une vision stratégique et une nouvelle gouvernance, conciliant efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale, pourra attirer de nombreux investisseurs nationaux et étrangers devant être attentif aux circulaires d’application.
4.- Aussi, face à la nouvelle reconfiguration du monde et au risque de la stagflation, combinaison de la décroissance et de l’inflation et du chômage, l’Algérie, acteur stratégique de la stabilité des espaces méditerranéens et africains, pays à fortes potentialités doit fonder son développement sur une nouvelle gouvernance et un large front national et ce afin d’asseoir une économie diversifiée moins dépendante de la rente des hydrocarbures. La contrainte du financement interne et externe reste posée malgré la baisse du stock et du principal de la dette et de l’importance des réserves de change. Des dysfonctionnements ralentissent l’attrait de l’investissement national et direct étranger, incontournable pour bouleverser les comportements bureaucratiques rentiers, combler le déficit d’épargne et permettre la relance économique. Le grand défi, posant la problématique de la sécurité nationale, est l’adaptation de l’Algérie à ces profonds bouleversements devant rompre avec la mentalité bureaucratique rentière. Il s’agira pour les Algériens pour faire face aux nouveaux défis du monde de privilégier l’unité nationale en tenant compte de nos différentes sensibilités, l’unanimisme étant source de décadence, le plus grand ignorant étant celui qui prétend tout savoir. C’est que l’ère des confrontations n’a eu cours que parce que les extrémismes ont prévalu dans un environnement fait de suspicion et d’exclusion. Connaître l’autre, c’est aller vers lui, c’est le comprendre, mieux le connaître. L’Algérie a toujours été au carrefour des échanges en Méditerranée. De Saint-Augustin à l’Émir Abdelkader, les apports de l’Algérie à la spiritualité, à la tolérance et à la culture universelle ne peuvent que nous prédisposer à être attentifs aux fractures contemporaines. Pour terminer je citerai Voltaire : «Monsieur je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai de toutes mes forces pour que vous puissiez toujours le dire» et Roger Garaudy, «il n’y a de véritable dialogue des civilisations que si chacun est pénétré de cette certitude que l’autre homme, c’est ce qui manque pour être pleinement un homme.