Exploitation du gaz de schiste en Algérie: Une opportunité pour l’Algérie mais devant se protéger contre les risques

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Le dossier que j’ai eu l’honneur de diriger entre 2014/2015 est de retour dans l’actualité passion ( étude réalisée  sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul assisté des cadres du Ministère  de l’Energie , de Sonatrach et d’experts indépendants: gaz de schiste opportunités et risques 8 volumes 980 pages 2015 Premier Ministère). Pour l’Algérie, il s‘agit d’être ni contre ni pour ; l’objectif stratégique est de s’insérer dans le cadre de la transition énergétique reposant sur un mix énergétique pouvant être une opportunité, les Etats Unis d’Amérique en 2023 étant devenus le premier producteur mondial grâce à cette ressource ,  mais devant évaluer les risques.

1.- Privilégier le dialogue

Au préalable je voudrais dénoncer certains propos d’anti nationalistes que certains voudraient faire porter  aux populations du Sud. Ayant vécu durant les années 1972/1973 en tant qu’officier d’administration pour la route de l’unité africaine  à El Goléa et In Salah, je peux affirmer que les populations  du Sud tiennent à l’unité nationale et  qu’il faut  savoir uniquement dialoguer  avec ces populations paisibles. L’option du gaz de schiste a été  introduite dans la nouvelle loi des hydrocarbures mais avec des garde-fous. Le problème stratégique de l’Algérie est d’éviter les débats stériles. Cette option est une opportunité  face à l’épuisement des réserves -l’énergie étant au cœur de la sécurité nationale- mais doit passer par l’évaluation des risques et la formation, ce qui renvoie globalement  à la gouvernance.  Concernant ce dossier, l’Agence américaine sur l’Énergie a estimé que le monde aurait environ 207 billions de mètres cubes répartis comme suit : la Chine 32, l’Argentine 23, l’Algérie 20, les USA 19, le Canada 16, le Mexique 15, l’Australie 12, l’Afrique du Sud 11, la Russie 8 et le Brésil 7 billions de mètres cubes. Les gisements de gaz de schiste en Algérie sont situés essentiellement dans les bassins de Mouydir, Ahnet, Berkine-Ghadames, Timimoun, Reggane et Tindouf. Est-ce que ces données sont faibles pour l’Algérie ?  A la suite de faux débats, LE dossier élaboré sous ma   direction, de  l’avis de la majorité des experts, l’énergie étant au cœur de la sécurité nationale, c’est une opportunité pour l’Algérie, sous réserve de la protection de l’environnement et des nappes phréatiques d’eau du Sud. La majorité des experts, notant que ce dossier sensible nécessite une formation pointue,  une bonne communication en direction de la société. Pour éviter de perturber la gestion de Sonatrach, société commerciale stratégique, il a été préconisé que ses dirigeants évitent de s’exposer aux débats, devant laisser au ministre, seul habilité politiquement, à exposer ses arguments et aux experts de l’énergie et non aux généralistes qui ne connaissent pas  ce dossier complexe et en associant   la société civile… Les experts ont tenu à rappeler que le  problème central est de définir le futur modèle de consommation énergétique allant vers un mix énergétique; ne devant  pas privilégier une énergie aux dépens d’autres.

2- Neuf précisions sur le gaz de schiste  s’imposent

 Premièrement  la fracturation est obtenue par l’injection d’eau à haute pression (environ 300 bars à 2500/3000 mètres) contenant des additifs afin de rendre plus efficace la fracturation dont du sable de granulométrie adaptée, des biocides, des lubrifiants et des détergents afin d’augmenter la désorption du gaz. Deuxièmement La rentabilité du gaz de schiste  implique  de la comparer à  la structure des prix actuels au niveau international, prix très volatil ayant fluctué entre janvier 2023 et février 2024 entre 28 et 50 dollars le mégawattheure  expliquant pour l’instant la préférence des contrats  à moyen et long terme, ne pouvant pas parler d’un marché de gaz  comme celui du pétrole,(marché segmenté géographiquement)  les canalisations  représentant  en 2023 environ  65% de la commercialisation, mondiale, le GNL donnant plus d’autonomie dont le prix est supérieur de 2 à 3 dollars supérieur au GN  allant vers  50% horizon 2030. Tenant compte du cout du transport , devant contourner toute la corniche de l’Afrique pour arriver à l’Asie ( l’Iran, le Qatar et la  Russie  ayant un avantage comparatif ,le marché concurrentiel pour l’Algérie étant l’Europe et l’Afrique. Troisièmement   Il faut savoir d’abord que le gaz de schiste est concurrencé par d’autres énergies substituables et que les normes internationales donnent un coefficient de récupération moyen de 15/20% et exceptionnellement 30%, pouvant  découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, les réserves se calculent selon le couple prix international des énergies et coût. Quatrièmement  Il faut perforer des centaines  de puits  pour avoir 1 à 2  milliards de mètres cubes gazeux par an, plus de 1000 puits pour dépasser plusieurs dizaines  de milliards de mètres cubes gazeux, chaque puit ayant un volume de production  spécifique  Cinquièmement  La durée de vie  d’un puit ne dépasse pas cinq années, devant se déplacer vers d’autres sites assistant à un perforage sur un espace déterminé comme un morceau de gruyère. Sixièmement Pour s’aligner sur le prix de cession actuel, devant tenir compte de la profondeur pour la technique traditionnelle de la fracturation hydraulique  ( le coût n’est pas le même pour 600 mètres ou 2000/3000 mètres supposant le bétonnage),  le coût du forage du gaz non conventionnel d’un puits devrait être moins de 5/7 millions de dollars pour être rentable, alors que selon les experts  il donnerait dans la situation actuelle 18/20 millions de dollars par puits Septièmement L’exploitation de ce gaz implique de prendre en compte que cela nécessite une forte consommation d’eau douce,  et en cas d’eau saumâtre, il faut des unités de dessalement extrêmement coûteuses, autant que les techniques de recyclage de l’eau. Huitièmement Prévoir les effets nocifs sur l’environnement, (émission de gaz à effet de serre), la fracturation des roches pouvant conduire à un déséquilibre spatial et écologique. Et en cas de non maîtrise technologique, elle peut infecter les nappes phréatiques au Sud, l’eau devenant impropre à la consommation avec des risques de maladies comme le cancer. Neuvièmement. Peu de pays dont les  USA maîtrisent, encore imparfaitement, cette technologie de fracturation hydraulique. Un co-partenariat incluant des clauses restrictives avec d’importantes pénalités en cas de non-respect de l’environnement et la formation des Algériens pour tout opérateur étranger.

3- D’autres techniques en cours protégeant l’environnement et   économisant l’eau et les produits chimiques

Aujourd’hui, pour récupérer le gaz de schiste, la technique utilisée est la fracturation hydraulique,  consistant  à injecter un fluide consistant d’environ 90% d’eau, 8 à 9,5% de « proppants » (sable ou billes de céramique) et 0,5 à 2% d’additifs chimiques – sous très haute pression. Au niveau tant  de la communauté scientifique que des opérateurs, l’objectif  premier est d’améliorer la fracturation hydraulique. Les   recherches s’orientant  sur la réduction de la consommation d’eau, le traitement des eaux de surface, l’empreinte au sol, ainsi que la gestion des risques sismiques induits. Concernant le problème de l’eau qui constitue l’enjeu géostratégique fondamental  du XXIème siècle (l’or bleu), selon les experts,  trois types de fluides peuvent être utilisés à la place de l’eau : le gaz de pétrole liquéfié (GPL), essentiellement du propane, les  mousses (foams) d’azote (N2) ou de dioxyde de carbone (CO2)  et l’azote ou le dioxyde de carbone liquides. L’utilisation des gaz liquides permet de se passer complètement ou en grande partie  d’eau et d’additifs. Pour les mousses, par exemple  la réduction est de 80 % du volume d’eau nécessaire étant  gélifiées à l’aide de dérivés de la gomme de Guar. Ainsi sans être exhaustif, du fait de larges mouvements écologiques  à travers le monde, des alternatives à la fracturation hydraulique sont  encore à un stade expérimental et demandent  à être plus largement testées, l’objectif étant  de  minimiser l’impact environnemental de la fracturation hydraulique tant pour les volumes traités que pour la qualité des eaux  et  de diminuer significativement la consommation d’eau et/ou d’augmenter la production de gaz.  La fracturation au gel de propane est en cours d’utilisation sur environ 400 puits au Canada et aux États-Unis (plus de 1.000 fracturations déjà effectuées). L’eau pourrait  aussi être remplacée par du propane pur (non-inflammable), ce qui permettrait d’éliminer l’utilisation de produits chimiques. Les premiers puits utilisant cette méthode ont été fracturés avec succès en décembre 2012 aux États-Unis. Nous avons  la  fracturation exothermique non-hydraulique (ou fracturation sèche) qui  injecte de l’hélium liquide, des oxydes de métaux et des pierres ponce dans le puits, la  fracturation à gaz pur peu nocive pour l’environnement  surtout utilisée dans des formations de roche qui sont sensibles à l’eau à maximum 1500 m de profondeur ; la fracturation pneumatique qui  injecte de l’air comprimé dans la roche-mère pour la désintégrer par ondes de chocs, n’utilisant pas  d’eau,  remplacée par l’air mais utilisant certains produits chimiques en nombre restreints ;  enfin la stimulation par arc électrique (ou la fracturation hydroélectrique) qui  libère le gaz en provoquant des microfissures dans la roche par ondes acoustiques, utilisant selon les experts pas ou  très peu d’ eau, ni proppants ou produits chimiques, mais nécessitant beaucoup  d’électricité.   Selon   certains experts, à l’horizon 2025/2030/2035,  l’hydrogène est une piste sérieuse enrichissant   le « mix » ou le bouquet énergétique mondial,  pour le transport et le stockage des énergies intermittentes  et   pourrait aussi permettre de produire directement de l’énergie tout en protégeant l’environnement. L’hydrogène en brûlant dans l’air n’émettant  aucun polluant et ne produisant  que de l’eau. Des études  internationales   à partir de tests expérimentaux montre   qu’un (1) kg d’hydrogène libère environ trois fois plus d’énergie qu’un (1) kg d’essence, mais que pour  produire autant d’énergie qu’un litre d’essence, il faut 4,6 litres d’hydrogène comprimé à 700 bars (700 fois la pression atmosphérique). Cette étude rappelle également qu’il suffit d’un kilo de d’hydrogène (H2), stocké sous pression, (représentant un coût d’environ huit euros) pour effectuer une centaine de kilomètres dans un véhicule équipé d’une pile à combustible. Toujours selon ce rapport,  à terme,  avec le développement conjoint des véhicules à hydrogène et des piles à combustible destinées aux bâtiments et logements, on peut tout à fait imaginer le développement d’un réseau de production et de distribution transversale et décentralisée d’énergie. Dans ce schéma, organisé à partir de réseaux intelligents « en grille », les immeubles de bureaux et les habitations produisaient ou stockaient leur chaleur et leur électricité sous forme d’hydrogène et pourraient également alimenter en partie le parc grandissant de véhicules à hydrogène. Mais ce concept fonctionnerait également dans l’autre sens et les voitures à hydrogène, lorsqu’elles ne seraient pas en circulation, deviendraient autant de microcentrales de production d’énergie qui pourraient à leur tour contribuer à l’alimentation électrique des bâtiments et logements.

En résumé,  il faut pour éviter   des débats stériles clarifier le rôle des institutions et seul   le conseil national de l’Energie seul habilité à tracer la politique énergétique future du pays.

A.M.

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