Le thé du Sud, communément appelé « thé de Timimoun », a envahi tous les quartiers d’Alger, et même les plus huppés de la capitale, mais aussi les espaces de divertissement et de loisirs où les vendeurs, généralement originaires du Sud, s’adonnent à ce commerce très florissant, particulièrement pendant le mois de Ramadan.
En plus des marchands ambulants, munis de théières et d’un réchaud à braise, des commerces spécialement aménagés ont été ouverts dans tous les quartiers. Désormais même les cafés ont des espaces carrément dédiés à ce breuvage dégusté avec des fruits secs et des gâteaux orientaux. Des jeunes venus de différentes wilayas du Sud pratiquent cette activité dans des locaux, ouverts à cet effet, ou en se déplaçant à pied avec de grandes théières en cuivre, invitant à la criée « thé de Timimoun », « thé sahraoui, ou « thé tergui », les clients à siroter un thé moyennant 25 à 30 DA. Avec le mois sacré de Ramadan, le nombre de ces vendeurs a fortement augmenté. Si certains vendeurs sont ambulants, d’autres ont opté pour la location de locaux décorés en « kheima » (tente). Certains vendeurs ont simplement loué des espaces à l’intérieur même des cafés, comme nous l’avons constaté dans plusieurs communes de la capitale à l’instar de Bâb El Oued, Bab Ezzouar, Kouba, Réghaia, Mohammadia et au niveau des aires de loisirs comme la Sablette sur le littoral algérois et du Palais des expositions (SAFEX) , Ain Benian , Port d’El Djamila , Staoueli etc …
Le thé au lieu du café le matin, nouvelle habitude pour beaucoup d’Algérois
Abderrahmane Beklani, âgé de 46 ans, est l’un de ces fameux et plus anciens vendeurs ambulants de thé au cœur d’Alger. Il pratique cette activité depuis 2005. Selon lui, sa clientèle est composée habituellement de commerçants et des travailleurs des administrations publiques et des transports qu’il sert tous les jours en parcourant l’axe Bab El Oued Hassiba Ben Bouali à Alger-centre. Abderrahmane, qui réside à Oued Koreich, entame sa journée à 04h00 du matin, en préparant sur la braise son thé, à base de menthe verte, mais aussi sèche ramenée spécialement de Timimoun. Une fois les deux théières d’un volume de 10 L chacune, bien remplies, le vendeur ambulant, vêtu de son tablier blanc, entame sa journée de travail à pied, le point de départ étant la place des Trois horloges à Bab El Oued, ensuite le quartier du Colonel Lotfi ,puis la Place des martyrs. Le vendeur rebrousse chemin ensuite pour remplir de nouveau ses 02 théières et reprendre son parcours avec les commerçants du marché Bouzrina et la Place Emir Abdelkader. Des haltes où il retrouve sa fidèle clientèle. Il affirme avec une note de fierté avoir contribué au changement des habitudes de centaines d’Algérois qui, désormais, prennent du thé au lieu du café le matin. Avec le mois sacré de Ramadan, Abderahmane a adapté « ses horaires de travail » en entamant, à la demande de ses clients, la vente de son thé quelques minutes avant la rupture du jeûne pour poursuivre son activité après El Iftar. Tout au long de la soirée, il sillonne à pieds les ruelles de la capitale pour un gain qui avoisine les 2000 DA par jour.
L’augmentation de la demande est palpable à travers le grand nombre des tentes déployées dans la plupart des quartiers de la capitale notamment au niveau du Palais des expositions et de la Sablette ainsi qu’à l’intérieur de certains centres commerciaux. Des tentes où une grande variété de thé est à la carte. Abdesslam, propriétaire d’une « kheima » à la Grande Poste dit proposer plus de 10 variétés dont des thés « aux vertus thérapeutiques » comme pour le colon irritable…..vérité ou simple argument de vente, la question reste posée. Le même vendeur se vante même que parmi les nouveautés ayant un succès auprès des candidats aux examens, un thé qui favorise la concentration, expliquant que ce produit originaire de chine se prépare de la même manière que le thé Sahraoui, un procédé que tous les vendeurs gardent jalousement comme « secret professionnel ».
Des « kheimas » transformées en restaurants de spécialités sahraouies
Proposant le thé avec des fruits secs et des gâteaux, ces tentes attirent beaucoup de familles en quête de détente et de dépaysement. Boire du thé en écoutant de la musique sahraouie et prendre des photos souvenir dans un décor typiquement sahraoui, où parfois même des chameaux complètent le tableau, est une formule plus qu’attrayante. Un peu plus cher que ceux des vendeurs ambulants, les thé vendus dans les « kheimas » oscillent entre 50 DA à 150 DA, voire même 200 DA pour un thé à la gelée royale, d’après le propriétaire d’une tente à la Sablette, originaire de la ville El Menia. Devant cette prolifération des tentes à thé, certains propriétaires ont préféré diversifier leur activité en proposant non seulement du thé mais aussi plusieurs plats sahraouis comme le couscous d’El Menia et de Béchar, les « Mehajeb » et la « Dobara » de Biskra ainsi que le « Zfiti », célèbre spécialité culinaire de la wilaya de M’sila, pour des prix allant de 500 DA à 1000 DA. Devant cette engouement pour le « thé sahraoui », bon nombre de propriétaires de cafés à Alger dédient un coin de leur local à la vente du thé. Ces espaces sont généralement loués à des prix excessifs pouvant atteindre 30.000 DA/mois, nous confie Mohamed, originaire d’Adrar, lui même locataire d’un espace ne dépassant pas les 5 m2 dans un café connu de Bab El Oued. Mieux, des annonces pour le recrutement de « spécialistes » en la préparation de ce thé sont affichées sur les devantures des cafés, postées sur des sites électroniques et publiés dans les journaux. Le succès est tel, que ces « experts » sont très sollicités lors des cérémonies des fêtes de mariages. D’ailleurs, Bachir (27 ans) étudiant à l’université d’Alger et originaire de Timimoun s’est spécialisé dans la préparation du thé lors des fêtes de mariages et autres occasions. Ses tarifs diffèrent selon la demande. De 3.000 DA à 5.000 DA pour préparer et servir le thé et 30.000 DA lorsqu’il est sollicité pour ramener un décor du Sud, à savoir une tente et des ustensiles de la région. Cette activité est plus rentable durant la période estivale notamment sur les plages et durant les fêtes de mariage, selon Bachir qui indique que plus de 30 jeunes du Sud l’exercent dans la région d’Alger ouest.