Les massacres du 17 octobre 1961 à Paris, qui avaient fait des centaines de victimes algériennes, sont des crimes d’Etat et contre l’humanité, documentés comme tels par de nombreux historiens et chercheurs, notamment français, mais ne sont toujours pas reconnus par la France officielle.
Dans la nuit du 17 octobre 1961, des milliers d’Algériens et d’Algériennes, parfois accompagnés de leurs enfants, avaient, à l’appel de la Fédération du Front de Libération nationale (FLN ) en France, manifesté pacifiquement dans la capitale française pour dénoncer le couvre-feu inique et discriminatoire décrété à leur encontre par le préfet de police de l’époque Maurice Papon. Plusieurs d’entre eux avaient été exécutés sommairement par balles, jetés vivants dans la Seine ou battus à mort, selon les témoignages de survivants et d’anciens policiers français. Ces manifestations, réprimées par la police française et ses supplétifs avec une violence que l’Europe n’avait pas connue depuis la Seconde Guerre mondiale, avaient fait plus de 400 victimes, selon les estimations de la Fédération du Front de libération nationale en France. Quinze mille autres Algériens et Algériennes avaient été arrêtés lors de ces évènements et transférés au palais des sports, au parc des Expositions et au stade Coubertin, détenus dans des conditions effroyables, battus et longtemps laissés sans nourriture et sans soins. Maurice Papon avait, lors de l’occupation de la France par les troupes nazies et alors qu’il était secrétaire général de la préfecture de la Gironde (Sud-Ouest de la France), entre 1942 et 1944, participé à l’arrestation des juifs de la région bordelaise et à leur déportation vers les camps d’extermination d’Auschwitz. S’il avait été condamné en 1998 par la justice française à dix ans de réclusion criminelle pour complicité de crimes contre l’humanité, il n’a jamais été inquiété, par cette même justice, pour les massacres d’Algériens à Paris. Les manifestations du 17 octobre 1961 dans la capitale française furent un épisode important dans l’histoire de la Révolution et la répression sanglante subis par les Algériens qui y avaient participé avait révélé au monde entier le visage hideux du colonialisme et hâté l’avènement des négociations pour l’indépendance de l’Algérie. Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a décidé en 2021 de décréter l’observation d’une minute de silence, le 17 octobre de chaque année à 11h à travers tout le territoire national, à la mémoire des victimes de ces évènements tragiques.
Pour une lecture objective de l’histoire Le président de la République avait considéré la question de la mémoire comme un point central des relations algéro-françaises, affirmant que l’Algérie n’y renoncera jamais. Le Président Abdelmadjid Tebboune et son homologue français Emmanuel Macron ont signé le 28 août dernier à Alger la Déclaration d’Alger pour un Partenariat renouvelé entre l’Algérie et la France, dans laquelle les deux parties estiment que «le moment est venu pour favoriser une lecture objective et de vérité d’un pan de leur histoire commune, tenant compte de l’ensemble de ses étapes afin d’appréhender l’avenir dans l’apaisement et le respect mutuel». Alger et Paris ont convenu, dans ce cadre, d’établir une commission conjointe d’historiens algériens et français chargée de «travailler sur l’ensemble de leurs archives de la période coloniale et de la guerre d’indépendance». «Ce travail scientifique a vocation à aborder toutes les questions, y compris celles concernant l’ouverture et la restitution des archives, des biens et des restes mortuaires des résistants algériens, ainsi que celles des essais nucléaires et des disparus, dans le respect de toutes les mémoires. Ses travaux feront l’objet d’évaluations régulières sur une base semestrielle», souligne le texte de la Déclaration. Pour de nombreux historiens, la non-reconnaissance par la France de ses crimes coloniaux constitue un véritable obstacle au développement de véritables relations d’amitié et de coopération entre les deux pays. La France doit «impérativement» reconnaître et condamner les crimes commis le 17 octobre 1961 à Paris contre des manifestants algériens pacifiques, a réclamé Henri Pouillot, témoin de la Guerre de libération et militant anticolonialiste. «C’est à ce prix qu’un traité d’amitié entre l’Algérie et la France est possible», a-t-il affirmé. Ces massacres «doivent être, enfin, qualifiés de façon précise comme crimes d’Etat par le président de la République, et l’Etat (français), responsable et coupable, nommé comme tel», a abondé dans le même sens l’historien et politologue français, Olivier Le Cour Grandmaison.
M. Harkat /Ag.