Transition politique: Des personnalités nationales appellent à un dialogue « franc et honnête » avec les représentants du « Hirak »

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Dans une contribution pour une sortie de crise, Taleb El Ibrahimi, Ali Yahia  Abdennour et Rachid Benyelles, ont relevé que des millions d’Algériens, toutes classes sociales et tous âges confondus, sont sortis dans les rues de l’ensemble des grandes villes du pays pour « manifester pacifiquement, crier leur colère et refuser l’humiliation qu’un pouvoir arrogant et sûr de lui, voulait encore leur faire subir en annonçant la candidature pour un cinquième mandat, d’un homme qui vit à l’état végétatif depuis cinq ans ».

Par leur caractère massif et strictement pacifique, les manifestations grandioses de ces treize dernières semaines « ont forcé l’admiration du monde entier et nous ont rendu notre dignité trop longtemps bafouée, comme elles nous ont permis de recouvrer notre fierté d’appartenir à une grande nation. Elles auront également fortement contribué à renforcer l’unité nationale et la volonté du vivre ensemble, quelles que soient nos différences politiques, et nos sensibilités culturelles ou doctrinaires ». Après avoir obtenu la démission forcée du président candidat moribond, les manifestants dont le nombre a atteint des sommets historiques, « exigent maintenant l’instauration d’un État de droit et d’une véritable démocratie, en passant préalablement par une période de transition de courte durée, conduite par des hommes et des femmes n’ayant jamais appartenu au système profondément corrompu des vingt dernières années. Cette période est nécessaire pour mettre en place les mécanismes et dispositions permettant au peuple souverain d’exprimer librement et démocratiquement son choix à travers les urnes, un processus qui va dans le sens de l’histoire, et que rien, ni personne ne saurait arrêter ». « Porteuse de graves dangers dans une situation régionale tendue, la situation de blocage à laquelle nous assistons par le maintien de la date du 4 juillet ne pourra que retarder l’avènement inéluctable d’une nouvelle République. Car comment peut-on imaginer des élections libres et honnêtes alors qu’elles sont d’ores et déjà rejetées par l’immense majorité de la population parce qu’organisées par des institutions encore aux mains de forces disqualifiées, opposées à tout changement salutaire », ont-ils relevé. C’est pourquoi, ils demandent instamment au commandement de l’ANP de « nouer un dialogue franc et honnête avec des figures représentatives du mouvement citoyen ( harak ), des partis et des forces politiques et sociales qui le soutiennent, afin de trouver au plus vite, une solution politique consensuelle en mesure de répondre aux aspirations populaires légitimes qui s’expriment quotidiennement depuis bientôt trois mois ». De son côté, l’ancien chef du gouvernement, Ahmed Benbitour avait appel à une « lecture attentive » de la Constitution pour aboutir à une solution politique à la crise que traverse le pays « sans trop s’éloigner de ses dispositions ». Benbitour a estimé que « l’idée du respect stricto sensu de la Constitution ne fera pas sortir le pays de la crise », expliquant que « la solution politique s’opère par un changement serein du régime à travers l’application des articles 7 et 8 de la Constitution puis l’activation de l’article 102 durant une période de transition qui devra donner lieu à l’élaboration d’une feuille de route pour une sortie de crise, la désignation d’un gouvernement de transition et la définition des modalités d’organisation d’une élection Présidentielle régulière ». Par ailleurs, M. Benbitour a mis en avant l’importance de choisir des représentants compétents du Hirak populaire pour des « négociations » avec les parties dirigeantes en vue d’un « changement total du système ». Le Hirak populaire qui réclame un changement radical du système « se doit de passer » à une nouvelle phase à travers « la désignation de représentants officiels capables d’élaborer une feuille de route pour négocier avec les parties dirigeantes en vue de réaliser la principale revendication de la rue algérienne, à savoir le changement de tout le système ». Plus explicite, M. Benbitour propose la désignation d’un représentant par wilaya pour que ces représentants se réunissent, par la suite, pour élire trois d’entre eux pour parler au nom du Hirak. Se disant disposé à « apporter son aide » dans la transition qu’il prône, en contribuant à l’élaboration de la feuille de route pour la gestion de cette étape, il a indiqué avoir « un programme » de sortie de la crise politique que traverse le pays. A la question de savoir s’il accepterait de diriger cette transition, M. Benbitour a affirmé que c’est là « une grande responsabilité historique », mais, a-t-il ajouté « je ne peux frapper aux portes » soulignant que « La rue refuse actuellement qu’on la représente ». « Lorsque les manifestants et le régime conviendront d’un accord sur une transition, je ferai part de ma position concernant la direction de cette étape », a-t-il déclaré. Dans le même sens, M. Benbitour a estimé que « l’opposition ne peut actuellement convenir d’un candidat de consensus pour la conduite de l’étape de transition », affirmant que « l’opposition peut être représentée par plus d’un candidat ». Commentant les discours de l’institution militaire au sujet de la crise, M. Benbitour a estimé que ces discours étaient une preuve qu’elle (l’institution militaire) « avance prudemment », mettant en garde contre la durabilité du statu quo car, a-t-il dit, « plus le temps passe, plus les revendications augmentent et les solutions deviennent difficiles ». Par ailleurs, l’ancien chef du Gouvernement a qualifié l’ouverture des dossiers de corruption par la justice de « premier pas positif » dans la lutte contre la corruption, affirmant que ceci reste insuffisant pour « éradiquer cette corruption, érigée en système, et dont la lutte requiert un changement des institutions ». M. Benbitour a plaidé, en outre, pour « une séparation entre les pouvoirs exécutif et judiciaire », soulignant « l’impératif de veiller à l’application des décisions du magistrat ». Quant à la Présidentielle, prévue le 4 juillet prochain, M. Benbitour a relevé « l’absence » des moyens d’organisation de cette élection » à laquelle il ne participera pas, a-t-il dit. En réponse à une question sur sa non participation aux consultations auxquelles a appelé le chef de l’Etat, M. Benbitour a considéré que « l’heure n’est plus au dialogue », ajoutant que « ce dialogue est désormais dépassé par les évènements ». Evoquant la crise économique à laquelle fait face l’Algérie, M. Benbitour a réitéré son appel à « une politique d’austérité en synergie entre les citoyens et le régime », afin de faire face à la baisse continue des recettes des hydrocarbures qui « ont chuté de 63 milliards Usd en 2013 à 27 milliards Usd en 2016 ». A ce propos, il a tiré la sonnette d’alarme quant à l’impact sur l’économie nationale « de taux d’inflation énormes et d’une pénurie des produits de consommation à partir de 2021 ».L’Algérie a besoin de « compétence en matière de gestion au plus haut niveau de l’Etat » et de « dirigeants chevronnés pour choisir les compétences nécessaires », a-t-il soutenu.

T. Benslimane