Cette journée du 11 Décembre aura été sans aucun doute, un point marquant dans l’histoire de l’Algérie. En effet, le peuple était sorti dans la rue pour revendiquer l’indépendance nationale, coupant ainsi l’herbe sous les pieds de tous les partisans de l’Algérie française et mettant fin aux supputations qui faisaient état d’une adhésion de la population à la politique de De Gaule. D’ailleurs, les historiens soutiennent que celui-ci a définitivement enterré le projet d’annexer l’Algérie à la France, à la vue de ces manifestations d’envergure. Cette journée du 11 Décembre nous interpelle très personnellement et que les lecteurs me permettent pour une fois d’utiliser la première personne. J’avais à peine neuf ans en cette journée grise et maussade et comme chaque matin je m’apprêtais à aller à l’école, mais les bruits provenant de la rue m’en dissuadèrent et je courus voir de quoi il retournait. Nous habitions un quartier «arabe» dans la vieille ville de Constantine (la rue des Frères Lévy devenue rue Arafa) et ces «territoires» d’indigènes étaient reconnaissables aux lourdes grilles de fer qui en bouchaient toutes les issues. Il y avait une foule compacte qui criait l’indépendance de l’Algérie. Je me souviens très bien que certains disaient «Algérie musulmane» tandis que d’autres soutenaient haut et fort «Algérie algérienne», nous autres gamins du quartier ne comprenions rien à ces slogans et suivions la foule de manifestants à travers les venelles étroites. C’est dire que la fracture idéologique avait déjà commencé bien avant l’indépendance, entre tenants d’une Algérie nationaliste et une autre d’inspiration religieuse. La manifestation dura jusqu’au début de l’après-midi quand un homme grimpa sur un tertre et fit un long discours, ponctué par les applaudissements et les youyous. J’étais trop jeune pour comprendre et pour saisir la portée de cette journée mémorable. Nous étions à quelques mois de l’indépendance.